Joie de la mondialisation : Firegirl : Hack’n’Splash Rescue est un platformer réalisé par un Français installé à Sapporo, un Américain basé à Séoul, et édité par des Suédois. Dans quelque chose qui ressemble (encore et toujours) à un film d’action des années 80, on y incarne une jeune pompière qui doit faire toute la lumière sur une série d’incendies meurtriers.
Mais au fait, pourquoi j’ai demandé une clé pour Firegirl ? est la première chose que je me suis demandé en le désinstallant, frustré et déçu de ce que je venais d’avoir entre les mains. Réponse simple : Firegirl, c’était une série de streams et de trailers qui promettaient une aventure magnifique, frénétique et nerveuse, sorte de Metal Slug dans lequel on aurait combattu avec vaillance des monstres de feu et sauvé des petits chats sous des décombres. Pas de bol, voici un cas flagrant de bande-annonce pas tout à fait en adéquation avec le contenu effectif du jeu. Dans Firegirl : Hack’n’Splash Rescue, on s’ennuie beaucoup, on ne fait pas grand-chose, et surtout on le fait en boucle, à la poursuite d’objectifs lointains et sans intérêt. La faute à quelques choix de game design assez aberrants et à un gameplay étrangement mou.
Gros coup de pompe
Les premières minutes de Firegirl sont assez encourageantes, si on excepte les dialogues et les scripts qui se déclenchent n’importe comment, ce qui est rarement bon signe pour un tutoriel. Le concept est simple comme bonjour : on incarne Firegirl, fille d’un pompier légendaire, et on doit entrer dans des bâtiments en flammes pour secourir des survivants avant que le bâtiment ne s’écroule. Pour ce faire, on a deux actions principales : arroser les flammes, qui prennent la forme de monstres, et défoncer des portes ou des gravats à la hache pour dénicher ce qui est dessous. Le tout jouant beaucoup sur la verticalité : on peut se propulser avec sa lance à incendie pour atteindre les sommets, à condition d’avoir encore assez d’eau dans son jet-pack.
Une fois le niveau tuto bouclé, on se dit qu’on va bien s’amuser malgré le concept simplissime. Très vite, on découvre également le hub central destiné à lancer les missions : une caserne, qu’on va progressivement pouvoir améliorer au fil des sauvetages et des récompenses accumulées. Améliorer le camion pour gagner du temps en arrivant sur site, dénicher de l’équipement plus solide pour mieux résister aux flammes ou encore investir dans les relations publiques pour recevoir davantage de subventions de la part de la mairie ou du grand public. On tique cependant rapidement : passé les premières améliorations, tout devient très vite horriblement, horriblement cher. Mais mettons : l’économie de Firegirl est sans doute pensée en fonction de cet état de fait.
Et puis on fait une première « vraie » mission… pour découvrir que les différents environnements du jeu ont une particularité : leur génération procédurale, destinée à faire oublier que les biomes proposés sont au nombre riquiqui de quatre (un train, un immeuble, une forêt, un hôtel qui n’est pas du tout l’immeuble avec une fausse moustache). En théorie, aucun problème, j’ai joué à des dizaines de roguelites et passé des journées entières sur Dead Cells. En pratique : il faudrait encore que cette génération procédurale fonctionne. Et dans Firegirl, on réalise très, très vite que ce n’est du tout le cas.
Capitaine caserne
La plupart des missions (si on omet quelques instances scénarisées) dans Firegirl sont bâties sur le même modèle : on vous balance dans un des biomes, et vous avez à peu près trois minutes pour sortir trois humains et quelques animaux des flammes, le tout sans mourir, et en arrivant à trouver une sortie avant la fin du chrono. En chemin, vous pouvez trouver des recharges d’eau, quelques bonus et parfois une trousse de soin pour « durer » un peu plus longtemps. Voilà pour la théorie. La pratique, c’est que les niveaux sont générés n’importe comment, et qu’il est la plupart du temps impossible de trouver les survivants à temps, de trouver de l’eau quand on est à sec ou une sortie qui ne soit pas située dans une salle saturée de monstres invincibles. Donc, dans neuf cas sur dix, on meurt ou on quitte le niveau sans avoir sauvé tout le monde, ce qui revient quasiment au même. Et on recommence dans un autre niveau du même genre. En boucle, des dizaines de fois.
