On parle souvent de technique, de gameplay, de réalisation ou d’écriture dans le jeu vidéo. Mais trop rarement on parle d’émotion, alors que notre industrie favorite est pleine d’éléments à même de nous faire chialer comme un môme qui pète son jouet le lendemain de Noël. Cette émotion, je l’ai ressentie dans diverses productions et à différents degrés.
Breath of The Wild : Un nouveau souffle gigantesque et intime
Le premier d’entre eux fut The Legend Of Zelda Breath Of The Wild. Le titre récompensé du grade de GOTY par presque tous les médias existants sur cette planète a créé un précédent dans ma vie de joueur. Jamais, depuis Red Dead Redemption (oui, vous aurez la troisième partie un jour c’est promis), un jeu vidéo aura autant secoué mes acquis de joueur. La mélancolie de la musique, ce vide qui avale totalement le joueur et ces panoramas absolument dingues m’ont foutu des frissons comme rarement. Dès la première heure de jeu j‘avais compris que je tenais entre mes mains probablement l’un des plus grands jeux auquel j’ai jamais joué. BOTW a remis à plat mes vingt ans de jeu vidéo, d’habitudes, de réflexes. Il m’a perdu, tout en me gardant les mains bien accrochées à ma manette. C’est prodigieux de réussir à créer un tel sentiment d’incompréhension sans donner envie d’abandonner l’affaire. Certains n’ont pas passé le cap et sont restés à quai. Moi, j’ai été totalement pris par la vague. Ce Zelda n’invente en réalité rien, sauf qu’il a tout compris.
Hellblade ou quand le jeu vidéo fait vivre la maladie
Je n’ai pas joué à Hellblade : Senua’s Sacrifice malgré tout le bien qu’on m’en a dit. Alors je l’ai regardé, et je suis tombé des nues. D’une part c‘est extrêmement beau, et il y a un réel sentiment d’émerveillement. Ensuite, c‘est un jeu d’une intelligence supérieure dont les créateurs parlent très bien sur la page officielle. C’est un titre qui parle de la maladie, de la vraie, celle qui partout dans le monde fait souffrir un nombre incalculable de personnes et pourtant, jamais le titre ne nous jette à la figure cette finesse. On combat des monstres, on lutte contre des pensées, des voix, une mythologie. Tout raconte l’horreur de la psychose, et pourtant, Hellblade parvient a rester un jeu. C’est sublime, infiniment plus évocateur que n’importe quel serious game aussi bons soient-ils. J’ai eu, le temps de quelques heures de visionnage, l’impression de comprendre cette maladie alors qu’on me présentait quelque chose se déroulant du côté de la Scandinavie à une époque tribale et mythologique. C’est là que j’ai compris que quand le jeu vidéo veut rester un jeu sans oublier de parler d’absolument ce qu’il veut, il sait le faire.
Assassin’s Creed Origins : la tragédie au pied des pyramides
Enfin, une surprise de taille. Assassin’s Creed Origins. Et pas question de parler ici d’open world, de beauté, de gameplay, on sait tous de quoi est capable ce titre sur ces plans-là et on sait tous que pour ce qui est des univers, la licence d’Ubisoft est inattaquable sans faire preuve d’une mauvaise foi éhontée. Ici, on va parler du scénario, du scénario dans un jeu Ubisoft pour lequel je me suis surpris à dire « Oh que c’est malin ça ». Car l’histoire de Bayek et Aya, c‘est l’antithèse de la soupe servie dans Unity avec cette fausse histoire impossible et mielleuse de deux ados attardés jetés dans le grand bain de la Révolution. Celle des héros d’ACO est d’une intelligence remarquable, car elle s’appuie sur une évolution très bien pensée. On y croit, on comprend les motifs, les dissensions, les doutes, et enfin on comprend qu’on s’est leurré tout du long. On comprend que cette histoire qui a commencé bien avant les événements du titre, ne pourra les mener nulle part. Et on accepte que cette histoire d’amour, qu’on trouve simple, charnelle, passionnée, soit sacrifiée sur l’autel du meurtre et de la vengeance. On comprend que rien ne pourra plus arrêter la marche de ce qu’ont créé malgré eux les héros du jeu, dans leur quête de venger leur fils. Quelque chose de plus grand s’est levé, un idéal, un crédo, et l’écriture générale relève d’un vrai sens du tragique, qui a miraculeusement réussi à me toucher.
En 2017, le jeu vidéo a produit, énormément, mais dans cette surproduction insensée, ayant laissé des merveilles comme Prey sur le bord de la route, il s’est réinventé, s’est mieux raconté surtout, et, à plusieurs reprises, a su émouvoir. Il y a tant de jeux sur lesquels on pourrait se pencher, et pour n’en citer qu’un, Enterre-moi mon amour, sur mobiles. C’était une grande année, et je pense sincèrement que le cru 2017 restera l’une des années dont je parlerai encore dans le futur. 2018 accroche-toi, va falloir faire mieux et ça va être tendu. Mais après-tout, un certain Red Dead Redemption 2 devrait faire le taff, non ?
Mallory Delicourt
Rebut de l'Education Nationale, il étudie désormais la géographie de la Temeria, la mécanique de Mario Kart et les méthodes d'infiltration des agents augmentés.
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