Fer de lance du MOBA et acteur majeur de l’esport depuis plus de dix ans, League of Legends continue d’imposer sa présence dans le paysage vidéoludique et au-delà. Romans, comics, série animée : son éditeur et développeur, Riot Games, développe son univers et sa mythologie de toutes les manières possibles et imaginables – quand ils ne sont pas dans la sauce pour leur culture d’entreprise toxique et leur mauvaise gestion de leur communauté craignos. Et, en plus de nouveaux titres développés en interne – l’autobattler Teamfight Tactics, le FPS Valorant et le jeu de cartes Legends of Runeterra – le studio confie de nouveaux projets, toujours liés à League of Legends, à des studios tiers.
Regroupés sous le label Riot Forge et la licence A League of Legends Story, ces studios indés se voient chargés de ressortir leur formule phare, et de plaquer l’univers de LoL par-dessus. Ainsi, sortaient en 2021 Ruined King, développé par Airship Syndicate (Battle Chasers: Nightwar, Darksiders Genesis) et Hextech Mayhem, développé par Choice Provisions (anciennement Gaijin Games, studio derrière la série des Bit Trip) et en 2023 The Mageseeker, par Digital Sun (Moonlighter). Arriveront plus tard dans l’année Song of Nunu de Tequila Works (Deadlight, The Sexy Brutale, Rime, Gylt) et Convergence par Double Stallion (Speed Brawl).
De bons cuisiniers
Si vous connaissez les différents studios, la proposition est particulièrement alléchante. Leurs titres, sans faire l’unanimité, bénéficient de réputations très correctes – Bit Trip Runner est un classique, quand Battle Chasers, Moonlighter ou Deadlight, bien qu’assez classiques dans leur gameplay, ont séduit par leur DA – et les voir utiliser leur savoir-faire avec le soutien de la Riot Money laissait présager du meilleur. La démarche est d’autant plus pertinente que l’univers de League of Legends est, pour le dire poliment, un sacré patchwork d’esthétiques, d’ambiances et de thématiques (personnellement, j'emploie le terme de bordel incohérent, mais chacun son point de vue), permettant aux studios de piocher les personnages, lieux et mécaniques les plus pertinents pour venir se plaquer sur leur formule. De ce fait, Choice Provisions a pu prendre le personnage de Ziggs, spécialiste des Hexplosifs, pour le coller dans un runner musical et Digital Sun a pu exploiter Sylas, un mage équipé de chaînes, pour en faire le héros d’un action-RPG.
Cependant, si dans la théorie, tout est aligné pour que la sauce prenne, le résultat de ces collaborations manque souvent un peu d’intérêt. Sans dénigrer les œuvres de commande ni les studios qui s’en acquittent, les titres qui constituent A League of Legends Story me font penser à ces films hollywoodiens réalisés par des auteurs français, mexicains ou encore hongkongais à la forte personnalité, et qui aboutissent malheureusement à des œuvres certes pas inintéressantes, mais assez lisses et convenues. C’est joli, c’est fonctionnel, exempt de bugs, ça propose quelques idées de gameplay intéressantes et cohérentes avec le personnage choisi, ça développe des pans de lore, mais ça le fait de manière terriblement convenue et sans imagination.
De bons ingrédients
The Mageseeker, dernier titre en date à sortir du label Riot Forge, illustre particulièrement bien ce constat. Dans la droite lignée de Moonlighter, roguelite d’action partagé entre la gestion de boutique et l’exploration de donjons, le titre brille autant pour son pixel art sublime que pour son gameplay efficace. Reprenant la mécanique de Sylas dans le MOBA d’origine, The Mageseeker exploite à fond et de manière assez intéressante un gameplay basé sur les chaînes. Ces dernières servent autant pour le combat au corps à corps que pour copier les pouvoirs des ennemis pour les retourner contre eux – et ainsi utiliser un classique, mais efficace, cycle de pierre/feuille/ciseaux élémentaire –, que pour la plateforme en tant que grappin, que pour désactiver des tourelles, attirer des ennemis volants au sol, transférer de l’énergie pour ouvrir des portes, etc.