Petite consolation : dans Firegirl, la mort n’est pas exactement synonyme d’échec, puisqu’une minuscule subvention vous sera tout de même versée, dont il faudra retirer des frais d’hôpitaux. Mais seules les missions réussies à 100% vous donneront de gros bonus et vous permettront véritablement d’avancer. Plus on progresse, cependant, et plus on débloque quelques options intéressantes : meilleure hache, davantage de vie, lance plus puissante ou davantage de temps… Mais c’est là qu’on se heurte au problème de l’économie invraisemblable du jeu que j’évoquais plus tôt : les améliorations intéressantes sont vendues à un prix prohibitif, de même que les options permettant d’augmenter les revenus ou de diminuer légèrement ce prix pour progresser plus rapidement. Bref, à moins d’avoir de la « chance » et de tomber régulièrement sur des missions qu’il est concrètement possible de terminer, vous allez essentiellement mourir en boucle pour gratter de la petite monnaie pour espérer peut-être débloquer une minuscule option de confort. Fun.
Et si encore Firegirl proposait des missions aussi nerveuses et rapides que dans ses trailers, on pourrait au moins s’amuser un poil, mais on bute vite sur l’autre problème majeur du jeu : tout ce qu’on y fait est finalement assez mollasson et imprécis. Le cycle est un peu toujours le même : on défonce une porte ou on se propulse sur une plateforme, on découvre qu’on a rien à y faire, on se traine jusqu’à la prochaine salle, et de temps en temps on se retrouve face à des flammes à tête de monstre qui nous barrent la route. Alors on les arrose… et on découvre que pour vaincre un ennemi, il faut l’arroser quatre, parfois sept, parfois près de neuf secondes. Une bonne partie de votre temps de jeu sera donc consacrée à regarder Firegirl balancer de l’eau sur des cibles fixes, sans rien faire sinon regarder le chronomètre stagner : chaque ennemi tué fait gagner une seconde, mais presque aucun ennemi ne peut être tué en moins d’une seconde. C’est grotesque.
Feu le gamedesign
Ce qui fait que les niveaux (immenses) de Firegirl ne fonctionnent presque jamais tient aussi au fait que le jeu ne déploie jamais le moindre effort d’accessibilité ni de lisibilité. Quant à la « quality of life » (les dispositifs rendant discrètement la vie de l’utilisateurice plus agréable quand il ou elle joue), elle est tout simplement absente. Pas de mode de difficulté, pas de radar sinon une très vague indication de la direction très générale de la prochaine personne à secourir, très peu d’options d’accessibilité, une gestion des hitboxes assez aléatoire… Et quelques problèmes carrément plus graves, qui font de Firegirl une expérience parfois injouable.
Un exemple : les collisions, très nombreuses, puisqu’on se fait aligner par la moindre boule de feu qui passe, font « rebondir » Firegirl de manière complètement aléatoire. Parfois vous reculez de quelques centimètres, parfois vous êtes propulsée à des dizaines de mètres de haut… Souvent vous vous retrouvez téléportée un peu n’importe où dans le tableau, parfois à l’intérieur d’un autre ennemi, qui vous siphonnera donc votre vie d’un coup sans que vous puissiez y faire quoi que ce soit. Autre cas de figure ahurissant : dans le niveau forestier, la vue dézoome automatiquement (occasionnant au passage d’étranges chutes de framerate), faisant apparaitre des plateformes rongées par des flammes… qui ne sont en fait que du décor de fond. Visuellement, quasiment rien n’indique que vous pouvez vous poser sur ces surfaces, et quand vous finissez par les traverser, vous ne voyez quasiment plus rien de l’action, particulièrement si un ennemi de la même couleur vous agresse ou vous tire dessus.
Je pourrais continuer longtemps comme ça : le sprite de Firegirl coincé entre deux wagons dans le niveau du train incapable de terminer sa chute, certains ennemis de l’hôtel qui tirent des projectiles depuis le fond du décor qui contredisent les règles établies jusque-là, certains survivants accidentellement complètement masqués par le décor (j’en ai retrouvé certains à l’intérieur d’un mur de pierre, l’incendie devait être le cadet de leurs soucis)… Bref, non seulement on ne s’amuse pas, non seulement on fait toujours exactement la même chose, mais de plus l’ensemble est dans un état indigne d’être joué. À quelques rares moments, cependant, c’est joli. Voilà, j’aurais quand-même dit quelque chose d’un poil positif sur le jeu.
Firegirl : Hack’n’Splash Rescue a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4, PlayStation 5, Nintendo Switch et les consoles Xbox.
Derrière Firegirl : Hack’n’Splash Rescue, on sent la marque d’un projet trop gros pour ses deux développeurs mal accompagnés par leur éditeur, et qui débouche sur une expérience certes originale, mais très mal exécutée. Sans doute aurait-il mieux valu, avec le même concept, se contenter d’une petite dizaine de niveaux sculptés à la main et d’une aventure plus courte plutôt que de nous faire parcourir en boucle ces immenses blobs de niveaux infinissables mal générés aléatoirement. Le jeu aurait sans doute été moins long, mais peut-être beaucoup plus attachant ainsi.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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