Voilà une bonne dizaine d’années que la franchise Mega Man patauge. Capcom a certes un ambitieux programme de compilations, ressorties et portages à tout-va des dizaines d’épisodes et spin-of parus depuis 1987, mais aucun nouvel épisode n’avait vu le jour depuis quasiment dix ans. Et soudain, pouf, voici Mega Man 11, avec un nouveau moteur de jeu et un gameplay modernisé.
Si vous voulez mon avis, la décennie de pause prise par Capcom n’était pas une mauvaise chose. Les dernières fois qu’on a entendu parler du petit robot bleu, c’était à l’occasion d’épisodes médiocres supposés retranscrire l’esprit originel des épisodes NES, graphismes et musique compris, et qui avaient laissé tout le monde perplexe. Annoncé JE SAIS PAS QUAND, Mega Man 11 n’avait rien de rassurant : trailers poussifs, passage à la 2,5D pas très engageant, manque d’ambition… On pouvait certes s’attendre à mieux que Mighty « Still Better Than Nothing » N°9, mais seuls les true believers s’attendaient à quelque chose qui dépasse l’anecdotique. Mais ces rares esprits visionnaires avaient eu raison avant tout le monde : Mega Man 11 n’est peut-être pas le platformer de la décennie, mais il est franchement sympa.
Retour aux sources
Un gentil scientifique qui fait des gentils robots, le méchant Docteur Wily qui fait des méchants robots, et le gentil petit androïde Mega Man qui va leur casser le nez en récupérant leur pouvoir unique dans l’ordre choisi par le joueur. ET C’EST TOUT. Pas de Zero, de Proto Man, de jeux de carte, de RPG tour par tour, de profondeur de champ, de lore compliqué ou de featurette metroïd-vaniesque : ici, vous êtes Mega Man, parfois accompagné de son chien, et vous allez de gauche à droite pour désosser huit robots. On n’avait pas été aussi droit au but depuis Mega Man 2 sur Nes, et c’est diablement reposant.
Non pas que Capcom ne fasse aucune concession à la modernité : la courte aventure (on y reviendra) est parsemée de petites scènes cinématiques plutôt bien fichues, et au simple platformer a été adjoint un sélecteur de difficulté, un magasin d’items ou une gestion des achievements. Mais à ces quelques fioritures près, on est face au cas devenu assez rare d’un jeu quasiment typé arcade, qui file droit vers son objectif.
Vous allez donc vous avaler les huit mondes dans l’ordre que vous souhaitez : chacun a sa propre personnalité et son propre design bien à lui : fête foraine, usine, niveau aérien, etc. On est dans du classique mais efficace, dans la mesure où l’on se prend parfois à admirer la direction artistique parfois très jolie, mais où elle se laisse oublier dès qu’on va de l’avant. Nous voici bien loin des premiers trailers du jeu, qui laissaient entrevoir un titre en 2.5D approximative, avec un framerate en mousse. Incroyable ! Mega Man 11 est beau ! Certes, notre héros ressemble toujours à un vibromasseur en caoutchouc, mais c’est le jeu, et tous les autres personnages rencontrés sont vraiment très jolis et l’ensemble bouge très correctement. Et si tout n’est pas formidable (l’OST, par exemple, un peu quelconque), rien n’est jamais raté, tout concourt à votre confort.
Des Boss et des Creux
Ce qu’on veut dans un Mega Man, c’est des mid-boss et des boss de qualité après des phases de plate-formes frustrantes. Et Capcom a livré Mega Man 11 avec un ensemble de confrontations assez chouettes, bien qu’un peu inégales. Chaque boss est un agréable puzzle, et certains réservent de vraies petites surprises (deuxième forme, pattern qui change radicalement, etc). Des adversaires tels que Block Man ou Bounce Man me semblent faire partie des meilleurs boss proposés par l’industrie du jeu vidéo cette année. D’autres, en revanche, souffrent un peu des idées parfois hasardeuses proposées par Capcom sur cet épisode.
