La clé de Calico est arrivée très tard à la rédaction de The Pixel Post, à tel point qu’on pensait que le jeu allait être décalé à 2021 comme la pelletée d’autres prévus en fin d’année mais non, en fin de compte Calico est sorti sans crier gare. J’étais surpris de le recevoir quelques jours avant de partir en vacances mais quand même content de finir 2020 sur une petite note sucrée. Malheureusement, ça n’a pas duré dès que j’ai mis la main sur la manette.
Lorsque je joue à un jeu, je le fais parce qu’il fait résonner quelque chose en moi. Je joue à des jeux d’aventure car j’adore explorer la plus petite partie de la map, je joue à des jeux de baston car j’adore la bagarre et que, quoi que j’en dise, j’aime me mesurer aux autres. De même, je joue à des RPG pour le plaisir de parler à chaque PNJ et de connaître leurs histoires. Donc si je voulais jouer à Calico, c’est parce que sa description m’a plu et je pensais que j’allais passer un bon moment entre thé, petits gâteaux et animaux de compagnie. Je m’attendais, peut-être innocemment, à revivre cette sensation typique et réconfortante des salons de thé qu’on connaît et dans lesquels on a ses habitudes. Un rituel qui me rappellerait l’époque où, une fois par mois, mon amie Marine et moi réservions une après-midi le temps de boire une ou deux théières pour nous raconter les derniers potins et manger quelques gâteaux bien trop gros préparés par la patronne du salon, pâtissière de formation. C’est donc lové dans ce souvenir doux et sucré que j’ai lancé Calico.
Un jeu mignon, tranquille…
Ce jeu développé par Peachy Keen Games, mini studio de deux personnes, a pour ambition de nous faire passer un moment simple et calme, ce n’est pas de trop avec l’ambiance actuelle. Le monde de Calico est une île baignée de magie, divisée en plusieurs zones à débloquer, sur laquelle vivent des villageois.es aux styles bien marqués et moult, moult, MOULT animaux qui gambadent dans tous les sens. On est catapulté extrêmement vite dans l’histoire par la maire de la ville : notre tante est partie en retraite et nous a laissé son bar à chats qu’on doit retaper et remplir de bestioles en tous genres. Le pitch est simple mais pourquoi pas, on est là pour se détendre, pas pour se tordre les neurones.
Le jeu s’appuie sur plusieurs fonctionnalités – son créateur de personnage, son interactivité avec les animaux de l’île, et la décoration du café ponctuée d’un mini-jeu de cuisine – pour nous faire passer un bon moment. Notre avatar peut être modifié à l’envi, faisant fi des carcans du genre, pour changer de vêtements, de silhouette ou même de tête pour avoir un personnage qui nous convient. Dès la première minute un chat est là, on peut le prendre, le faire jouer, le mettre sur notre tête, et l’ajouter à notre « pokédex » des animaux de l’île. Soit à peu près tout ce qu’on voudrait faire avec les animaux dans tous les jeux vidéo. Et enfin on nous met le pied à l’étrier de la décoration en nous donnant quelques meubles dès le début, pour ensuite en récupérer en finissant des quêtes ou en les achetant directement. Et à part parler aux différents personnages pour leur rendre des services, c’est à peu près tout ce qu’on pourra faire.
Honnêtement, si le jeu avait réussi ces aspects, je n’aurais rien eu à redire, je sais que j’aurais passé un bon moment, sans grande prétention peut-être, mais agréable quand même car il m’aurait donné ce qu’il m’a promis. Or, je suis obligé d’aborder le point fâcheux du jeu, à savoir son niveau technique extrêmement faible. Les fonctionnalités que j’ai citées sont bien présentes, c’est un fait, mais clairement pas assez matures pour être mises dans les mains des joueur.ses. La création et la modification du personnage est simple mais elle est aussi brouillon (mouvements de caméra bizarres, impossible de revenir en arrière sans valider si on a fait une erreur), la décoration de notre café est vraiment compliquée avec la gestion de la caméras et des murs, le mini-jeu de cuisine un peu bugué n’est clairement pas pratique (le beurre qui se fait la malle, vraiment…). Le manque d’interactivité des personnages avec le café lui-même est troublant. Iels nous parlent de notre café, nous disent qu’il est très beau, qu’iels s’y sentent bien, sans jamais y être allés. Et je ne sais pas si c’est dû aux patchs sortis en urgence qui ont trigger ça mais lors de ma deuxième session de jeu, tous les villageois sont venus en même temps me payer une visite, restant bloqués dans la porte lorsque toutes les chaises étaient prises. Et enfin, les pauvres animaux ne sont pas en reste, je ne vais pas m’étaler plus que ça mais j’ai une pensée émue pour ce pauvre renard arctique qui était à deux doigts de se briser le cou entre deux barreaux de l’escalier de l’entrée (mes camarades de TPP en ont été témoins).
