Il est de ces projets qui sentent le tiède avant même qu’on y plonge le premier orteil. Avec sa proposition de metroidvania sans une once d’originalité comme on en voit passer environ 532 par an dans le tableau des demandes de jeux, son pixel-art pas fou mais quand même pas si pire, ses personnages et son univers génériques, son scénario cousu de fil blanc, Kamina Dimension cochait toutes les cases du bingo de l’osef avec son MindSeize, pourtant financé avec succès sur Kickstarter.
Et voilà, le tour de MindSeize en 80 mots. Avant même de le lancer, j’avais déjà joué à ce jeu, et il y a de grandes chances pour que vous aussi. Oh j’ai fait un effort, j’y ai joué à ce fichu truc, après tout, j’aime ça les metroidvanias et celui-ci, aussi vide d’intérêt qu’il semblait être, ne pouvait être bien pire que les autres. Et en effet, j’ai globalement passé un moment « ça va » dessus.
Metroidvania n°835, ou peut-être 836 ?
Oh je me suis pris la tête avec les objectifs pas super clairs, rendant les destinations suivantes un peu floues, j’ai râlé sur ces points de sauvegarde pas super bien placés, sur le mapping contre-instinctif, je me suis même énervé contre certains combats de boss un peu cons et inutilement difficiles pour le maigre intérêt qu’ils proposaient, se résumant à être des sacs de pv répétant les deux ou trois mêmes patterns en boucle. J’ai cru mourir d’ennui devant ces décors génériques et répétitifs, qui, malgré la présence de plusieurs planètes et plusieurs biomes, rivalisent de non-originalité en termes de faune et de flore – les lézards, guêpes géantes, singes ou dinosaures sur la planète de la forêt, les zombies et les sortes d’araignées sur la planète maudite, waouh ! – le tout largement exacerbé par un besoin de backtracking sur une carte bien trop grande pour ce qu’elle a à proposer.
Du metroidvania Eco+ donc, mais du metroidvania quand même, avec toutes les qualités que cela implique. Kamina Dimension n’ont pas beaucoup d’imagination, mais ils ne sont pas entièrement dénués de savoir-faire et pour être complétement honnête, à condition de vouloir passer du temps dans cet univers creux, le titre est réussi sur environ toutes les mécaniques qu’on pourrait attendre de lui : combat à distance et au corps à corps, plateforme, énigmes, amélioration d’équipement, nouvelles capacités qui débloquent de nouveaux pans de carte, vous connaissez la recette, eux aussi. Et sans y ajouter quoi que ce soit de neuf, on peut au moins leur reconnaître d’y avoir mis tous les bons ingrédients et d’avoir touillé à peu près correctement. Tiède vous avais-je dit, voilà, merci d’avoir lu cette Partie Rapide parfaitement inintéressante, à une prochaine fo… ah non attendez.
L’heure de la sortie
Certes, MindSeize est parfaitement générique, et en parler plus longtemps serait une perte sèche de temps pour tout le monde. En revanche, s’il y a bien quelque chose digne d’intérêt, c’est son développement et ses conditions de sortie. Comme précisé plus tôt, Kamina Dimension a financé son titre via un Kickstarter, qui a rapporté un peu plus de 26 000$, sur les 19 000 demandés par le studio en septembre 2019. Et première information digne d’intérêt : MindSeize est un titre auto-édité – du moins sur PC, puisque la version physique prévue sur Switch sera publiée par First Press Games. Ce qui signifie aucune avance pour le studio d’un quelconque éditeur, les sous de Kamina Dimension – et qui avait déjà auto-édité Grab the Bottle en 2016 – ceux du financement participatif, et certainement quelques subventions de la Finlande étant les seuls apports financiers au projet. Ça peut paraître beaucoup de sous dit comme ça, mais il se trouve que faire un jeu coûte cher et que sans éditeur, en plus du coût de production du jeu, il faut gérer tout le reste, du marketing au sens large, à la sortie sur différentes plateformes (oui car ça aussi ça coûte de la thune).
