Lorsque Google Stadia a été annoncé en mars dernier, moi, joueur PC toujours hésitant sur les capacités de ma machine, a été conquis par la promesse du géant américain. Avoir accès à des jeux depuis le Cloud sur n’importe quel appareil (PC, Smartphone, tablette, TV) au top de leurs capacités en fonction de notre connexion n’allait sûrement pas me laisser de marbre. Jade Raymond (y a-t-il encore besoin de la présenter ?), à la tête de Stadia Games & Entertainment a été interrogée par gamesindustry.biz suite à l’annonce de l’ouverture du premier studio first-party de la branche jeu vidéo de Google à Montréal. Un entretien intéressant qui amène quelques inquiétudes toutefois…
Pour bien commencer tout cela, Jade nous raconte la vision principale derrière SG&E (c’est plus court à écrire déso). La branche gaming de Google veut pouvoir profiter à fond de la puissance de son cloud et de ses infrastructures afin de proposer des expériences de jeu qui ne peuvent être vécues sur d’autres plateformes, limitées à leur hardware propre. Raymond voit deux grandes opportunités là-dedans.
Tout d’abord, justement la seule limite pour créer un jeu étant la limite du hardware de Google, qui est un chouilla (non, qui est BEAUCOUP) plus élevée que pour les autres plateformes.
« Un jeu entièrement simulé par la physique est le Graal de la création de jeux vidéo depuis que Tresspasser a été imaginé plus de 20 ans auparavant, et maintenant nous avons enfin une plate-forme sur laquelle nous sommes en capacité de délivrer certaines de ces expériences. »
On peut donc facilement imaginer ici un MMO à serveur unique, rassemblant des milliers de joueurs dans un univers persistant et où les possibilités sont presque sans limites et viendront à être améliorées à mesure que la puissance du hardware évolue. Désolé pour cette référence nulle, mais il faut bien le dire, on pourrait rêver de l’Oasis de Ready Player One mais sans le casque de réalité virtuelle. Comme d’habitude, ce genre de déclaration déclenche évidemment des réactions comme celle-ci, à base de « moi mon jeu de rêve c’est ça, et je pense que cette machine pourra le faire ». Mais si avant il était difficile de vraiment être sûr de la faisabilité de tels projets, Stadia me fait espérer.
La deuxième opportunité intéressante développée par Jade Raymond s’appuie sur le fait que Stadia pourra bénéficier des avancées de Google dans d’autres domaines comme l’IA ou les interfaçages avec Youtube.
« Imaginez qu’on puisse avoir des PNJ fonctionnant grâce à ce genre d’IA dans un jeu à histoire. Plutôt que d’avoir la sempiternelle personne qui donne des quêtes et qui répète les mêmes lignes de dialogue, imaginez avoir des interactions qui sembleront très humaines avec un personnage qui fonctionne grâce à Google Duplex dans n’importe quel jeu à composantes narratives. »
Là aussi, il y a de quoi avoir quelques étoiles dans les yeux. Cela marcherait fort pour l’immersion et pour l’implication du joueur, qui devra réfléchir à ce qu’il pourrait dire afin de déclencher des lignes de dialogues qui lui permettront d’avancer dans l’histoire. Bon, techniquement, on n’y est sûrement pas encore et cela demandera beaucoup de travail afin de rendre le tout cohérent dans l’univers du jeu et qu’on ne se retrouve pas dans une boucle infinie où le PNJ ne comprend rien à où on veut en venir.
