Premier jeu des Barcelonais de NoName Studios, Worldless cherche avant tout à réinventer le système de combat au tour par tour en y injectant une dose de temps réel façon beat’em up en rythme. Une belle idée appuyée par un délectable travail d’animation.
Le combat au tour par tour a connu plusieurs transformations au fil du temps et des modes, dans l’optique de dynamiser un système remontant aux premières formes du CRPG. À l’anticipation du comportement adverse se sont ajoutés les forces et faiblesses, les synergies, la constitution d’un deck, jusqu’aux nombreux mélanges avec le temps réel, dont le fameux Active Time Battle que la série Final Fantasy a abandonné pour le tout action de son seizième épisode. Accroché à l’idée de duel, Worldless imagine un entre-deux versant du côté du beat’em up, avec ce que ça entend de combos pour varier son approche, et de style pour… le style, quoi. Si l’accent a été mis sur ce point et ça se sent, cela s’est cependant fait au détriment de l’univers du jeu, assez en retrait.
Worlds Apart
L’univers de Worldless semble être soumis à une cosmogonie en constant changement. Et pour cause, il est agité par une incessante bataille entre deux polarités opposées, les êtres bleu-blanc plutôt fins contre les rouge-noir assez rentre-dedans. Une lutte inévitable par nature. Mais lorsque notre protagoniste affronte son ennemi, tous deux entourés d’affrontements similaires, les deux combattants s’effondrent au sol, leur nature s’entremêlant par sursauts. Une autre issue serait-elle possible ?
De peu de mots, Worldless fait le choix de l’abstraction et démontre une envie de récit universel, ce que la trame évoquée, reposant sur des codes communs, présente bien. Une retenue cherchant l'élégant, à l’image d’environnements aux teintes unis, aux lignes claires et aux fonds dépouillés. On aura l’occasion de les parcourir au sein d’une structure qui tire vers le metroidvania. Il ne faut toutefois pas trop en attendre de ce côté. Les différentes actions débloquées se comptent sur la moitié des doigts d’une main (ça fait peu) et en rappellent à un contenu relativement modeste, le studio ayant eu l’intelligence de se concentrer sur des éléments bien précis au lieu de chercher à tout faire. De fait, cette structure ouverte a un peu de mal à décoller, quand bien même l’exploration se targue de phases de plateforme saupoudrées de-ci de-là. Rien de transcendant, mais quand ça commence à faire enchainer les quelques mouvements disponibles en fin de jeu, ça fonctionne assez. La fluidité étant également au cœur de l’expérience recherchée, les essais et erreurs de parcours sont encouragés, car la mort (le plus souvent dans l’eau, eh oui) n’est pas du tout punitive ; on réapparait alors sur la dernière plateforme quittée.
Assez reposante, l’ambiance éthérée qui infuse Worldless pourra cependant paraitre un peu fade au fil des heures. Les environnements sont doux à l’œil, mais rien ne capte l’attention tandis qu’on évolue sans obstacle à travers les niveaux, au son d’une soundtrack composée par Berlinist (Gris) et BeGun qui ne trouve pas de juste milieu entre une ambiance discrète et sans caractère et des nappes de synthés surmontés d’un duo cordes/percussions emphatique. Un choix à rebours de la relative finesse dont le jeu fait preuve ailleurs, de quoi intégrer sans problème le Yann Tiersen VGM Universe, qui rassemble le meilleur des mélodies légères assénées avec lourdeur. Mais si cette atmosphère manque un peu d’identité, elle laisse toute la place au dynamisme d’un système de combat au contraire fort engageant.
IELMAKASÉ
Si l’on devait évoquer la façon dont le combat au tour par tour a été revisité, peut-être que les exemples qui viendraient en premier seraient issus des séries Mario et Luigi et Paper Mario, ou bien d’Undertale et ses héritiers. NoName Studios a, lui, fait le choix de réintroduire une dose de temps réel, accolée à un impératif rythmique à respecter au mieux, d’abord pour résister au mieux aux assauts ennemis. Si le bouton de défense est déclenché au bon moment, notre bouclier ne sera pas atteint et encaissera de futurs coups, mais si le timing vient à manquer, c’est une première couche qui sautera avant de nous laisser vulnérables pour la suite. Au fur et à mesure des améliorations débloquées, c’est l’attaque qui sera impactée, permettant de déclencher des coups supplémentaires, d’augmenter les dégâts infligés ou la jauge permettant d’absorber les opposants. Si un ennemi est vaincu sans être assimilé, il pourra être combattu jusqu’à ce que ce soit le cas. Chacune des rencontres est unique, car toute absorption fournit un point d’amélioration à utiliser dans un arbre de compétences, lequel débloque autant d’attaques supplémentaires et d’options nécessaires à exécuter des combos à rallonge.
Ce système est relativement complexe à intégrer, d’autant que chaque ennemi a un comportement bien à lui, partagé entre attaques physiques et magiques. Il faut donc adapter son sens du rythme et sa stratégie sur le vif, jonglant avec les résistances et les faiblesses, ou bien à force de se relancer dans la bataille après une défaite – et ce presque instantanément si on le désire, il n’est pas question de game over ici. Il est donc facile de bourrer, mais ce n’est pas encouragé du tout, d’autant que le système incite également à varier les attaques utilisées au risque de voir leur efficacité baisser au fil des répétitions dans un même tour.
Si le beau jeu est ainsi synonyme d’efficacité, cela s’apprécie également dans la forme que prend le combat. Notre personnage est ainsi animé de curieuse manière, qui laisse apercevoir, entre deux poses clés du squelette fait de points le plus souvent observables, une figure plus étoffée, pleine de chair et de muscles qui ressortent au plus fort de l’action. Ces mouvements s’enchaînent avec une fluidité réellement impressionnante et donnent aux joutes les plus habiles des airs de chorégraphies millimétrées, rehaussées par des ralentis et des mouvements de caméra finement dosés. Bien entendu, arriver à ce stade n’est pas une mince affaire, et il faut connaitre sur le bout des doigts les comportements ennemis et ses propres options pour voltiger avec le plus de style et d’efficacité. Chaque catégorie d'opposant est pensée comme une sorte de puzzle dont il faut décrypter le fonctionnement et, dans un second temps, réussir à appliquer la solution au mieux. Autant dire que sur la fin, c’est relativement tendu. Mais bon, être classe, ça se mérite.
Worldless a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur l'ensemble des consoles.
À l’image des animations de notre personnage qui lui donnent plus de matière par moment, Worldless trouve réellement sa sève lors de ses affrontements, en particulier dans la seconde partie de l’aventure, lorsque les patterns se complexifient et nous engagent entièrement dans chaque phase, attaque et défense. S’il se rêvait certainement plus que ça, ce premier jeu est avant tout un superbe laboratoire bourré de style et son système de combat devrait certainement recevoir l’enveloppe qui lui conviendrait au mieux dans un titre suivant.
Les + | Les - |
- Un système de combat profond qui encourage le beau jeu | - L'univers un peu ronflant |
- Des animations à se pâmer | - Pareil pour la soundtrack |
- Une expérience tout en fluidité | - L'aspect metroidvania vraiment en retrait |
Seastrom
C'est la Loire qui coule dans les veines de Seastrom, mélangée aux subtilités de la vaporwave. Possibilité de l'amadouer en lui parlant indés et D&D (Dreyer et Digimon).
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