C’est peut-être moi qui suis chafouin, mais ça fait assez longtemps que je n’ai pas été emballé par un jeu d’horreur à la première personne. Le genre me semble tourner en rond, utilisant les mêmes décors, les mêmes ficelles et les mêmes facilités (même les meilleurs d’entre eux peinent un peu à s’extraire de leur propre formule). Alors quand, avec In Sound Mind, Modus Game me promettait quelque chose de « imaginatif, psychédélique avec des puzzles frénétiques », je m’attendais au moins à être un peu surpris.
In Sound Mind part avec quelques atouts en poche : une bande-son de The Living Tombstone, des promesses de boss fights innovants, un scénario se déroulant dans un monde onirique permettant toutes les folies conceptuelles, et des séquences horrifiques empruntant autant à l’imaginaire de la psychiatrie que des histoires de conspiration des années 90. Le tout servi par les auteurs de Nightmare House 2, mod horrifique de Half-Life 2 très remarqué. Rien que le fait de ne pas incarner, pour une fois, un parricide ou un féminicide en proie à des remords, mais un psychologue plongé en plein doute suite à plusieurs échecs thérapeutiques est mine de rien un petit vent d’air frais qui nous promettait quelque chose de différent. Malheureusement, entre les promesses et ce à quoi on joue effectivement dans In Sound Mind, il y a un certain écart, qui flirte avec la publicité mensongère : il n’y a pas beaucoup d’imagination ou de psychédélisme là-dedans. Quant à la frénésie, je préfère vous prévenir qu’elle aussi est restée bien au chaud chez elle.
À la recherche des patients perdus
In Sound Mind nous propose donc de nous retrouver en 1997 à l’intérieur de l’esprit (pas en super état) de Desmond Wales, un psychologue travaillant notamment pour le compte de l’État de Washington, dans le Nord-Ouest des États-Unis. Desmond ne va pas fort, et pour cause : plusieurs de ses patients ont connu un funeste destin, sans qu’il ait pu y faire grand-chose. Notre héros a beau être persuadé que quelque chose d’important lui a échappé lors de cette série noire, cet enchaînement d’échecs personnels ne lui a pas fait beaucoup de bien au moral.
Très rapidement, Desmond comprend qu’il est piégé dans une sorte de maison métaphorique, dont la quasi-totalité des portes, fenêtres et autres passages sont barrés par divers obstacles. Sa seule solution pour avancer est de lever ces derniers les uns après les autres, à la manière du médecin surmontant les blocages de ses patients au fur et à mesure que la thérapie progresse. Ce hub central constitué par cet étrange palais mental devient ainsi plus accessible et plus complexe à mesure que l’on avance dans In Sound Mind, l’essentiel du jeu se déroulant cependant dans d’autres endroits, représentant chacun l’imaginaire d’un des patients perdus du docteur… Vous l’aurez compris, c’est (un peu par hasard semble-t-il) exactement la même structure que le Resident Evil Village récemment sorti.
Concrètement, vous allez devoir parcourir chaque monde pour résoudre le puzzle constitué par les esprits torturés qui sont passés par votre cabinet : un camionneur en proie à des accès de violence, une femme recluse ayant dévasté un supermarché ou encore un pyromane ayant manqué d’incendier le port de la ville. Chaque sous-monde d’In Sound Mind va progressivement vous octroyer diverses capacités : un bout de miroir pour dénicher l’invisible via un reflet, un masque à gaz pour traverser certaines zones, des fusées éclairantes pour affronter des endroits obscurs, etc. Une logique très « vidéoludique » dans l’esprit, mais qui sert plutôt bien le propos général du jeu.
On est d’ailleurs surpris par la très bonne tenue de l’écriture de l’ensemble : si la mise en scène est un peu plate, elle évite les facilités du genre, et explore plutôt bien sa thématique de l’échec thérapeutique, tout en révélant une dimension inattendue dans sa dernière partie. Une dynamique servie par la grande qualité de la bande-son, et qui révèle quelques agréables surprises jusqu’à la fin du jeu : comptez une quinzaine d’heures en traînant un peu, une dizaine en ligne droite. Mais hélas, tout le reste d’In Sound Mind ne fonctionne vraiment pas très bien.
Pas un très bon escape game, ni un très bon FPS
L’essentiel de votre temps dans In Sound Mind n’est, hélas, pas consacré à explorer concrètement la psyché de tel ou tel patient, ces décors servant surtout de prétexte à vous faire explorer des endroits de la ville recrés de manière métaphorique : un phare, une usine, un supermarché, etc. Comme vos patients ont une vie intérieure brisée, et que vous-même ne valez pas mieux, ces environnements sont remplis d’obstacles, de pièges et sont dans un état de délabrement avancé… qui se traduit dans la majorité des cas par un bon gros tas de portes fermées et d’architectures tarabiscotées, qui tournent vite au Resident Evil marque pouce.
