Il arrive dans la vie que tout semble marcher et quand on ne s’y attend plus, arrive le truc qui vient casser l’ambiance. Prenez un bon resto : l’entrée passe toute seule, le plat est délicieux, tout se passe à merveille et BAM ! Le dessert arrive et est clairement en dessous du reste. On a beau avoir passé un excellent moment, reste la tristesse finale. Est-ce que vous voyez où je veux en venir avec Paradise Killer ?
Une entrée copieuse (mais qui sait aussi se démarquer)
Qu’il est difficile de vous expliquer le point de départ de Paradise Killer tant il me faudrait vous parler en détail de cet univers si particulier qu’on prend plaisir à découvrir. Bon, je vais tâcher de vous faire au moins une version résumée : Paradise Killer se déroule sur une île, appelée… le Paradis. Ses habitants ont pour double but de créer une île parfaite et de ressusciter des anciens dieux aliens disparus. Pour réussir leur mission, certains des humains ont obtenu le statut d’êtres immortels avant de créer le Syndicat et son Conseil, une sorte de gouvernement qui régit le fonctionnement du Paradis.
Le problème, c’est qu’au lieu de ressusciter les anciens dieux, les habitants de l’île ont plutôt eu tendance à faire venir des démons, entraînant alors la corruption de l’île et la création d’une nouvelle. Particulier tout ça, n’est-ce pas ? Il faut reconnaître qu’à la découverte de cette histoire au tout début du jeu, on peut être rapidement pris de vertige devant la montagne de concepts à intégrer pour un jeu que l’on pensait n’être qu’une simple enquête, surtout que, pour ne pas arranger les choses, le jeu n’est disponible au moins pour le moment qu’en anglais.
En parlant d’enquête, votre aventure commence juste avant la fin de l’île numéro 24, lorsque les membres du Conseil, réunis dans un lieu clos à l’abri de tous (même des autres membres du Syndicat) sont sauvagement assassinés. Charge alors à Lady Love Dies, l’enquêtrice bannie il y a fort longtemps et personnage que vous allez incarner, de comprendre ce qu’il s’est passé et qui est (vraiment) responsable.
Vous avez déjà joué à Danganronpa? Alors vous ne serez pas vraiment dépaysé. Libre à vous d’aller où bon vous semble sur l’île pour rencontrer les différents protagonistes/suspects et les interroger pour accumuler les preuves, les alibis et les contradictions dans les témoignages. De la même manière, vous allez pouvoir fouiller les lieux pour récolter les indices et pirater à l’aide de votre ordinateur pour récupérer des informations (le seul réel mini-jeu de l’aventure, car que serait un jeu vidéo sans son piratage pas complètement raté mais pas hyper intéressant non plus ?).
Paradise Killer vous laisse une liberté totale lors de votre enquête. Vous pouvez choisir par où commencer, visiter l’île morceau par morceau pour fouiller tout méthodiquement ou enchaîner les allers-retours entre les points et personnes d’intérêt. Vous êtes d’ailleurs tellement libre dans votre enquête que vous pouvez dès le début retourner voir la Juge, entité indépendante qui vous donne votre mission, pour commencer la phase de procès… Mais vous vous en doutez, cela risque de vite se finir…
À l’inverse d’un Danganronpa ou d’un Ace Attorney, pour ne citer qu’eux, vous n’aurez qu’une seule phase d’enquête, même si vous découvrirez bien vite que la tuerie de départ n’est qu’un seul des nombreux problèmes de l’île que vous allez devoir résoudre. Cela donne un rythme particulier puisque, si vous voulez récupérer toutes les informations nécessaires pour le procès, vous êtes bon pour écumer de long en large cette île 24 pendant une dizaine d’heures, contre 1 heure pour la partie judiciaire. Mais nous y reviendrons…
Un plat dont on se resservirait bien
Une dizaine d’heures d’enquête dans un jeu du genre, ça peut être long. Et pourtant le cœur du jeu marche tellement bien qu’on en reprendrait bien quelques heures supplémentaires.
Les différents décors de l’île sont variés, de la plage au temple décoré de statues et crânes géants en passant par les barres d’immeubles et les pyramides. L’île ressemble à un patchwork de plein d’idées qui ne devraient pas marcher ensemble, et pourtant cela lui donne une réelle identité, et puis c’est plutôt pratique quand on a accès immédiatement à tout pour se rappeler de ce que l’on a déjà visité ou non. D’autant que l’île est couverte d’éléments à récupérer, que ce soit des cristaux de sang (la monnaie du jeu) ou des éléments rajoutant du lore à l’univers et des indices parfois bien cachés. Je ne peux que vous inviter à trouver les améliorations pour augmenter votre mobilité et ainsi pouvoir fouiller plus aisément dans les décors (mais chut, je ne vous dis pas comment, gardons quelques surprises…).
