Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift n'a jamais aussi bien visé de toute sa vie grâce à Children of the Sun, et s'est fermement ennuyé devant l'accès anticipé de Shadow of the Depth.
Children of the Sun
On en parlait il y a vraiment peu de temps suite à la déception Pepper Grinder : que les jeux nous plaisent ou non, il faut reconnaître une chose à Devolver, c’est que leurs équipes marketing sont talentueuses et produisent des bandes-annonces et plans com particulièrement efficaces. C’était une nouvelle fois le cas avec Children of the Sun, dont le premier trailer a suffi pour m’accrocher immédiatement, avec cette reprise indus de Where Did You Sleep Last Night pleine de réverb, ces couleurs saturées, ce rythme effréné, et cette mécanique de puzzle game de sniper particulièrement intrigante. Et, malheureusement, l’habituelle crainte que tout ceci ne soit qu’un gimmick qui s’essouffle au bout de quelques niveaux.
Tell me where did you snipe last night
Bonne nouvelle : pour une fois avec un titre estampillé Devolver, Children of the Sun n’est pas un jeu qui crame toutes ses cartouches dès le premier tiers. Le titre de René Rother (car oui, à peu de choses près, Children of the Sun est l’œuvre d’une seule personne) en garde sous la pédale jusqu’au dernier niveau, et se renouvelle correctement à intervalles réguliers, ce qui était, je dois l’avouer, ma principale crainte à son sujet. Non pas que le jeu soit exempt de défauts pour autant, mais le plus gros écueil est au moins évité : on ne souffre d’aucun sentiment de lassitude face à la principale brique de gameplay que propose Children of the Sun durant les 4/5 heures de sa campagne.
Et avant de s’intéresser à cette fameuse mécanique, il faut d’abord se pencher sur l’immense et incontestable réussite du titre, qui réside dans son esthétique et son atmosphère. Children of the Sun est d’une radicalité assez appréciable dans sa forme profondément glauque et psychédélique, avec ses cinématiques dérangeantes et glitchées, ses couleurs agressives et textures façon PSX, sa bande-son bruitiste ultra-efficace à base de saturation extrême sans la moindre mélodie : ça racle et ça crisse et ça bave autant sur le plan visuel que sonore, ce qui confère un cachet inestimable au titre, sans jamais tomber dans le ridicule ou le nanar.
Une patte artistique qui colle complètement au scénario et au propos du jeu, avec son histoire poisseuse de jeune fille en quête de vengeance contre une secte et son leader, et qui contribue également au gamefeel très accrocheur, jouant énormément dans la tenue du titre sur le long terme. Car Children of the Sun est, formellement, un puzzle game. On se moque souvent (à raison) de moi chez TPP pour mon incapacité à viser correctement, et ce n’est absolument pas un handicap pour jouer au titre de René Rother, puisque, à quelques exceptions près, les cibles sont fixes, et nous laissent tout le temps qu’on veut pour les abattre et choisir la suivante. Tout l’enjeu tient dans l’ordre et la manière d’éliminer les occupants d’une carte : on ne dispose à chaque fois que d’une seule balle, qui pourra repartir dans une autre direction si elle tue quelqu’un ou frappe un réservoir d’essence/une bonbonne de gaz. Et c’est là que le gamefeel et la forme du titre entrent en jeu : alors que la plupart des mécaniques nous laissent le temps d’observer, planifier et viser, l’enveloppe de Children of the Sun nous place à la fois dans une espèce de sentiment d’urgence et de power trip assez galvanisants. Je me suis rarement senti autant sous tension dans un jeu au gameplay aussi chill.
Malheureusement, malgré son concept vraiment intéressant et agréable à manier, le titre rate quelques marches qui, pour ma part, le cantonnent à un statut de petit jeu sympa, à pas grand-chose d’être excellent. Déjà, car s’il a évité l’écueil de la lassitude, c’est pour aller s’encastrer dans celui des mini-jeux nuls et obligatoires. Ce n’est pas un aspect trop important du titre, mais c’est toujours très énervant de buter sur des interludes mal fichus et hors-sujet, d'autant plus dans un jeu aussi court. Et puis, surtout, ses ajouts de mécaniques ne se font pas toujours de manière très heureuse.
Si elles sont toujours intéressantes sur le papier et ajoutent des dimensions stratégiques bienvenues, certaines idées ne sont pas tout à fait assez précises pour être complètement satisfaisantes, surtout quand les niveaux finissent par être assez longs et qu’une erreur implique de tout recommencer. Ce n’est encore pas grand-chose, mais ruiner son niveau car on n’a pas d’idée précise de la distance nécessaire pour amener sa balle à la vitesse maximale ou de l’angle de déviation de certains environnements contrecarre un peu le côté autrement rigoureux et précis des puzzles et du level design. Rien qui en ferait un mauvais jeu, mais de quoi atténuer mon enthousiasme une fois arrivé à la fin.
