En 2015, Devespresso Games avait créé la surprise en livrant un The Coma : Cutting Class développé par une équipe coréenne minuscule, qui se posait en excellente variation sur le thème de Silent Hill remixé à la sauce 2D. Ont suivi un remaster et un portage sur tous les supports, ainsi que la sortie d’un Vambrace : Cold Soul très apprécié dans nos colonnes. Puis enfin, en novembre dernier, une beta de The Coma 2 : Vicious Sisters, qui enchaîne les critiques utilisateurs triomphales depuis des semaines et s’apprête à sortir en version définitive le 28 janvier prochain. Peut-être le premier grand jeu horrifique de la décennie ?
Pour tout vous dire, je partais plutôt pessimiste : je n’avais pas du tout aimé Vambrace (contrairement à notre bon Rieur), et le premier The Coma m’avait plongé dans une indifférence absolue. Je n’avais pas spécialement détesté : je n’en pensais rien, à part un vague amour pour le chara design et l’univers imaginés par Minho Kim. L’histoire ne m’avait pas semblé bien originale, le système de jeu pas des plus intéressants, et tout m’était tombé des mains assez vite. J’étais clairement passé à côté du train de la hype, puisque le jeu, puis son portage mobile et son remaster, sont devenus cultes auprès de la petite communauté des fans d’horreur en 2D. Quand l’Early Access du second épisode a commencé à rafler le cœur de tous les acheteurs avec 98% de reviews positives, et une place dans le club très select des jeux à review « extrêmement positives » sur Steam, je me suis dit qu’il fallait que je redonne une chance au lycée hanté de Sehwa et ses professeurs transformés en créatures hideuses dans les pires cauchemars des protagonistes. Parfait : c’est pile la dose de bonne horreur qui tache dont j’avais besoin entre deux tranches de Resident Evil.
Le Bahut des Tordus
Une école pleine d’enfants violents, un commissariat en ruine, une station de métro aux annonces effrayantes ou encore l’aile pour enfants d’un hôpital hanté : The Coma II ne lésine pas sur les ambiances angoissantes pour trimbaler Mina, son héroïne, dans une dimension parallèle et horrifique. Comme le faisait le premier épisode, The Coma II commence quasiment in medias res : en moins de deux ou trois minutes, le joueur est plongé, sans défense, dans l’horrible réalité alternative figurant la pire version de chaque lieu familier, et peuplé de créatures plus ou moins affreuses et mortelles.
Le lycée dans lequel démarre l’intrigue permet de poser très rapidement les bases de ce que le jeu entend montrer : s’il est possible de se défendre contre certaines menaces en esquivant, en se cachant ou en utilisant une des très rares armes à disposition, la règle générale est qu’une jeune fille de 16 ans ne gagne pas au corps à corps contre une version chthuléenne et démoniaque de sa prof d’anglais. À l’instar d’Alien : Isolation, The Coma II entend vous faire écouter et observer votre environnement, pour vous planquer sous les tables et dans les casiers métalliques à l’approche d’un des monstres ineffables hantant les couloirs. En gros : une créature différente avec sa propre IA, ses propres bruits et ses propres patterns dans chacun des six chapitres du jeu, qui se boucle entre 5 et 10h selon votre capacité à vouloir déverrouiller et explorer chaque recoin des différents décors de The Coma II.
Si le jeu est infiniment plus bavard que Silent Hill ou Alien : Isolation, c’est parce que la protagoniste n’est pas la seule à être piégée dans la dimension du Coma. Autour d’elle se déploie une vaste galerie de personnages assez cohérente : chasseurs de fantômes, esprits vengeurs, démons arnaqueurs ou élèves disparus… The Coma II m’a surpris par la densité et la vraisemblance de son univers horrifique, qui arrive peu à peu à se détacher des codes habituels des histoires d’écoles hantées et de commissariats zombifiés pour arriver à trouver un ton où un drama coréen d’épouvante aurait percuté Persona et les traumatismes asiatiques hérités de la Guerre Froide. Jusqu’au dénouement beaucoup plus épique que ce à quoi je m’attendais, toute la montée en tension de l’aventure est palpable, et ne s’épargne aucun drame, en se permettant quelques variations en fonction des actions du joueur qui n’ont pas été pour me déplaire.
