Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali s'ennuie sec dans le RPG chinois Wandering Sword et Shift se casse la tête sur le roguelite/deckbuilder Astrea: Six-Sided Oracles.
The Wandering Sword
Êtes-vous familier avec le phénomène cultivation taoïste, qui connaît depuis quelques années un énorme retour de hype dans la pop culture chinoise ? Non ? Moi non plus, à vrai dire, mais ce mélange de philosophie, de développement personnel et de heu… boire du mercure pour devenir immortel inspire largement les auteurs locaux. En très gros, cela se traduit par des œuvres dans lesquelles des protagonistes essayent de devenir super forts dans un tas de disciplines en les pratiquant de manière répétitive. Ce qui, en Occident, est l'équivalent de passer sa journée à sauter dans Oblivion pour faire monter sa jauge de bond. Wandering Sword, RPG en pixel art de The Swordman Studio, embrasse pleinement cette philosophie, pour le meilleur et pour le pire.
Au tao, il faut savoir compter ses atouts
Wandering Sword porte bien son nom : il s'agit d'un récit de chevalerie de type wuxia, où l'on suit la très traditionnelle quête de vengeance d'un guerrier errant redresseur de torts sur fond de luttes politiques délétères. Un récit plutôt bien écrit, d'ailleurs, pour peu qu'on adhère au style forcément un peu pompeux que les clichés de ce type de littérature convoient. Et qu'on accepte aussi que ce récit soit dilué dans un bac à sable destiné à façonner le guerrier ultime.
Assez rapidement, Wandering Sword vous encourage à lâcher la quête principale pour vous consacrer à l'exploration de son immense carte remplie de donjons, de villages et de centaines de PNJ. Il est possible de commercer, de dialoguer et de s'entraîner avec la plupart d'entre eux. Ceux qui savent se battre peuvent être recrutés, pour peu que vous ayez atteint un certain degré d'affinité avec eux. En leur faisant, par exemple, cadeau de matériaux que vous avez échangés avec d'autres individus ou collectés lors de combats. Des affrontements au tour par tour par ailleurs omniprésents et incontournables pour façonner le personnage ultime.
Les combattants recrutés, de même que votre protagoniste, gagnent ainsi des points martiaux, qui doivent régulièrement être investis dans des techniques de combat, mais aussi… dans des méthodes de cultivation taoïste, elles-mêmes divisées en niveaux. Plus votre personnage investit de points dans ce qui pourrait se traduire par sa "capacité à se développer" et plus il aura accès à un système de bonus parallèles sous forme de points d'acupuncture à activer pour révéler de nouveaux pouvoirs. Ces derniers permettront eux-mêmes de générer davantage de points martiaux. Le tout étant applicable hors du combat : récolter du bois, pêcher ou encore miner sont autant d'activités bénéficiant de leur propre système d'expérience servant de carburant à d'autres jauges de développement.
Une fois qu'on a recruté quelques personnages, on passe beaucoup, beaucoup de temps dans les menus de Wandering Sword. Ce n'est pas une erreur de design, c'est pleinement au cœur de la philosophie du jeu : s'entraîner, explorer, s'entraîner encore, accomplir moult petites actions de perfectionnement, et finir par forger une équipe mûre pour les challenges les plus difficiles. Le résultat est extrêmement clivant : si vous adorez les tâches répétitives et le micromanagement dans les RPG, Wandering Sword sera peut-être votre jeu de l'année. Si ce genre d'activité vous ennuie, vous allez probablement passer un affreux moment et réaliser que tout ce fort joli pixel art souffre aussi d'une pléthore de bugs et d'une interface pas franchement confortable.
Wandering Sword a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Si on devait rapprocher Wandering Sword d'un classique des RPG, je pense que la série des Romancing SaGa s'en approcherait. Une expérience très (trop ?) ouverte, dans laquelle il est très facile de complètement se perdre, et qui mise beaucoup sur votre capacité à rentrer dans une proposition extrêmement étrange. Je ne peux pas dire que j'ai été très séduit par cette expérience à mon sens un peu vaine de gestion pointilleuse d'entraînement martial, mais je pense néanmoins qu'elle mérite de trouver son public.
Astrea: Six-Sided Oracles
Si vous lisez régulièrement TPP ou que vous me connaissez personnellement, vous m'avez vu venir depuis l’espace : oui, évidemment, j’allais venir vous parler de ce nouveau roguelite deckbuilder avec des dés qu’est Astrea: Six-Sided Oracles, qui, sur le papier, coche toutes les cases du Shiftcore. Le titre des Brésilien·ne·s de Little Leo Games ne cache aucunement ses influences et vient se faire une petite place aux côtés des nombreux autres héritiers de Slay the Spire, avec, lui aussi, ses petites particularités.