Children of the Sun a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Véritable réussite artistique, tant sur le plan visuel que sonore, Children of the Sun est également un puzzle-shooter assez malin, au concept original et généralement bien exploité. On regrettera quelques mécaniques de fin de jeu moins rigoureuses dans leur exécution, et quelques interludes très ratés et hors-sujet, mais rien qui ne saurait nous empêcher de le recommander (au moins pour l'expérience psyché), surtout pour un titre de 4h à 15€, et dont la durée de vie peut au moins être doublée si vous êtes féru·e·s de scoring et d'objectifs secrets.
Shadow of the Depth
Quand on se lance dans un jeu tiré d’un genre aussi sur-codifié et sur-représenté que le roguelite d’action, après tant d’années de déclinaisons de la formule, on s’attend toujours à un twist, à un petit élément original, que ce soit dans la structure, dans le gameplay, dans l’esthétique, la narration. Et il y en a toujours un, en fait, Hades, Dead Cells, Skul, Astral Ascent, Oblivion Override, tous apportent leur petit quelque chose qui fait qu’on se rappelle d’eux et qu’on les distingue quasi immédiatement. Et puis, il y a Shadow of the Depth.
Le gameplay couleur taupe
Je dois avouer que dès le début, je me suis douté que ce petit twist serait absent du titre de ChillyRoom et qu’on allait taper sur du classico-classique, autant du côté du gameplay que de l’esthétique et de l’univers. Et, à vrai dire, ce n’était pas très grave, je n’attendais pas de lui un bouleversement des codes du jeu d’action. Je n’attends ça de pratiquement aucun studio, de toute manière, et les plus grandes surprises peuvent venir d’un peu n’importe où. Non, je n’en attendais qu’une seule chose : des heures de massacre de monstres dans des donjons en top-down shooter, servies par le gameplay nerveux affiché dans les gif de la page Steam et le trailer de présentation.
Malheureusement, pour l’instant, ledit gameplay est à l’image de l’esthétique de ce Shadow of the Depth : terne et fade. Rien n’est perdu encore, puisque le jeu entre tout juste dans sa phase d’early access, ce qui laisse du temps (l’accès anticipé est censé durer entre six mois et un an) à ChillyRoom pour procéder à quelques réglages pour rendre le tout un peu plus fun à jouer. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : de réglages. En l’état, tout est assez fonctionnel (à l’exception de quelques bugs et crashs, mais c’est le lot de la majorité des early access) : les cinq personnages ont chacun un gameplay bien différencié des autres, la courbe de progression côté méta-ressources et améliorations permanentes est assez fluide, et on peut déjà se faire en quelques heures des builds assez puissantes et synergisantes.
Le problème, c’est : qu’est-ce qu’on s’ennuie. Mais qu’est-ce qu’on s’ennuie, ohlalaaaaaa. Il m’est, pour le moment, vraiment très difficile de m’impliquer dans Shadow of the Depth. Soit ma build est médiocre, et je progresse mollement dans le donjon jusqu’à atteindre les limites de mes compétences, soit ma build est solide, voire très solide, et je roule sur le jeu, mais toujours aussi mollement. Tout manque et de personnalité et de gamefeel, ce qui nous empêche de ressentir la moindre satisfaction dans la progression. Les environnements sont soit ternes et épurés, soit ternes et brouillons, les monstres sont génériques, le level design, euh, existe, dirons-nous et les arcs narratifs de nos protagonistes sont tous des poncifs sans intérêt de la fantasy. Mention spéciale à la cinématique de la sorcière, qui ajoute un aspect racoleur à l’ennui, on n’avait pas vu autant de plans serrés sur des poitrines depuis la promotion de Stellar Blade.
Alors, pour l’instant : on attend. On attend les retours de la communauté, et soit le jeu gagnera en patate dans les mois qui suivent et pourra se poser comme un honnête actionner, certes sans grande personnalité, mais nerveux et agréable à manier, soit le gameplay restera comme ça jusqu’à la sortie en V1.0 et je ne sais honnêtement pas ce qu’il y aura à sauver dedans. La feuille de route est au moins un peu prometteuse, avec la mention de mode coop, de nouveaux personnages jouables, boss, niveaux, etc : toujours rien de très original, mais le studio a au moins l’air de savoir où il va en termes de structure et de contenu.
Shadow of the Depth a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Écoutez, peut-être que ce début d’accès anticipé ne fait pas honneur à Shadow of the Depth, et que dans les mois qui viennent, il prendra son envol en améliorant son rythme et son gamefeel. Car la base est là, sans une once d’originalité, mais solide, et prête à en faire un bon petit roguelite d’action, pour s’occuper agréablement les mains en rattrapant son backlog de podcasts. Pour l’instant, c’est malheureusement l’ennui à chaque étage, chaque personnage.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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