Explorer, Bricoler et Survivre
La boucle de gameplay de The Coma II est assez simple : vous arrivez dans une zone, dont l’essentiel des portes sont fermées, et vous devez rejoindre la prochaine, en accomplissant divers objectifs dont l’essentiel consiste à ouvrir des passages et récupérer divers objets vous permettant d’aller plus loin. Une bonne chose : la plupart de ces objets ont un sens logique. Pas de « médaillon de cheval à insérer dans une statue en forme de cœur pour ouvrir une horloge dans le casier du chef de la police » ici. On cherche des clés de bureaux pour ouvrir des bureaux, et des cartes de métro pour passer des portiques, ce qui donne à l’univers une substance plausible et quotidienne, presque poisseuse, qui est la bienvenue.
Mais davantage que le côté organique de la progression, c’est la capacité du joueur à assurer sa propre survie en observant et en explorant son environnement qui sera mise en tension pendant chaque chapitre de The Coma II. Il y a en gros à chaque étape du jeu deux manières de progresser : une en se précipitant pour assurer sa survie à court terme et économiser des ressources, et une en accomplissant les quêtes secondaires et les quêtes cachées, à côté desquelles le joueur paresseux pourra tout à fait passer. Et de manière beaucoup plus directe que le simple « bad ending » en fin de parcours qui vous attend si vous vous précipitez, vous aurez à affronter les conséquences directes de votre impréparation. Il m’est par exemple arrivé de prendre un point de dommage permanent à ma barre de vie, parce que j’avais oublié de crafter un objet dont j’avais désespérément besoin pour progresser en fin de chapitre.
J’en vois deux ou trois qui ont déjà préparé les coktails molotov à la mention de crafting, mais là encore, The Coma II fait les choses de manière plutôt fluide, en troquant les habituels collectibles par paquet de douze par des éléments peu nombreux mais logiques à récupérer à des endroits ordinaires : j’ai dû par exemple confectionner un masque à gaz avec des filtres à café et une bouteille, et trouvé ces éléments pile où je les aurais dénichés dans la vraie vie. Cette cohérence est trop rare pour ne pas être soulignée dans le monde des jeux horrifiques. Tout juste regrettera-t-on les pages de journal à récupérer à droite à gauche contenant énormément d’éléments pas franchement intéressants sur le lore de la série, et quelques QTE abusifs mal placés. Mais ce que je retiens de The Coma II, c’est la capacité extrêmement bienvenue de son gameplay à se faire oublier, au profit d’une ambiance et d’une atmosphère particulièrement réussies.
Mourir et aimer ça
Dans The Coma II, je suis mort souvent, et ça ne m’a jamais beaucoup dérangé. À peine moins que dans Alien : Isolation, être repéré dans ce titre signe la mort quasi immédiate de la protagoniste, mais la presque absence de temps de chargement (sauf entre les changements de zone) et les points de sauvegarde idéalement placés intègrent pleinement l’expérience sans jamais la gâcher. Et le joueur attentif pourra bénéficier de droits à l’erreur (objets à usage unique, possibilités de se téléporter à certains endroits, etc.), ce qui rend l’expérience moins âpre sans pour autant mâcher le travail : The Coma II n’est pas un jeu facile, mais il m’a récompensé à chaque nouvelle étape franchie, tant les environnements traversés et les divers développements de l’intrigue fonctionnent bien.
