Encore un Musô ? oui, encore un Musô. Comme s’il en pleuvait. La cabine à cloner des Beat Them All de Koei Tecmo tourne à plein régime, et livre des résultats aléatoires allant de la vague bonne surprise à l’océan de n’importe quoi bâclé à la va-vite. Mais la série Warriors Orochi, fusionnant les rosters de combattants chinois et japonais de Samurai Warriors et Dynasty Warriors jouit dans ce marigot d’une honorable réputation. Et voici donc, sept ans après le dernier épisode en date du spin-of, un quatrième épisode tout simplement intitulé Warriors Orochi 4, au classicisme supposé faire oublier la catastrophe Dynasty Warriors 9.
Les plus fins connaisseurs auront noté que dans la foisonnante catégorie des Beat Them All signés Koei, nous avions été gratifié du grotesque mais sympathique Warriors All-Stars l’an dernier, improbable fusion d’un peu tout et n’importe quoi dans le catalogue de l’éditeur : les petites sorcières d’Atelier se bagarraient joyeusement avec le William Adams de Nioh et les guerrières de Dead or Alive. Un peu plus varié, un peu plus beau, ce cross-over laissait espérer qu’il y avait un peu d’espoir de renouvellement pour le genre. J’aimerais en dire autant du retour de Warriors Orochi, incroyable fourre-tout de n’importe quoi, souvent très rigolo, certes hypnotisant mais techniquement honteux. Asseyez-vous, je vous raconte.
Persée contre les Robosamuraïs des Enfers
J’ai décidé d’axer cette présentation de Warriors Orochi 4 uniquement sous le prisme scénaristique. Tout ce que je pourrais dire des autres aspects du jeu serait très pauvre en informations pertinentes. En fait, tout tient en un seul paragraphe : c’est vraiment moche comme tout, la musique est insupportable, mais le gameplay, sorte d’accumulation totale et grotesque de 15 ou 20 jeux différents, est très rigolo. Des centaines de trucs nous attaquent en continu, et les 170 personnages jouables n’ont quasiment QUE des coups spéciaux. Tout explose tout le temps. Il vous faudra des dizaines d’heures pour voir le générique de fin, et les menus sont bordéliques en diable. L’ensemble est découpé en dizaines de batailles qui durent cinq à trente minutes, aux objectifs variés, mais consistant généralement à une seule chose : aller d’un point A à un point B en tuant tous les officiers ennemis que vous croiserez. Mais sachez, vous pauvre mortels pour qui cela serait le premier jeu de la série : Warriors Orochi 4 est un jeu extrêmement scénarisé, bavard jusqu’à l’overdose.
Passons donc à l’essentiel, au point fort, au pinacle ineffable de Warriors Orochi 4 : sa qualité d’écriture, qui dépasse en ambition absolument tout ce qu’il m’a été donné de voir en matière de n’importe quoi, raconté avec une science du premier degré qui laisse à tout instant pantois. Dans le passé, comprenez les trois premiers Warriors Orochi et ses épisodes dérivés, les héros des Royaumes Combattants et du Sengoku Jidai ont vaincu le maléfique serpent des enfers Orochi, puis ses disciples, ou ses réincarnations, on ne sait plus très bien. La paix était revenue dans le continuum espace-temps. Mais patatras, c’était sans compter sur les manigances de Zeus. Oui, Zeus. LE Zeus.
Parce que figurez-vous qu’un beau jour, Zeus s’est mis en tête de créer avec la complicité de ses enfants Arès, beau gosse très typé K-pop et d’Athéna (une Valkyrie, très clairement) quatre anneaux magiques, les Bracelets d’Ouroboros. Ou peut-être huit, mais je ne veux pas trop gâcher les surprises. L’objectif de ces bracelets ? Révéler le pouvoir magique qui sommeille chez certains mortels. Alors qu’il s’apprêtait à se lancer dans cette entreprise, le facétieux Persée, Demi-Dieu jaloux, décide de piquer les bracelets et de les jeter dans un monde parallèle où sont immédiatement convoqués tous les anciens combattants de la franchise, ainsi que des cyclopes, des griffons et un certain nombre de robots des enfers semblant sortis d’un clone chinois pour téléphone mobile de Nier Automata. Et c’est parti pour une quarantaine d’heures de Warriors Orochi 4.
Je suis Oda Nobunaga ! Prisme Lunaire, transforme-moi !
Comme c’est la règle dans ce genre de contexte, tous les généraux convoqués dans cet étrange monde parallèle constitué de paysages moches et de châteaux-forts asiatiques commencent immédiatement à se taper dessus. Mais c’est sans compter sur la perspicacité de vous, Yukimura Sanada et d’une poignée d’autres, qui comprenez très vite que tout ceci est un turbo-complot-2000 de la part de la version démoniaque d’Oda Nobunaga, qui a rassemblé autour de lui une armée de gens pas très motivés (ils vous rejoignent systématiquement dès que vous leur cassez la gueule, par paquet de 6 ou 7 après chaque mission), mais assez balaises. Ni une ni deux, vous formez une coalition hétéroclite composée de descendants de Sun Tzu, de survivants de la bataille de Sekigahara, ou encore de cette fille de Mitsuhide Akechi qui, après s’être convertie au catholicisme sous le nom de « Gracia » s’est immédiatement transformée en Gothic Lolita qui se bat avec des bijoux magiques (aucun historien n’a été maltraité dans le processus mais dans le doute ne faites pas ça chez vous). Objectif de votre armée de joyeux drilles : déboîter la mâchoire à Oda himself.