Synergie tu me fais peur, synergie tu n'en finis pas
Progression à embranchements alternant mobs, boss, améliorations, évènements aléatoires et boutiques, combats au tour par tour, deck à créer au fil de la partie, synergies à exploiter : tout est bien là, et surtout, tout est très solide. Chaque personnage a ses spécificités bien marquées et implique de radicalement changer sa stratégie et sa construction de deck, les boss et ennemis sont variés et proposent des patterns intéressants et la mécanique de dés, qui remplacent les traditionnelles cartes, fonctionne à merveille. Mais alors qu’il serait tentant de le rapprocher de Dicey Dungeons - voilà c’est fait, c’est cité – c’est plutôt du côté de l’excellent Slice & Dice ou du jeu de plateau Dice Forge, avec leurs mécaniques de faces de dés modulables qu’Astrea vient lorgner avec succès.
C’est cependant le moment du petit disclaimer : si, comme ses compères, Astrea: Six-Sided Oracles affiche une difficulté élevée, impliquant multiples échecs avant d’espérer remporter une run – run qui ne marquera absolument pas la fin du jeu, puisqu’elle débloquera niveaux de difficulté, objets et personnages jouables – il se distingue dès les premières parties par une complexité presque hostile, assez peu adoucie par une interface certes très jolie, mais assez peu intuitive.
Chaque effet, positif ou négatif, possède son petit symbole. Et il y en a beaucoup des effets et des symboles, car très très vite, les attaques ne se résument plus à "Inflige X dégâts" et empilent les buffs, débuffs, effets en chaîne et synergies. Si la mécanique centrale, basée sur la purification et la corruption – on ne tue personne dans Astrea, on soigne les ennemis qui redeviennent gentils, ça fait du bien – est assez claire, le tout devient vite très chargé en informations à digérer et assimiler. Chaque nouveau dé propose des effets de plus en plus durs à expliquer, affichant parfois deux ou trois infobulles en cascade et demandant une concentration élevée pour en comprendre toutes les implications.
Un choix compréhensible : pour que le titre fonctionne, il faut multiplier les effets et types d’attaques et de gameplay, afin que chaque personnage dispose de ses spécificités, et pour synthétiser le tout sur des faces de dés, il faut représenter chacun d’entre eux par de petits symboles, malheureusement parfois trop similaires pour des effets très différents. On se retrouve ainsi à soit mal jouer en s’emmêlant les pinceaux entre deux types d’attaques, soit passer tout son combat à soigneusement inspecter chaque infobulle pour s’assurer que le coup joué est bien celui que l’on voulait. Et des symboles, il y en a partout, sur les dés, sous et au-dessus des ennemis et alliés, sur la piste de vertu, et chaque personnage jouable dispose d’une bonne vingtaine de symboles et effets spécifiques : cela fait énormément d’informations à retenir et à vérifier en permanence, à la fois durant les combats et les phases de deckbuilding.
L’effet finit par s’estomper au fil des parties et les automatismes arrivent progressivement, mais il s’agit probablement d’une des courbes d'apprentissage les plus raides pour un jeu du genre, pas tant pour sa difficulté que pour l’énorme charge cognitive qu’il provoque. On n’est pas encore au niveau d’hostilité d’un Zoeti, mais n’espérez pas écouter un podcast ou papoter en débutant sur Astrea : ce dernier requiert l’intégralité de votre attention pour retenir et comprendre les implications et combinaisons de chaque effet à l’écran. Une progression toutefois assez grisante pour peu que l’on passe ce premier contact franchement rude, puisque Astrea récompense largement l’investissement passé à apprendre les subtilités de son système, notamment en permettant de construire des decks basés sur des synergies extrêmement puissantes, mais surtout très amusantes à imaginer et mettre en place. Après avoir souffert sur plusieurs runs en espérant comprendre quelque chose, quelle meilleure sensation que celle d’éclater un boss en un tour grâce à une boucle d’effets qui s’activent les uns les autres ?
Astrea: Six-Sided Oracles a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Derrière une direction artistique toute mignonne et scintillante et une structure connue et éprouvée, Astrea: Six-Sided Oracles cache une complexité presque trop élevée pour son propre bien, et risque de laisser sur le carreau les joueurs·euses les moins persévérant·e·s. Dommage, car une fois ce douloureux cap d’apprentissage passé, le titre de Little Leo Games s’avère être un roguelite extrêmement solide et varié, aux possibilités de deckbuilding vertigineuses et aux synergies particulièrement puissantes et créatives.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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