Comme il ne fallait pas être tout à fait rétro, les développeurs ont intégré une mécanique de boost temporaire pour le petit robot, permettant d’activer deux bonus. Le premier permet de tirer plus vite et plus fort, et donne une deuxième forme à chaque pouvoir récupéré au cours de l’aventure. Le second permet de ralentir le temps pendant quelques secondes. Vous pouvez cumuler les deux. Et créer un trampoline avec votre chien. Et acheter des booster dans la boutique, avec une monnaie qu’on vous fournit à foison.
Tout cela mis bout à bout donne rapidement l’impression que Mega Man est trop fort. Même en difficulté élevée (cette dernière étant très modulable), vous aurez très rapidement l’impression de rouler sur un jeu qui oppose une résistance inhabituellement basse pour la série. Si vous vous interdisez d’utiliser les plus puissantes de ces possibilités (par exemple ne pas ralentir le temps ou ne jamais acheter de vies supplémentaires), vous pourrez galérer un peu, mais certains niveaux se traversent sans presque jamais voir l’écran de Game Over. Un peu plus d’équilibrage n’aurait pas été de trop.
Quatre heures douche comprise
Dans Mega Man 11, on s’amuse. On s’amuse même beaucoup. On s’amuse comme on ne s’est plus amusé dans un platformer Capcom depuis des années. Beaucoup plus en tout cas que dans le très laborieux Mega Man 10, qui va doucement sur ses dix ans. Mais attention : dans Mega Man 11, on ne s’amuse pas longtemps.
Certes, vous pouvez pousser les potards de la difficulté au max, et quasiment supprimer bonus et points de respawn. Certes, il y a un postgame qui n’est pas négligeable (défis, boss rush, niveaux à refaire avec des contraintes spécifiques). Mais tout de même. Il m’a fallu à peine trois petites heures pour voir le générique de fin. Une expérience très concentrée vaut sans doute mieux qu’une longue trace de pneu sans intérêt, mais on ne peut pas s’empêcher de penser à d’autres platformers brillants de ces dernières années, des Shovel Night, Sonic Mania, ou même les épisodes certes inégaux de la série Shantae, et de se dire que Mega Man 11 est un excellent titre pour la série, mais qu’il aura le plus grand mal à dominer un genre en plein renouveau.
Mega Man 10 est sorti avant Inside, Ori et Guacamelee. Mega Man 11 arrive après. La note d’intention est là, et le résultat est au rendez-vous : c’est un bon jeu, et une notification pour ceux qui auraient oublié (on les comprend) que Capcom sait faire du jeu vidéo, et pas juste des portages approximatifs de son back catalog. Plus tôt cette année, l’éditeur a même prouvé qu’il savait complètement se réinventer et s’ouvrir au jeu vidéo mondialisé tout en gardant sa propre patte : un succès planétaire nommé Monster Hunter World. Mais Mega Man 11 est assez loin de ça, se contentant d’être ce mémo sur lequel l’éditeur a écrit « revenez, on sait encore faire un Mega Man comme au bon vieux temps ». Et, gommée à la va-vite, la mention « rep à ça, Inafune ».
Mega Man 11 a été testé sur Switch via une clé fournie par l’éditeur d’où le fait que les captures d’écran pixelisent un peu alors qu’en vrai si vous y jouez en mode portable c’est très beau mais vous préférez sans doute ça à un jeu de plate-forme qui rame, pas vrai ?
Court mais vraiment fun, Mega Man 11 est une très agréable surprise de la rentrée. Avec ses boss colorés et retors, son challenge mesuré s’adaptant au joueur, et sa refonte graphique surprenante, Capcom frappe beaucoup plus fort que prévu. Se recentrant depuis quelques années sur le Japon et sur la science du gameplay qui a fait son succès, allant jusqu’à la fermeture de son studio moribond de Vancouver, l’éditeur prouve que même après un long tunnel de problèmes (pour ne pas dire de nawak), on peut toujours sortir la tête du pâté. Pourvu que ça dure. Si possible avec un tout petit peu plus d’ambition et de contenu, tout de même.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
Articles similaires
Miniatures - La poésie du souvenir
nov. 20, 2024
Rogue Flight - Monte dans le robot, Zali !
nov. 16, 2024
Great God Grove - Queer et élastique
nov. 11, 2024