Quand j’ai vu Dance of Death : Du Lac & Fey arriver, je me souviens m’être dit que c’était l’occasion parfaite pour asseoir discrètement mon emprise sur les Point’n click sans qu’un seul membre de la rédaction ne fasse attention. Et puis quelqu’un a remarqué qu’en plus de contrôler un humain, on pouvait aussi contrôler un chien… J’ai le regret de vous informer de la disparition de deux membres de l’équipe dans un tragique « accident ». Si vous voulez bien m’excuser avant de continuer, j’ai fait une tache de ketchup sur ma chemise, je reviens tout de suite.
Salix Games est un tout jeune studio qui livre ici son premier jeu. Je dis tout jeune studio mais ses membres ont tout de même de l’expérience, puisque l’on retrouve quelques têtes ayant travaillé chez Rocksteady et Lionhead. Dance of Death : Du Lac & Fey, annoncé tout d’abord sur PC, aurait dû connaitre un portage sur PlayStation 4 et Xbox One mais un échec de Kickstarter a revu les ambitions du studio anglais à la baisse, cependant on peut toujours espérer un portage en fonction des ventes du jeu sur PC, soyons fous !
Aujourd’hui dans Secrets d’histoire…
Les développeurs de chez Salix Games aiment apparemment autant l’Histoire que la fiction (contrairement à Stéphane Bern qui préfère l’Histoire et Lorànt Deutsch qui préfère clairement la fiction). C’est ainsi qu’il vous propose de diriger Sir Lancelot du Lac, le célèbre chevalier de la table ronde ayant souffert du syndrome du mec amoureux de la femme de son patron, accompagné de la Fée Morgane, la demi-sœur magicienne du même patron, le roi Arthur, une demi-sœur transformée pour l’occasion en un adorable chien.
Nos deux inséparables compagnons, victimes d’un sort de Merlin, sont devenus immortels et cherchent depuis le vieux sorcier dans l’espoir d’annuler tout ça (surtout pour la Fée Morgane il faut l’avouer). Jusque là vous allez me dire qu’on touche plus à la fiction qu’à l’Histoire mais laissez moi finir bon sang ! C’est au cours de leurs recherches qu’ils se retrouvent à Londres, plus précisément dans le quartier de Whitechapel, en 1888, au moment où les crimes de Jack L’Éventreur commencent à être commis (j’avais dit qu’il fallait me laisser finir). Vous l’aurez peut-être deviné, ces crimes se retrouvent liés aux recherches de nos compagnons, qui détectent rapidement une composante magique aux atrocités commises et décident donc de traquer celui qui deviendra l’un des criminels les plus connus de l’Histoire.
Heureusement pour Du Lac et Fey (oui ça me fait encore bizarre de l’appeler Du Lac et pas Lancelot), ils seront rapidement accompagnés par un troisième personnage, une locale de l’étape en la personne de Mary Jane, une prostituée du quartier, contrôlable elle aussi par le joueur, et qui se découvre au passage un pouvoir de vision bien pratique pour résoudre l’enquête.
Notre trio va se balader dans Whitechapel, permettant au joueur de découvrir l’ambiance de l’époque, et c’est sans doute ici que se trouve la plus grande réussite du jeu : son univers. Le Londres de 1888 est sale, lugubre. On y trouve des enfants prêts à tout pour un pauvre penny, des prostituées qui essayent de ne pas tomber enceintes (ou de ne plus l’être) et d’éviter les maladies ramenées par des marins alcooliques et enfin des prédicateurs antisémites. La grosse joie donc.
Je crois que c’est le moment de vous annoncer que ce jeu n’est pas à mettre entre toutes les mains : le langage utilisé est au moins aussi cru que le reste du jeu (ah Du Lac, je comprends pourquoi la reine Guenièvre avait envie de te pécho). Mais si vous voulez jouer avec votre enfant qui n’est pas gêné parce qu’il a déjà vu 3 fois Game Of Thrones et que c’est pas une passe dans une ruelle sombre qui va le choquer, sachez que le jeu est en anglais sous-titré exclusivement en anglais aussi. Autant vous dire que si vous n’avez pas des bonnes notions, cela risque d’être compliqué pour vous, d’autant plus qu’on est loin d’un anglais moderne (et malheureusement aucune traduction n’est prévue pour le moment, la petite équipe de Salix Games ayant annoncé ne pas savoir par où commencer pour traduire correctement la plupart des expressions de l’époque dans d’autres langues).
Ça serait pas de la camelote votre jeu ?
Parlons un peu maintenant des choses qui fâchent, à savoir le gameplay. Le jeu est vendu comme un Point’n click et… disons qu’il est plus proche du visual novel qu’autre chose. En effet, durant la petite dizaine d’heures qu’il vous faudra pour terminer le jeu (moins si vous rushez mais ça serait dommage), vous n’aurez aucun inventaire à manipuler, combiner, utiliser durant votre aventure. Pas de manteau aux poches extensibles non, la plupart de vos actions consisteront à aller d’un point A à un point B pour parler à quelqu’un ou fouiller un endroit. Le jeu propose bien plusieurs réponses quand vous discutez avec quelqu’un, certaines étant souvent plus directes (voire vulgaires) que d’autres, mais leur impact semble assez limité.