Gamesindustry rebondit de manière intelligente sur toutes ces annonces en demandant si, au vu du temps de développement moyen d’un jeu AAA, Stadia ne ferait pas face à un échec si les joueurs devaient attendre trop longtemps un véritable system seller, donc un jeu proposant une expérience « impossible sur les autres plateformes ». Ce à quoi Jade Raymond répond, et c’est là qu’il faut s’inquiéter :
« Google s’insère dans une vision à long terme. Cela peut prendre plusieurs années pour un gros pari et une nouvelle IP énorme qui exploitera pleinement le cloud. Mais nous avons quelques jeux exclusifs en travaux, qui pourront faire la démonstration de quelques trucs excitants de la plate-forme tout au long de ce temps. Cela ne prendra pas quatre ans pour que les gamers puissent voir les nouveaux contenus exclusifs. Il y en aura quelques-uns qui sortiront chaque année, et de plus en plus ensuite. »
Ici, Jade Raymond semble noyer le poisson. Elle a l’air de parler de jeux qui amèneront quelques mécaniques que seul le cloud peut permettre de développer. Bon, certes. Mais ces jeux ne seront certainement pas des system seller. Ils feront très probablement figure de démo pour montrer de quoi Stadia est capable, mais sans plus, un peu comme ce que 1-2 Switch pouvait proposer pour montrer le potentiel des Joycon. Moi en tout cas c’est ce que je comprends, et cela ne suffirait alors pas aux joueurs pour vouloir continuer totalement sur Stadia, malgré la possibilité de faire tourner des jeux récents en ultra sur un ordinateur portable tout pourri mais relié à la fibre. La décision sage qu’aurait dû prendre Google ici aurait été de prévoir un jeu exploitant pleinement le potentiel du cloud pour le lancement de Stadia, ou au moins quelques mois après. Là, les joueurs auraient quelque chose à attendre, là il y aurait du suspense et de l’envie.
Plus loin dans l’article, le journaliste et Jade Raymond apportent des réflexions encore une fois intéressantes quant aux potentiels problèmes liés à la puissance gigantesque du cloud de Google. Comment ne pas en faire trop pour que les joueurs puissent quand même s’amuser ?
« Est-ce que ce sera cool ou simplement chaotique ? Est-ce que l’expérience sera cool mais on veut en fait la baser principalement sur l’IA et du coup c’est juste vous et cinq personnes, donc peut-être que la partie intéressante c’est le fait que le backend de Stadia puisse faire un rendu correct de toute cette IA pour vous donner de bonnes sensations mais pas le chaos qu’on peut voir quand 1000 joueurs jouent en même temps ? Ce sont ce genre de choses sur lesquelles nous allons devoir réfléchir… C’est ça l’excitation d’être vraiment au point zéro d’une nouvelle plate-forme qui va beaucoup changer le paysage. »
On peut y voir dans cette déclaration que, finalement, même si un studio vient d’être ouvert, Stadia n’en est qu’à ses balbutiements. En gros, Jade Raymond confirme que pas grand-chose n’a encore été bien préparé en amont pour les expériences exclusives alors que la plate-forme sort dans un mois ?
Enfin, je vais m’attarder sur un dernier point intéressant. Stadia donc permettra aux joueurs d’accéder à leurs jeux sur n’importe quel écran, que ce soit un laptop, un desktop, une télé, une tablette ou un smartphone. Gamesindustry demande alors si, pour les jeux first party, ceux-ci seront développés en prenant en compte ce facteur ? Donc développés pour n’importe quel type d’équipement ? Ou alors il s’agira plutôt de créer des jeux qui s’intégreront mieux, par choix, sur un appareil plutôt qu’un autre ?
À cela, Jade Raymond sort l’exemple de Fortnite en disant que le Battle Royale d’Epic Games a très bien réussi à rassembler, grâce à son cross platform, des millions de joueurs, qu’importe leur appareil. Car, pour elle, ces joueurs se retrouvent surtout pour passer du temps entre eux et non forcément pour chercher le skill, qui est souvent très avantagé par le PC. Elle déclare que Stadia se penchera plutôt sur cet état d’esprit en développant ses jeux. « Plutôt que de penser autour du hardware, nous pensons autour de l’humeur dans laquelle sont les gens et quel est leur temps disponible. »
Ça ne veut pas dire grand-chose, mais on sait au moins que les réflexions se feront de manières très différentes de ce qui se fait en majorité actuellement.
Benjamin "Noodles"
Faire des jeux de mots c’est mon dada. J'aime bien tous les jeux aussi. Sauf les mauvais ou ceux qui nous prennent pour des glands.
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