La dizaine de personnages que vous allez pouvoir interroger a aussi été bien travaillée. Chacun a sa personnalité, sa voix et ses propres traits de caractère, allant du fervent religieux au spectre vengeur sans oublier le couple d’anciens tueurs ennemis jurés mais tombés amoureux au combat. Ils ont aussi tous leur style et leur rôle spécifique sur l’île, ce qui aide à les différencier les uns des autres, et c’est plus facile qu’en cherchant à retenir des noms comme Sam Day Break, Crimson Acid ou encore One Last Kiss… Oui, on ne va pas se mentir, entre les styles et les noms, il y a des fans de Jojo’s Bizarre Adventure chez Kaizen Game Works.
Et puis il y a la musique du jeu composée par Barry « Epoch » Topping… cette musique bon sang! Mélange de vaporwave, city pop mais aussi d’un peu de jazz. Je pourrais essayer d’en parler longuement mais je n’ai pas le talent de Shift pour ça alors je vous dirai simplement que je suis tellement tombé amoureux de cette OST que je l’écoute en boucle depuis que j’ai lancé le jeu, fredonnant sous la douche le thème principal le matin pour me donner de l’énergie tout en mimant certains des instruments au risque d’appuyer trop fort sur la bouteille de shampoing et de m’en mettre dans l’œil. Elle sent bon les vacances en plein mois de septembre.
Je ne peux cela dit m’empêcher de vous retranscrire le texte qui accompagne cette bande-son : Te souviens-tu quand nous dansions sur la plage ? Le long des rues du Paradis ? Tu m’as fait cette mixtape sur le toit de ton appartement. Nous avons observé la lune. Tu m’as dit que tu tuerais la lune. Je ne t’ai pas cru. Je me suis trompé.
Bon du coup l’île est géniale, les personnages sont intéressants, l’enquête variée dans ses approches. Tout va pour le mieux après 10 heures et il ne reste que le procès, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
Perdu dans le dessert
Et pourtant patatra (j’ai toujours voulu le placer celui-là), la magnifique statue taillée avec précision se fissure dans sa dernière partie. Mais j’aurais dû le voir venir, après tout avant d’aller voir la Juge pour commencer les procès et en relisant mes notes, je me suis rendu compte que le déroulé des différents évènements était assez clair et ne laissait pas de place au doute.
Ne vous attendez pas à des retournements de situation incroyables, des révélations saisissantes et un plot twist digne d’un film de M.Night Shyamalan (celui de la bonne époque je veux dire). Votre seule action lors des différents procès sera de sélectionner la personne que vous souhaitez incriminer parmi la liste des protagonistes, avant de présenter les différentes preuves appuyant votre accusation. Pire encore, vous n’aurez même pas à présenter la bonne preuve au bon moment, il suffit de faire dérouler vos éléments.
Je comprends que Kaizen Game Works ait voulu mettre en valeur l’enquête (et c’est réussi d’ailleurs), mais cela donne une fin de jeu assez plate où vous ne faites qu’exposer aux autres personnages ce que vous savez déjà sans qu’une réelle excitation s’installe. L’enchaînement des procès devient un peu long et brise l’élan de l’aventure, peut-être est-ce ici que le choix de diviser le jeu en une seule grosse phase d’enquête et ensuite seulement les procès montre ses limites en termes de rythme.
À noter tout de même que le jeu ne vous pénalisera pas pour vos choix. Pas de game over, c’est votre vérité que vous exposez à la Juge, qui l’acceptera ou non en fonction de l’accumulation d’éléments que vous pourrez lui présenter. Libre à vous donc de choisir d’accuser ou non un protagoniste simple complice involontaire auquel vous vous êtes attaché. Sachez juste enfin, et sans vouloir vous spoiler, que le jeu jusqu’à ses derniers instants vous laissera maître à bord. Un choix à la fois surprenant et étrange mais qui colle à la philosophie voulue par les développeurs.
Paradise Killer a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est aussi disponible sur Switch.
Qu’il est difficile pour Paradise Killer de finir sur une fausse note comme celle-ci alors que j’ai passé un si bon moment. Mais la réalité est là et ce dessert un peu amer reste en bouche. Plus qu’à espérer qu’une suite pointera un jour le bout de son nez pour corriger ça. D’ici là, je tâcherai de me souvenir surtout des bons moments passés avec Lady Love Dies en écoutant encore et encore cette bande-son incroyable.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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