Je n’ai compté que 3 situations de jeu différentes de ces simples allers-retours : lors des combats il vous faudra appuyer sur votre souris au bon moment, lors de la fabrication des remèdes il vous faudra choisir les bons ingrédients et lors de certaines discussions, il vous faudra choisir la bonne réponse à certaines questions en fonction des informations que vous aurez glanées durant vos échanges avec la population locale.
Vous allez passer donc le reste de votre temps à discuter avec les locaux que ce soit par l’intermédiaire de Du Lac ou Mary Jane quand il s’agit d’humains en face de vous, ou par celle de Fey quand vos personnages vont estimer que le cheval ou les corbeaux seront d’une plus grande utilité. De vrais moments drôles pour ces derniers, les chiens du quartier souhaitant avidement renifler Fey pour se présenter tandis que les corbeaux seront plus intéressés par les objets brillants que par les questions de notre chienne magicienne.
Si les graphismes ne sont jamais ce qui est le plus ardemment désiré dans un Point’n click, on pourra tout de même reprocher un côté très uncanny valley chez certains personnages, notamment pour Du Lac (sosie d’un Guybrush Threepwood un peu plus propre sur lui) qui a parfois les yeux qui partent trop sur le côté et la mâchoire qui vacille un peu. Dans le même genre, on trouve encore certains bugs d’affichage ou de collision (je reconnais avoir perdu un peu de temps à déplacer les PNJ à l’autre bout de la rue juste en leur fonçant dessus parce que cela m’amusait). Mais je dois reconnaitre le travail de l’équipe de développement, équipe qui n’a pas dû connaître le sommeil depuis la sortie de leur jeu, corrigeant tous les problèmes majeurs rencontrés (ah, si j’avais dû sortir ma critique le 5 avril, jour de la sortie du jeu). Je ne doute donc pas que ces plus petits bugs seront traités eux aussi.
Ce qui me pose vraiment plus problème est le choix du studio, contrairement à, je dirais 99.99% des jeux du genre, de ne montrer les possibilités d’interaction que vous pouvez avoir avec l’environnement ou les personnages que si vous êtes à côté de ces derniers. Un problème d’autant plus accentué par les trop nombreuses fois où le personnage que vous contrôlez ne va pas à l’endroit où vous avez cliqué (voire va carrément à l’opposé). J’espère sincèrement que le studio modifiera cela dans les semaines à venir.
Dernier choix qui me laisse perplexe, celui d’inclure une sauvegarde automatique mais aucune sauvegarde manuelle, empêchant le joueur de revenir au début d’un chapitre ou de refaire une conversation (ou même simplement de revoir une scène sans avoir à refaire tout le jeu). Ce choix va même plus loin puisqu’une fois le jeu fini, ce dernier vous proposera de commencer une nouvelle partie, comme si vous aviez lancé ce dernier pour la première fois.
Chien de chevalier
Malgré des problèmes qui pourraient en faire fuir plus d’un, je n’arrive pas à en vouloir à Dance of Death. Son histoire, qui a été travaillée en collaboration avec des historiens pour retranscrire au mieux le Londres de l’époque ainsi que les crimes de Jack l’Éventreur, est prenante et connait de très bons rebondissements (même si elle sera peut être moins remplie de surprises pour celles et ceux qui connaissent déjà l’intégralité des crimes du célèbre tueur, ainsi que pour toi Jack, oui je sais que tu lis ces lignes on me la fait pas à moi !). J’en oublierai presque de vous parler du très bon doublage (le studio a su s’entourer d’acteurs et actrices de qualité dont vous reconnaitrez peut-être certaines voix) avec des accents qui sentent bon la pinte de bière et les insultes grivoises.
Les personnages, qui arrivent à vraiment évoluer en l’espace de quelques heures, sont attachants. Mention spéciale pour Fey et son sarcasme qui cache une réelle détresse ainsi que pour Mary Jane qui vole clairement la vedette à Du Lac. Salix Games n’a fait aucune annonce concernant une suite (je vous rassure, le jeu se tient en lui-même), et nul doute que cela dépendra en grande partie des ventes de ce dernier, mais je me ferai un plaisir de replonger dans les aventures de ces personnages traquant un nouveau meurtrier connu de tous, tel… je ne sais pas… un certain Xavier Dupont de Ligonnes par exemple ? (Oh ça va on peut rêver !).
Dance of Death : Du Lac & Fey a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Dance of Death : Du Lac & Fey est-il le Point’n click que l’on espérait ? Pas du tout, il en est loin même. Plus proche de la BD interactive, il n’en reste pas moins un très bon récit porté par d’attachants personnages et une intrigue captivante. Peut-être un peu trop cher à l’heure actuelle (26 euros), n’hésitez pas à sauter dessus quand il connaitra une petite baisse de prix, d’autant plus que d’ici là, les derniers bugs que vous pourriez rencontrer seront sans doute corrigés.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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