Where the Heart Leads est le dernier jeu du studio américain Armature qui, plutôt habitué à accompagner les projets AAA de type Borderlands ou Ark : Genesis, nous offre ici une aventure narrative originale, créée et produite entièrement par le studio.
J’ai une histoire particulière avec les expériences narratives dans le jeu vidéo, puisque c’est plus ou moins avec ce genre que j’ai commencé à jouer (avant de découvrir Celeste bien sûr… oui si je ne dis pas « Celeste » dans un article je meurs ok). On a fait Life is Strange avec mon copain, décidant à deux quelle direction choisir, et c’est toujours resté comme étant un très bon souvenir de ma vie (parce que j’aime les trucs funs à base de disparition et de harcèlement, que voulez-vous). Alors forcément, depuis ce moment-là, je guette les différents jeux narratifs qui pop ici et là, et je ne peux m’empêcher d’avoir, à chaque fois, une attente toute particulière.
Where the Heart Leads sort donc au mois de juillet 2021 avec derrière lui quelques grands jeux inspirants, mais également le poids de ces derniers, qui ont déjà marqué, ou marqueront leur temps. Et si on ne demande pas à chaque titre de devenir le meilleur de son genre, on attend forcément une pointe d’originalité…
C’est l’effet papillon…
Petite cause, grande conséquence. Pourtant jolie comme expression, c’est sur ce concept que se penche Where the Heart Leads, tout en jouant avec le surnaturel et l’onirisme, puisque la toute première scène représente une famille, sortie du lit par un bruit monstrueux dans leur jardin. Stupéfaits, ils remarquent qu’un énorme trou s’est soudainement creusé. Pas le temps de se poser plus de questions cependant, puisque le toutou extrêmement mignon de la famille est tombé. Cela sera votre premier choix important : sauver ou non l’animal domestique familial. Vous pouvez arrêter de lire ces lignes si vous envisagez de laisser le chien dans cette faille, vous ne méritez pas l’amour qu’on donne chez TPP. À partir de ce choix vraiment très peu compliqué, votre personnage, Whit Anderson, un père de famille de deux enfants, tombe dans le profond cratère, pour se retrouver dans son passé, à travers quelques souvenirs importants à ses yeux, mais surtout : décisifs.
On s’est tous posé la question un jour : comment serait ma vie aujourd’hui si j’avais fait un choix totalement différent à ce moment précis ? Where the Heart Leads interroge à la fois les grands moments d’une vie (mariage, enfants, déménagement, travail, argent) et l’importance des conversations banales quotidiennes, en posant également la question de la communication. Car le titre ne raconte pas uniquement la vie de Whit, mais bien toutes les existences des habitants de la vie de Carthage, ville où il a grandi. Vous serez donc témoin de la relation complexe du personnage principal avec son père et son frère, mais également, dans l’idée de mettre en avant la banalité du quotidien, des problèmes de leurs voisins de l’époque.
Le projet semble nous dire que, bercés par le train-train quotidien, on ne prend pas assez en compte ces petits instants. Voici donc 10 heures de jeu, alternant conversations quelconques et passages marquants de la vie.
La clé c’est la com-mu-ni-ca-tion
Le jeu d’Armature Studio propose, à la façon de Life is Strange, des choix cruciaux qui arrêtent le temps, un court instant. Il nous pousse à la réflexion : que veut-on répondre, quel futur désire-t-on pour notre protagoniste (mais également pour sa femme, ses enfants…). Des choix proposés lors de discussions importantes, mais également lors d’échanges du quotidien : et si, au lieu d’abandonner une dispute banale, on avait insisté auprès de notre ami·e, notre frère, notre sœur ? Et si la communication était la base de toute personne bien dans sa peau ? Where The Heart Leads met face à face différentes formes de communication et de dialogue pour pousser le joueur à s’interroger sur sa propre vie… tout en étant malheureusement assez binaire, les propositions se limitant à deux ou trois choix. Ce qui amène, on ne peut le nier, à un jeu riche et multiple : plusieurs voies narratives sont possibles, une certaine rejouabilité est bien présente, des fins alternatives sont donc proposées par le gameplay… mais ça ne suffit pas.
