Pas de panique, asseyez-vous. Je vais vous parler d’un Visual Novel où des oursons en peluche vous forcent à tuer vos camarades de classe, dont certains sont des sportifs nains, des robots chétifs ou des chasseurs d’insectes bodybuildés et élevés par les loups. Nul besoin de vous être avalé les deux (excellents) précédents épisodes, ni le spin-of Ultra Despair Girls. Pas davantage besoin de vous être passionné pour les suites et préquelles animées ou encore avoir dévoré les romans complétant l’ensemble de l’histoire : Danganronpa V3 est un jeu qui fait fi du passé. Tout ce qu’il vous faut savoir, c’est que cet épisode, comme les précédents, mettra en scène seize lycéens chacun dotés d’un super-talent dans une murder partie à balles réelles ponctuée de procès à l’issue sanglante. Vous allez apprendre à détester les oursons, et, à la fin, vos personnages préférés du casting seront vraisemblablement morts. Mais promis, tout va bien se passer. Bon courage, ne sombrez pas dans le désespoir, et bienvenue dans une review garantie sans spoilers de la nouvelle folie furieuse de Spike Chunsoft.
Murder Party les deux doigts dans la prise.
Bien que constituant un soft-reboot de la série, et ne nécessitant quasiment aucune connaissance préalable, Danganronpa V3 ne révolutionne néanmoins pas le concept au coeur de la série : vous (protagoniste dont on ne révélera rien) vous réveillez dans une école abandonnée et calfeutrée, dépouillée de votre mémoire. Après avoir rencontré une petite troupe de lycéens semblant s’être réveillés dans les mêmes circonstances, vous êtes pris à partie par un mignon petit ours noir et blanc nommé Monokuma, qui vous annoncera bien vite que si vous voulez vous sortir de cette prison, vous n’avez guère le choix : il faudra zigouiller vos camarades sans vous faire prendre la main dans le sac. La recette est la même que dans Daganronpa 1 et 2. Chaque meurtre donne lieu à un procès. Si les survivants désignent le meurtrier, ce dernier est exécuté d’une manière atroce, et la tuerie peut continuer. S’ils désignent un innocent, tout le monde meurt, sauf le coupable qui est libéré. Faut-il le préciser ? Danganronpa 3 est un jeu qui s’adresse à un public au cœur bien accroché.
De cette incitation à créer le meurtre parfait surgit un style de jeu étrange alternant phases de vie quotidienne et de gestion des relations avec vos farfelus camarades, phases d’enquêtes à la suite de chaque crime commis (car oui, vous vous doutez bien que quelques soient les grands principes annoncés par les héros au début de l’aventure, ça va massacrer sec), et phases de procès. Lors de ces dernières, il faudra démêler le vrai du faux et déterminer qui est la crapule qui a commis le crime tarabiscoté qui a perturbé la bonne marche de cette vie scolaire apocalyptique. Une sorte de polar survitaminé, pour ne pas dire cocaïné, servi par un casting d’hurluberlus haut en couleur qui n’atteint certes pas le génie de celui de Danganronpa 2, mais qui possède son lot de freaks improbables.
Sans surprise, et comme les épisodes précédents, Danganronpa ne lésine pas sur les rebondissements, les surprises, les artifices de mise en scène et les faux semblants. Bien sûr que Monokuma et ses insupportables « Monokumers » (cinq insupportables mini ours venant vous asticoter à tout propos) se jouent de vous. Bien sûr qu’ils ont un ou plusieurs complices dans vos camarades. Bien sûr que les images subliminales et l’apparente boucle temporelle des premières minutes du jeu ont un sens. Bien entendu, il y a une raison au fait que Spike Chunsoft ait scrupuleusement bloqué les screenshots au-delà du premier chapitre sur les six que comptent le jeu. Danganronpa est à son meilleur : des mystères dans d’autres mystères, dans encore d’autres mystères mystérieusement mystérieux. Tout le monde peut y passer. Oui, y compris votre waïfu ou votre husubando comme disent les gens de bien. Oui, pendant le premier chapitre, si ça se trouve. Ceux qui ont touché aux premiers épisodes le savent très bien ; personne n’est immortel, mais même la mort peut être une illusion.
L’Auberge Rouge, mais version cinq étoiles.
Je ne vais pas m’amuser ici à décortiquer chaque mécanique du jeu comme un banc d’essai de plaquettes de frein de 60 millions de consommateurs. J’ai dit l’essentiel : c’est un thriller, y’a des procès, ils sont rythmés par des mini-jeux que vous adorerez ou détesterez selon votre résistance à l’absurde. De toute façon la difficulté est lourdement modulable, et c’est très bien comme ça. Ce que j’attend d’un Danganronpa classique, c’est un casting, c’est une ambiance, c’est un ensemble d’enquêtes tarabiscotées et c’est une direction artistique de folie.
Vous voulez que je vous dise tout ? Que je vous révèle des détails tout à fait fascinants de ma vie de Gamer ? Pour moi, Danganronpa est lié à la portabilité, à de longues sessions de jeu sous la couette, et à moi en train d’essayer de vous convaincre que la PS Vita est la meilleure console de sa génération, pour peu que vous n’ayez pas eu de PS3 et que vous aimiez les jeux japonais bizarres. Aussi, quand mon chef m’a dit que c’était sur PS4 que je ferai la review de ce Danganronpa V3, j’ai fait le chafouin. J’ai fait le bébé cadum, et j’ai trié les petits pois sur le bord de mon assiette. Quoi ? Un Danganronpa ? Sur grand écran ? Monsieur Pujadas. Quelle indignité.
