Il y a un peu plus d’un mois sortait le premier trailer de Call of Duty WWII. Sans beaucoup de surprise, ce nouvel épisode développé par Sledgehammer Games revient aux fondamentaux de la série et embarque les joueurs dans la Seconde Guerre mondiale, que l’on avait plus vu depuis World at War en 2008. Un retour aux sources logique, après les critiques toujours plus nombreuses d’Infinite Warfare et le succès de Battlefield 1, qui prenait place lors de la Première Guerre mondiale. Les premières images du trailer donc, reprennent, parfois plan par plan, la plus que célèbre scène du débarquement dans le film de Steven Spielberg : Il faut sauver le soldat Ryan. Des images des précédentes campagnes des jeux édités par Activision me sont alors revenues en tête. La série Call of Duty cultive (certains diront que c’est un des gimmicks de la série) cette politique de “l’hommage” dans ses campagnes solos. Pour moi, il ne s’agit que de presque-plagiat représentatif de la fainéantise de la production de leurs jeux.
Le film de guerre entre nos mains
Certes, la série des Call of Duty, et comme de nombreux jeux à l’époque qui situaient leur action pendant la Seconde Guerre mondiale, a vu le jour grâce à l’énorme succès critique et populaire du Soldat Ryan. Il pourrait alors sembler logique qu’une série qui a vu le jour grâce au cinéma (en partie) s’en inspire dans sa narration et rende hommage au septième art. Sauf qu’il y a hommage et hommage. Les Call of Duty historiques (donc ceux qui ne situent pas leur action dans un futur quelconque) ont pour habitude, dans leurs campagnes solos, de reprendre des scènes, parfois entières, de films de guerre classiques. Citons par exemple, la scène de la roulette russe dans Black Ops (tirée du film Voyage au bout de l’enfer), le sniper qui se faufile à travers les dizaines de morts dans la fontaine de Stalingrad de World at War (le film Stalingrad) ou encore, comme on l’a dit au début, le débarquement allié sur les plages de Normandie pour WWII, tiré du Soldat Ryan.
Pour quiconque n’a pas vu ces films, il ne s’agit que d’un passage très scripté d’une campagne qui l’est tout autant. Une anecdote, qui peut tout de même prendre aux tripes, perdue dans une campagne longue de plusieurs heures. Mais, là où ces scènes au cinéma avaient apporté un impact gigantesque auprès du spectateur (qu’il soit choqué, émerveillé, tendu ou autre), celles-ci, dans un Call of Duty, ne sont que fades et tendent à décrédibiliser le message ou la vision de l’oeuvre d’origine.
Du mythique à l’anecdote
Dans Voyage au bout de l’enfer (ou Deer Hunter dans version originale) par exemple, la scène de la roulette russe dans le petit camp de prisonniers s’étale sur plus de 20 minutes et s’inscrit dans un contexte particulier. Il y a un avant pour expliquer cette situation : le vent de naïveté soufflant sur cette bande d’amis ouvriers dans une petite ville perdue des Etats Unis ; et un après, pour en retrouver les conséquences : SPOIL – Le personnage de Christopher Walken, Nick, sombrant dans la folie et l’addiction au jeu de la roulette russe – SPOIL. Cette scène grandiose marque évidemment un tournant majeur dans le long métrage de Michael Cimino (et si vous ne l’avez pas vu, courez le regarder).
Tout y est réussi, la tension, le jeu d’acteurs et le message derrière tout cela, que l’horreur de la guerre n’est pas que physique mais aussi et surtout psychologique. Là dedans, outre Nick, on peut aussi aborder le dur retour au foyer de Michael, joué par Robert De Niro. Dans Call of Duty Black Ops, cette scène intervient comme ça, au détour d’une mission dans la jungle vietnamienne, après qu’on ait passé les 20 dernières minutes à tuer du viet sans sourciller. Dans le titre, tous les enjeux de la scène sont envolés et Treyarch nous propose simplement un plan-choc où un de nos équipiers se fait tuer à coup de machette devant nos yeux. Aucun autre enjeu, rien. La dimension psychologique a totalement disparu et tout ce qu’on attend lors de cette scène est de s’enfuir pour enfin retourner tuer nos ennemis viets et Russes.
Pourquoi alors, implémenter une scène mythique du cinéma dans un jeu d’action au message quasi inexistant, en enlevant en plus toute sa dimension symbolique, ses enjeux et sa maestria de mise en scène ? Pour moi, il ne s’agit que de fainéantise intellectuelle. Une partie du jeu se passe au Viet Nam ? Mettons les Creedence, les Stones et une scène d’un film de guerre se déroulant là bas pour faire comme à l’époque. Hop, c’est plié.
Attention, je ne démonte pas le jeu de Treyarch ici, qu’on se comprenne bien. J’ai plutôt apprécié sa campagne en général, que je trouve une des plus réussies de la série. Non, je pointe simplement du doigt ce qui représente pour moi un des principaux soucis de la série au travers d’une scène en particulier. Le jeu sait d’ailleurs rendre hommage convenablement (si tant est qu’on puisse utiliser ce mot pour un Call of Duty) par exemple lors de la mission en bateau au son des Rolling Stones, défouloir jouissif et hommage à Apocalypse Now où les protagonistes traversent le Viet Nam et la Thaïlande dans ce genre d’embarcation (avec moins de fusillades certes et plus de moments enfumés oserais-je dire).
En conclusion
Et oui, je sais que le mode solo des Call of Duty n’est pas la force de la série, mais je suis un joueur plutôt solitaire en général, et j’ai toujours aimé faire la campagne avant de me lancer en ligne. J’espère que le cinéphile que je suis vous aura fait prendre un peu de recul à la fois sur l’importance d’une scène au cinéma et sur l’hommage dénué de toute réflexion initiale.
Enfin j’espère, mais je ne me fais pas trop d’illusion non plus, que Call of Duty WWII saura nous dépeindre une scène de débarquement pas seulement calquée et en moins bien réussie que celle du soldat Ryan, et qu’elle saura nous proposer un niveau d’immersion juste, avec un petit je ne sais quoi qui pourrait rendre cette action intéressante. Cela va être compliqué pour Sledgehammer de tenter de retranscrire la précision quasi documentaire du débarquement mis en scène par Steven Spielberg ou l’expérience que l’on a déjà eue avec Medal of Honor : Débarquement Allié. Les plus jeunes y trouveront peut-être leur compte, mais, au-delà de 20-25 ans, et si vous avez déjà joué à ce dernier jeu, nous assisterons simplement à une énième scène d’action pleine d’héroïsme américain. Et on en a un peu marre…
Et pour celles et ceux qui se demandent si parler de telle sorte d’un jeu sur la Seconde Guerre mondiale, je ne peux que vous envoyer directement sur l’article écrit par Tristan, en cliquant sur ce lien.
Benjamin "Noodles"
Faire des jeux de mots c’est mon dada. J'aime bien tous les jeux aussi. Sauf les mauvais ou ceux qui nous prennent pour des glands.
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