Outre ces séquences de combat et de légère plateforme, au cœur de l’expérience, Digital Sun réutilise l’autre moitié de sa formule : la gestion de ville de Moonlighter devient ici l’amélioration de notre camp de rebelles. Les différentes expéditions de la quête principale et des missions annexes permettent la collecte de ressources et la libération de mages captifs du royaume de Demacia, et plus le camp sera peuplé, plus de zones seront disponibles, et avec elles, des échoppes et des bonus passifs pour le reste de l’aventure. Encore une fois, sur le papier, tout fait envie et les premières heures de jeu sont sincèrement plaisantes.
Et un plat sans saveur
Seulement, The Mageseeker ne décolle jamais vraiment. Le scénario est à la fois trop bavard et téléphoné, et si l’apparition de personnages stars de League of Legends et de leurs attaques iconiques pourra plaire aux fans de la licence, l’écriture et la mise en scène restent trop faibles pour que l’on s’implique dans cette histoire convenue de traqueurs de mages et de rébellion. Pire, la structure répétitive du titre, couplée à un level design assez paresseux, un bestiaire pas très fourni et un usage pas bien créatif d’un gameplay pourtant riche et malin – les chaînes ont plein d’utilisations, mais on fait toujours la même chose avec – achèvent de rendre l’aventure assez anecdotique.
C’est bien ça le drame de The Mageseeker : il n’est jamais mauvais, jamais cassé, bugué, énervant ou injuste. Il propose assez de contenu, sa difficulté augmente en parallèle des pouvoirs de notre personnage, il dispose d’un confort de jeu très acceptable et de checkpoints correctement repartis, bref, il ne commet aucune grosse erreur. Seulement, passé les premiers niveaux et la découverte du concept, il se traverse en pilote automatique. On enchaîne les missions principales ponctuées d’énigmes et de boss, on traverse les quêtes secondaires sans beaucoup plus d’entrain, car ces dernières proposent toutes les deux mêmes structures et les mêmes mini-boss, on voit notre camp s’agrandir sans que l’impact soit spécialement visible sur notre partie, et l’exploration ne demande aucun effort tant le level design fait le minimum syndical.
Est-ce que les équipes de Digital Sun n’ont pas été inspirées par la licence League of Legends ? Est-ce que le cahier des charges de Riot Games est trop restrictif ? Est-ce que je suis un sale con aigri qui ne sait plus se contenter d’un jeu « juste » ok ? Je ne pourrais répondre aux deux premières questions, seulement faire remarquer que mon avis est le même pour les deux autres opus de A League of Legends Story : ce n’est pas mauvais, mais ça manque clairement d’imagination et de créativité, et ça se parcourt sans désagrément, mais sans trop de plaisir non plus. Pour la troisième : peut-être. Peut-être qu’à force de jouer, mes attentes et standards augmentent, et me rendent injuste envers des jeux tout à fait acceptables, et dont le seul défaut est d’être tièdes. Les critiques positives envers ces trois titres, de la part de fans de LoL comme de nouveaux et nouvelles venu·e·s, vont probablement dans ce sens. De mon côté, je me demande surtout pourquoi j’aurais envie de passer encore du temps sur un action-RPG assez quelconque quand autant de jeux autrement plus marquants et créatifs sortent toutes les semaines.
The Mageseeker: A League of Legends Story a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Nintendo Switch, PlayStation 4 et 5, Xbox One et Xbox Series.
Avec son label Riot Forge et sa saga A League of Legends Story, Riot Games semble vouloir mettre du LoL entre les mains de chaque joueur·euse et s’exprime pour l’instant sur trois genres bien distincts : le tour par tour avec Ruined King, le runner musical avec Hextech Mayhem et l’action-RPG avec The Mageseeker. Il s’agit cependant de titres assez superficiels et oubliables, certes exempts de défauts majeurs, mais manquant clairement d’imagination. À voir si les deux prochains titres prévus pour 2023, Song of Nunu et Convergence, parviennent à s'extraire de la formule, mais au bout de trois jeux répétant le même pattern, j’avoue manquer d’espoir.
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