Mais comme on est pas juste là pour la baston, ne vous inquiétez pas, le spectateur attentif, bientôt noyé sous un roster de plusieurs dizaines de généraux chinois et japonais, sera bientôt gratifié de centaines d’événements scénarisés où des femmes ninja discutent de la différence de temps de cuisson entre les brioches à la viande en Chine et au Japon, ou de vieux messieurs barbus en armure qui discutent du bon vieux temps, pas du tout perturbés par le fait qu’ils vivent à environ 1700 ans d’écart. Des scènes si répétitives et si mal écrites qu’on ne peut que comprendre entre les lignes que dans les objectifs des scénaristes, le mot « quantité » était stabiloté de manière très vénère, et que le mot « qualité » était lui relégué en note de bas de page.
Tout ce petit monde alterne entre grosses bagarres et missions annexes destinées à explorer la psyché de chacun et à récolter de précieuses ressources pour crafter des trucs, développer le camp de base et envoyer des gens à l’entraînement pour qu’ils reviennent avec quelques niveaux en plus et le pouvoir de l’amitié chevillé au corps. Et puis au bout d’un moment, quand même, on en vient à taper Oda Nobunaga, et à le vaincre, à récupérer quelques bracelets magiques (qui transformeront certains de vos héros en demi-divinités ailées)… Et à réaliser qu’il y a un complot derrière le complot ! Oh non, là où le générique de fin de Warriors Orochi 4 aurait pu retentir, le joueur découvre qu’il n’est qu’au début du voyage. Descendue entourée d’une armée de chérubins à jupette, voici Athéna !
Kratos v Superman
A partir de là, tout n’est plus qu’une longue et redoutable ascension narrative. Dans des décors désormais pseudo-grecs où déambulent des dizaines de combattants impliqués dans toute cette sombre affaire, on découvre qu’Athéna et ses généraux, visiblement manipulés par Arès, cherchent à récupérer les bracelets pour concentrer le pouvoir pour Zeus, lui-même semblant être sous l’influence de Da Ji, qui a trahi les Mystiques (et leur armée d’adolescents cyborgs) pour œuvrer à la réincarnation du démoniaque Orochi lui-même. Mais pour combattre Orochi nos héros doivent, au fond de leur cœur, chercher la vraie réponse, celle qu’ils ont oubliée, puisque si vous avez bien tout suivi, ils ont perdu la mémoire.
Deux camps semblent alors irréconciliables : celui des Chinois-Japonais-Démons Infernaux-Mystiques Robots-Dieux Grecs Rebelles et celui des Partisans de Zeus-Athéna-Da Ji-Orochi. La lutte giga-infernale du bien contre le mal ne fait que commencer. Car, aussi surprenant que cela puisse sembler, tout ceci ne résume que grossièrement la première moitié de Warriors Orochi 4, dont l’OST à base de speed metal fou furieux est encore en-deçà de tout ce qui se déroule sous les yeux du joueur. Et je serai très, très peiné de vous spoiler toute la moelle de ce qui vient ensuite. Sachez juste que comme vous vous en doutez, oui, c’est pire.
Warriors Orochi 4 a été testé sur PS4 via une clé fournie par l’éditeur.
Il y a quelque chose qui m’a poussé, encore et toujours, à me lancer dans ces joutes répétitives et ces missions interminables décalquées les unes sur les autres, ce moteur de jeu daté, ces faciès grossièrement modélisés, et ce gameplay entièrement composé de coups spéciaux plus ou moins farfelus mais systématiquement axés sur le bourrinage total. Un peu comme l’était le (très chouette) Hyrule Warriors, il y a dans Warriors Orochi 4 une sorte de folie absolue qui pousse à en savoir plus. On reproche souvent aux jeux vidéo d’avoir l’écriture d’un adolescent mal dégrossi, mais rares sont les jeux qui ressemblent davantage au délire de bac à sable d’un enfant de 7 ans envoyant ses figurines dans tous les sens en faisant des bruits de pets avec la bouche. Et parce qu’il nous présente tout cela avec les sourcils froncés d’un cadre japonais de 45 ans qui s’est appliqué avec morgue à remplir le cahier des charges jusqu’à raz-la-gueule, Warriors Orochi 4 finit par dégager un charme assez étrange, presque trop fou pour ce monde.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
Articles similaires
Miniatures - La poésie du souvenir
nov. 20, 2024
Rogue Flight - Monte dans le robot, Zali !
nov. 16, 2024
Great God Grove - Queer et élastique
nov. 11, 2024