Et de la thune, Kamina Dimension en a forcément manqué, j’en veux pour preuve le désastre de sa sortie PC. Prévue initialement pour fin janvier, celle-ci s’est vue décalée au 4 février, le jeu n’étant pas prêt, puis de nouveau repoussée, le build final ayant explosé en vol quelques heures avant le lancement officiel. MindSeize arrive enfin sur Steam le 7 février, dans un état catastrophique. Bugs à la pelle, softlocks, animations manquantes, le jeu ressemble à peine à une bêta, selon les dires des premiers utilisateurs, et se trouve être si cassé qu’il en devient impossible de le finir. Une conséquence désastreuse pour un indé sur Steam, les commentaires négatifs ayant toutes les chances de le virer de la page principale, lui supprimant ainsi tout espoir de visibilité. La raison de cette sortie précipitée ne peut être qu’un manque de thune, ainsi, sortir le jeu maintenant permettait une entrée immédiate de revenus, qui autoriserait ainsi de finir le jeu, au prix pourtant terrible de premières critiques très négatives.
Et c’est bel et bien ce qu’il s’est passé, puisque le 13 février sortait un énorme correctif, faisant entrer le titre dans sa version jouable, telle que je l’ai connue. Car oui, ma clé pour MindSeize, je ne l’ai reçue que le 14 février au soir, c’est-à-dire bien après ce lancement foireux et que le studio se soit assuré que le titre tournait enfin correctement. Kamina Dimension ne pouvait pas ignorer l’état dans lequel se trouvait leur jeu, et il y a fort à parier que l’envoi de clés presse ait été différé, le temps de calmer la situation. Il n’était peut-être pas nécessaire de cumuler critiques presse et utilisateurs négatives la même semaine, je le conçois assez bien. Et bien que risquée, la stratégie semble payer, puisque les critiques Steam (le nerf de la guerre pour les petits studios, vraiment) du titre sont remontées à « Mostly Positives » et qu’une fois les problèmes majeurs réglés, MindSeize semble plaire au public à qui il se destinait.
Docteur Patch
Reste que le jeu n’est toujours pas complétement fini, quelques fonctionnalités manquent, des plus triviales – les succès ou les sauvegardes sur le cloud de Steam – aux plus regrettables, comme cette optimisation absolument inexistante qui met mon PC portable à genoux (oui, le même qui fait tourner Octopath Traveler ou Dicey Dungeons sans sourciller) malgré des qualités graphiques disons moindres, et certains bugs encore assez gênants côté collisions, hitboxes et plateforme sont toujours présents. Nul doute que tout ceci sera réglé dans les semaines ou mois qui suivent, achevant de rendre MindSeize tout à fait jouable malgré sa généricité, mais ce n’est pas le souci. Le souci n’est presque pas non plus cette tendance à sortir des jeux à moitié finis, corrigés à coups de patchs vénères dans les semaines qui suivent – sauf dans le cas de AAA et/ou de très mauvaise gestion du planning et du budget.
Le souci est que MindSeize est loin d’être le seul dans ce cas et que tout ceci est assez symptomatique et représentatif de grand nombre de petits studios et start-up se lançant dans le jeu indé ou AA, tentant de se distinguer dans cette jungle à grand renfort de rustines, de promesses non-tenues et de crunch régulier (ce dont Kamina Dimension ne se cache pas), pour finalement aboutir à des jeux non-finis, ne satisfaisant ni les joueurs, ni les développeurs (et pour qui il reste encore généralement une charge intense de travail après la sortie). Pour les quelques success stories d’un Celeste, d’un Stardew Valley ou d’un Braid, se plantent des centaines de MindSeize, perdus dans la masse informe de la décharge à ciel ouvert qu’est le magasin Steam, malgré l’investissement des développeurs.
MindSeize a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
MindSeize est une goutte d’eau dans l’océan du jeu indé post-2010. Vous pouvez vous intéresser à celle-ci ou celle d’à côté, peu importe, elle ne sera probablement ni pire ni meilleure. MindSeize est une façon de gérer un projet bien trop récurrente et l’état dans lequel il est sorti n’est pas un accident, mais une stratégie, un damage control désespéré. Ce n’est bien entendu pas le premier à sortir dans un état pareil (souvenez-vous) et malheureusement pas le dernier. Un état des lieux qui explique probablement l’explosion actuelle de l’early access, permettant aux studios indés de vendre des bêtas sans se faire taper sur les doigts et pérennisant – un peu – le développement de leurs jeux, afin d’éviter ce genre de débandade.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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