Puis j’ai inséré la galette dans le mange-disque, et j’ai oublié mes âneries et mon snobisme ineffable. Danganronpa V3 est superbe. Son ambiance est dantesque. Chaque personnage rend à la perfection. Le style graphique de Rui Komatsuzaki n’a jamais été aussi expressif. La musique de Masafumi Takada, mélange de thèmes anciens, de remixes et d’inédits toujours dans le ton psycho-macabro-loufoque des anciens épisodes, est plus que jamais une double claque d’intensité dans les esgourdes. Danganronpa 1, c’était cet album de jeunesse enregistré dans un garage qui a surpris tout le monde avec deux singles chocs. Danganronpa 2, c’était le passage en major, avec de gros moyens de production et de bonnes idées. Danganronpa V3, c’est cet album de la maturité, qui a compris tout ce que la franchise savait faire de bien, pour le pousser à son paroxysme.
(Les séries animés Danganronpa 3 Mirai-Hen et Dangan Zetsubo-hen étaient quant à elles ces albums live un peu foireux que vous n’avez acheté que parce qu’il y avait deux tracks inédites dessus, et Danganronpa Another Episode Ultra Despair Girls était cette tentative d’enregistrer un album intégralement en espagnol mais on va pas se mentir, on préfère oublier).
Faut-il chercher petite bête face à un jeu aussi abouti que Danganronpa V3 ?
J’ai beau chercher, je ne trouve presque rien à redire tant Danganronpa V3 amène la formule à la perfection, en ajoutant une couche de méta-jeu délicieuse, qui vous poignardera lâchement en plein cœur si vous pensez que vos acquis des deux premiers opus vous permettent d’anticiper les coups en traître des scénaristes à la manœuvre. Si j’avais été un très mauvais pixelos, je me serais cependant arrêté une fois le premier procès bouclé, avec une impression assez mitigée. J’aurais eu assez d’éléments en main pour juger toutes les mécaniques de jeu, mais certainement pas assez pour comprendre ce qu’on voulait me dire : Danganronpa V3 est une ascension permanente, un ride infernal qui part d’une situation attendue pour rapidement finir, si j’ose dire, dans la stratosphère.
Le casting au coeur de Danganronpa V3 est un délice d’écriture, servi par une traduction française quasiment impeccable, à quelques bugs graphiques près. Des personnages qui semblent ternes lors des premiers moments se révèlent à l’usage de grandes pages écrites en lettres de sang dans le livre de la comédie humaine. Pas un seul n’est négligé ni négligeable, et c’est aussi le sens du détail et de l’observation du joueur qui vous révélera petit à petit les secrets cachés de chaque protagoniste de l’intrigue. Sérieusement, donnez-moi votre opinion sur Angie, l’Ultime Artiste. Tout le monde devrait avoir une opinion très étayés sur Angie, l’Ultime Artiste.
Si je devais vraiment aller chercher des poux dans la tête de ce chef d’oeuvre, il faudrait peut-être regarder du côté de quelques mini-jeux un peu agaçants (vous allez apprendre à détester les jeux de rythme) ou d’une des affaires clairement en dessous des autres. On regrettera peut-être que la quasi-perfection des enquêtes de Danganronpa 2 ne soit pas égalée. Rien d’aussi mémorable ici que l’affaire de la plage ou du parc d’attraction : on est sur des crimes un peu plus habituels, même si, je le répète, tous vos amoureux et toutes vos chéries vont impitoyablement y passer de la pire des manières, se retrouvant même parfois, et pas toujours volontairement, sur le banc des accusés. Couic.
Et, c’est presque propre à l’ADN de la série, le dénouement (et plus largement le dernier tiers de l’aventure) pourra laisser assez perplexe et ne manquera pas de diviser. Ce n’est pas à proprement parler un défaut, davantage un parti pris. Un bon Danganronpa est un Danganronpa qui se joue de vous jusqu’à la fin, quitte à raconter parfois un peu n’importe quoi, avant de vous livrer un post-game massif et farfelu, et un goût amer dans la bouche : à quand le prochain ? Faites avec. C’est génial. Jouez-y.
Que dire qui ne relève pas de la simple et naturelle litanie de compliments ampoulés face à un titre comme Danganronpa V3 ? Excellent point d’entrée à une série de plus en plus solide, orchestré dans une montée en puissance digne des plus grands thrillers de l’époque, on pourra à peine reprocher à cet épisode un dernier tiers un peu étrange et quelques moments un peu en dessous du monumental Danganronpa 2. Cinq années de développement, certes, mais cinq années pour accoucher d’un tel titan, mazette, quel talent. Après Danganronpa V3, les autres Visual Novel qui foisonnent sur le marché depuis quelques années ont le goût un peu triste des biscottes sans sel un jour pluvieux de novembre dans un village abandonné en Meuse. Cet épisode étant disponible en français sur trois supports différents (PC, PS4 et Vita), aucune excuse pour ne pas enfin céder à la tentation et vous aussi participer à la grande tuerie des Lycéens Ultimes. Ou-pou-pou.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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