Ce qui marche également à merveille, c’est ce trait à la fois doux et angoissant, nappant d’une couche d’horreur les endroits familiers mais stressants de la Corée contemporaine : commissariats aseptisés, stations de métro impersonnelles, système scolaire à la pression délirante, le tout sur fond d’angoisse sociale, de traumatismes passés et de divers stigmates d’un monde qui peine à trouver la stabilité. L’ambiance musicale du jeu, des bruits de pas des ennemis à la musique discrète mais efficace, remplit parfaitement son office : The Coma II installe une des meilleures ambiances qu’il m’ait été donné de voir dans un jeu horrifique depuis longtemps, et ce de manière moins immersive mais aussi moins nanardesque que dans les derniers Resident Evil.
Rares sont les jeux qui, comme The Coma II, font le choix de l’attente, de la tension, de l’ellipse et de la dissimulation pour instiller la peur, plutôt que celui des jump scares faciles. Ces derniers sont d’ailleurs assez rares dans le jeu, qui préfère faire suinter la menace petit à petit, à l’exception de quelques moments de hasard où l’IA téléporte un monstre invincible à moins d’un mètre de la pièce dont vous sortez. C’est rare, et difficile à anticiper, et c’est un des rares défauts de The Coma II, mais ce n’est cependant pas le seul.
La perfection n’est pas encore de ce monde cauchemardesque
Pour l’essentiel, j’ai déjà signalé ce qui pêchait dans tout cela : tout d’abord quelques mauvaises surprises de l’IA, dont la règle tacite veut qu’elle se signale par des bruits de pas préalables au lieu de brutalement se téléporter, ce qui arrive trop souvent. Quelques QTE abusifs et pas toujours très intéressants ensuite, et une tendance au bavardage pas très bien écrit dans les documents à collecter par le joueur. Cependant, un patch day one devrait corriger ces derniers et les auteurs du jeu promettent un anglais plus naturel et plus fluide. À ce titre, on regrettera aussi l’absence de VF, qui privera les non anglophones d’une expérience vraiment chouette.
Et il m’a peut-être manqué, in fine, la petite touche d’inventivité ou de folie qui aurait fait de The Coma II : Vicious Sisters un jeu vraiment excellent. Il fait bien tout ce qu’il entreprend, mais il m’a semblé peiner à fournir des idées originales, ou une identité vraiment unique, comme si tout là-dedans n’était que l’agrégation certes excellente de systèmes déjà usés et éprouvés. En cela il lui manque le côté grandiose et inédit que pouvait proposer l’an dernier un Yuppie Psycho, par exemple. Si l’Histoire narrée dans The Coma II apporte une conclusion efficace à l’intrigue commencée dans le premier (nul besoin de l’avoir fait pour apprécier, ceci dit), sa fin relativement ouverte me laisse penser que Devespresso Games n’en a pas encore fini avec sa dimension parallèle pleine de profs principales tueuses et de chasseurs de spectres inquiétants. La progression entre les deux premiers épisodes était si importante que je ne peux que saluer la perspective de repartir un jour pour un troisième volet.
The Coma II : Vicious Sisters a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
The Coma II : Vicious Sisters ne se contente pas d’améliorer la formule du premier épisode : il la sublime et prend son envol comme l’une des grandes franchises du jeu d’horreur en 2D. Je ne saurais que trop vous recommander ce jeu qui, s’il ne sort jamais des rails de ce qu’on attend de lui, ne propose quasiment que du bon. Difficile de ne pas finir sur la formule éculée du « jeu de la maturité » pour les coréens de Devespresso Games, mais elle s’applique pourtant assez bien, tant il semble évident que ce titre est la somme de cinq ans d’apprentissage et d’ajustements. Comme je le disais : j’étais bien loin de partir conquis, et j’en suis presque reparti avec la larme à l’œil à l’idée de le quitter. Et aussi parce que je n’ai pas eu la bonne fin. Mon conseil : n’oubliez pas de retourner chercher l’encens au marché, après le troisième chapitre. Snif.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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