Mais surtout très bugué
En l’état, Calico ressemble à une alpha ou au résultat d’une gamejam. La structure du jeu est bien là, les grandes zones de la map sont délimitées, les personnages existent, on peut patouner les animaux, placer des meubles chez nous et faire des gâteaux. Tous les éléments sont là pour servir de base mais ne sont pas terminés. C’est très dommage, mais mon expérience sur Calico me rappelle celle de Shift sur Pandora: Chains of Chaos, qui nous avait gratifié d’un papier un chouïa salé sur l’état de certains jeux pendant leur early access ou à leur sortie.
Peachy Keen Games est un studio de deux personnes et Calico est leur premier jeu. Des infos que j’ai pu trouver çà et là en menant une petite enquête, les développeur.ses sont assez jeunes et je pense que c’est aussi une de leurs premières réelles expériences dans le jeu vidéo, ou en tous cas la première où iels mènent la barque. Même appuyé.es par quelques personnes (à en croire leur page Kickstarter financée en mai 2019 à la hauteur de 70 000$) le résultat n’est pas au rendez-vous. Je ne dis pas ça parce que j’approche de la trentaine et que je suis juste aigri comme pourraient le suggérer certains commentaires Steam, je suis client des jeux de détente sans enjeux, juste pour l’amour de se balader dans un univers mignon rempli d’animaux et de gens profondément gentils.
Comme l’a dit Shift dans son article, toute œuvre vidéoludique n’est pas forcément bonne à commercialiser. Comme un.e artiste ne va pas vendre tous ses dessins, un.e musicien.ne ne va pas sortir un disque à chaque morceau, ou un vidéaste ne va pas essayer de passer n’importe quel court-métrage au cinéma, un.e développeur.se n’a pas obligatoirement à sortir son jeu et à le monnayer. Calico aurait à mon avis plus sa place sur une plateforme comme itch.io, à prix libre, où de nombreux créateurs et créatrices mettent en ligne leur premier jet ou leur première expérience pour tester des choses pour des projets futurs. La promesse de patchs et de mises à jour pour prendre en compte les premiers retours (qui sont nombreux et, pour la majeure partie, positifs, par une communauté soudée autour du Kickstarter) ne suffit pas à pardonner l’état actuel du jeu pour sa sortie officielle, même si une annonce du studio début octobre nous apprenait que 2020 dans son ensemble avait compliqué le développement du jeu. Le public cible de ce genre d’œuvre n’est pas une excuse suffisante pour livrer un produit pas fini, sous prétexte que ce sont des joueur.ses occasionnel.les et que la floraison ressemble à de la barbe à papa. On devrait au contraire faire des efforts pour faire d’un des rares jeux vidéo auxquels iels jouent une bonne expérience sur le plan technique et visuel.
Pour celles et ceux que ça intéresse, entre les études et le travail, Marine et moi avons habité dans des villes différentes mais nous arrivions toujours à nous retrouver de temps en temps pour un thé, et puis elle a déménagé en Australie et y habite toujours aujourd’hui. Nous sommes toujours ami.es et nous discutons souvent grâce aux internets mondiaux, mais on ne se voit plus. Je sais que dans quelques années elle reviendra en France et qu’on pourra reprendre notre petit rituel (pas forcément tous les mois mais bon vous avez compris), mais pour le moment je ne ressens qu’un peu d’amertume le temps que les choses « s’arrangent ». Il en est de même pour Calico. Calico a clairement besoin de temps, ce n’est pas un jeu fini, et il n’est pas au niveau d’être rendu public pour toutes les raisons que j’ai énoncées tout le long de ce papier. Malheureusement le jeu m’est tombé des mains lorsque, une fois de trop, mon personnage a freezé et que je ne pouvais plus rien faire après une période un peu trop longue sans sauvegarder. Par contre, si la petite équipe de Peachy Keen Games retravaille sur son jeu et en fait quelque chose de stable, je serai ravi d’y rejouer et cette fois me laisser emporter par les histoires entre les habitants de l’île, et par la frénésie de la décoration d’intérieur de mon petit Neko café.
Calico a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est aussi disponible sur Switch, PlayStation 4, et Xbox One.
Calico n’est pas un jeu terminé. Son enrobage mignon, magique et bodypositif n’arrive pas à rendre justice aux artworks présentés durant son financement participatif, et son niveau technique faible impacte trop l’expérience de jeu pour vouloir y jouer sur du long terme. La volonté de nous proposer un univers pour nous détendre est louable et je serai prêt à m’y replonger lorsque l’ensemble sera plus stable, mais pour l’instant il va être rangé tout au fond de mon backlog.
Kalkulmatriciel
Cc c Kalkul. J'adore parler à tous les PNJ, mettre des mandales et saboter les coop.
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