Vous allez donc passer un temps infini à chercher des cartes d’accès, des batteries, des fusibles, à allumer et éteindre des tableaux électriques, à escalader des tuyaux, le tout pour débloquer un nouveau couloir à fouiller ou un nouvel appartement bizarre à explorer. On en ressort avec l’impression de moins être dans un jeu d’horreur psychologique que dans un enchaînement de sessions d’escape game bas de gamme, coaché par des employés mal payés et résignés vêtus de costumes de pacotille trop grands pour eux. Certaines énigmes ne manquent cependant pas de bonnes idées, à l’image de ce moment où vous devez récupérer des objets cachés dans l’ombre de votre lampe torche ou encore utiliser un miroir pour traverser des surfaces apparemment closes. Mais la plupart du temps, on reste dans des séquences beaucoup plus terre à terre de recherche d’objets et de poussage de manettes vues et revues.
Plus étrange encore est la décision des développeurs d’armer de plus en plus lourdement Desmond à mesure qu’In Sound Mind déploie son scénario : si au départ on se retrouve complètement à poil face aux menaces diverses qui planent autour du docteur (monstres de fumée, poison, fantômes…), on se retrouve assez vite avec un arsenal de commando largement fourni… effaçant progressivement la dimension infiltration et discrétion des débuts du jeu pour faire place à du gunfight systématique. Pourquoi pas, après tout, mais encore eut-il fallu que ces confrontations soient un minimum intéressantes. Dans In Sound Mind, les combats sont hélas mortellement statiques, répétitifs, et plombés par des armes qui n’ont tout simplement aucun feeling, aucun recul, aucune personnalité. Mention spéciale à un passage situé dans le chapitre de l’usine, où on se retrouve à aligner des monstres comme des lapins alors qu’ils se pressent pour nous attaquer dans un couloir : on a vu des expériences horrifiques vidéoludiques un chouïa plus immersives.
Problèmes de rythme et d’ergonomie
Ces combats très mous sont assez symptomatiques de l’ensemble du jeu, qui est peut-être un peu trop long pour son bien, et tire à la ligne à de nombreuses reprises. Deux exemples illustrant cela me viennent à l’esprit : d’une part la tendance chronique d’In Sound Mind à raconter en long, en large et en travers son lore par le biais de cassettes audio et de notes éparpillées dans les niveaux, racontant exactement la même chose sous tous les angles et sous toutes les coutures. Et, d’autre part, les confrontations contre les boss de fin de chapitre, tous conçus autour d’une idée unique : un fantôme effrayé par son propre reflet ou un monstre repoussé par la lumière, par exemple. Si ces idées sont souvent bien pensées, les confrontations traînent en longueur, vous poussant à effectuer de nombreuses fois les mêmes séquences d’action dans différentes parties des niveaux.
À mesure qu’on avance dans le jeu et qu’on se prend à compter les heures tant les moments inintéressants s’accumulent, on remarque également de plus en plus les problèmes d’ergonomie du jeu qui rendent la version console particulièrement inconfortable : le mapping des boutons de la manette est assez incohérent, les menus sont un enfer et il est quasiment impossible de changer d’objet à la volée (bon courage pour changer de flingue en plein combat). De même, il est extrêmement malaisé de viser quelque chose de manière précise ou d’utiliser un objet sans pointer exactement au bon endroit. Idem pour les phases de plates-formes, frustrantes et approximatives… ou pour la stabilité générale du jeu, un bug bloquant en fin de partie m’ayant carrément forcé à recommencer un chapitre en entier.
Ce qui est dommage dans tout ce marasme, c’est que l’on finit par être lassé au moment où le jeu révèle ses meilleures idées : les quatrième et cinquième chapitres du jeu étant nettement plus originaux et inventifs dans leur décorum et leur construction que les cinq ou six premières heures. En résulte l’impression d’avoir joué à un produit conçu un peu à rebours, manquant d’une accroche satisfaisante et ne révélant son potentiel que quand il s’achève, sans avoir jamais réussi à imposer un rythme et une narration digne de nos attentes.
In Sound Mind a été testé sur PlayStation 5, via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur PC, Nintendo Switch et sur les consoles Xbox.
L’éditeur d’In Sound Mind, Modus Games, aurait dû modérer son emphase en communiquant sur le jeu : loin d’être le voyage psychédélique et renversant que l’on nous promettait, on se retrouve avec un banal puzzle-FPS légèrement horrifique mais surtout carrément ennuyeux. Les auteurs du jeu, visiblement un peu dépassés par leurs ambitions, livrent une copie finalement beaucoup plus scolaire que prévu. In Sound Mind est archi-plombé par des problèmes d’ergonomie, de bugs et autres tracas techniques. Et là où l’on voudrait une emphase plus poussée sur un scénario loin d’être idiot, on se retrouve à enchaîner les énigmes de caisses à pousser, de codes secrets cachés sur des armoires et de fusibles perdus : tout ce qui engonce le genre du survival-FPS dans une banalité fastidieuse dont il a du mal à s’extraire. Bref, rien d’indigne, mais pour trouver un jeu rebattant un peu les cartes du genre horrifique, on repassera.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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