Tout cela paraît en effet plutôt léger pour un projet se présentant comme « une aventure narrative onirique dans laquelle vous serez confronté à la totalité du spectre des émotions complexes que la vie a à offrir ». Si le site de PlayStation nous offre une jolie phrase qui donne envie, la réalité est somme toute différente : le titre met en avant des instants de vie qui peuvent nous paraître vains ou peu importants, et insiste sur le fait que chaque décision, chaque conversation, peut en fait changer notre futur. Un parti pris intéressant, qui se révèle rapidement être assez pénible à suivre… eh oui, une vie « banale », c’est loin d’être passionnant…
Le titre offre également à son joueur des souvenirs divers, présents pour mieux se retrouver dans l’histoire et en apprendre plus sur chaque protagoniste.
Un système qui aurait pu être sympathique à suivre mais qui devient rapidement lassant tant on croule sous les informations. Car finalement, si on apprécie les premières heures passées dessus, notamment grâce à cette mise en avant de la normalité, Where the Heart Leads manque de moments marquants et de cliffhangers pour instaurer un rythme plus soutenu (j’ai hésité à vous dire « un rythme » tout court… c’est dire).
On joue ici avec différentes temporalités, et le passé, le présent et le futur s’entremêlent, poussés par un environnement surnaturel : les personnages s’effacent en mille morceaux de papier une fois la conversation terminée, et le titre a quelques idées visuelles intéressantes et poétiques qui le rendent, de prime abord, plutôt attrayant… Dommage que la direction artistique, elle, ne suive pas.
Le studio propose ici un concept intéressant quoique bien trop traité, et s’il est doux et sympathique de suivre Whit, sa famille et les autres habitants de la ville, le jeu se limite un peu trop dans ce qu’il souhaite raconter. On aurait souhaité un peu plus de diversité, une b.o. plus marquante ainsi que quelques chapitres raccourcis pour apporter un rythme moins long.
Un problème de lisibilité
Qui dit expérience narrative dit « votre rédactrice évitera de vous donner trop de détails sur le fond pour ne pas vous spoiler ». Quoi, c’est pas ça qu’on dit ? Bon. Dans tous les cas, il serait dommage de vous en dire plus sur le pur contenu du jeu. Qui dit petite ville dit également dramas (plutôt inintéressants, mais les dramas sont-ils tous intéressants ?) en tout genre, vous serez servis à ce niveau-là, ne vous inquiétez pas.
Where the Heart Leads m’a plu par sa douceur et ses partis pris sympathiques (en surface du moins), m’a déplu par son flirt constant avec une banalité regrettable et une longueur fatigante. Il m’a occupé quelques heures, et je l’ai relancé quelques fois avec plaisir, me demandant ce que ma session me réserverait, d’autres fois en soufflant lourdement, bloquée depuis plusieurs jours dans un chapitre inintéressant sur le tracteur du voisin. En bref, vous le comprenez bien, j’ai du mal à me positionner sur le titre d’Armature Studio, qui est loin d’être une expérience vidéoludique catastrophique, mais que j’aurais du mal à recommander pour autant.
CEPENDANT Where the Heart Leads souffre d’un souci de lisibilité assez important. Même si la taille de la police des textes est réglable, les dialogues se perdent dans un gigantesque fouillis qui n’a pas lieu d’être.
En effet, notre jeu présentant souvent des plans très larges, pourtant assez agréables puisque nous avons à l’écran à la fois les personnages, les dialogues, les éléments proches du décor mais également une vue plus étendue, s’amusent parfois à proposer plusieurs discussions en même temps : celle de nos personnages, sur laquelle on doit évidemment se concentrer, mais également celles de personnages annexes présents dans le décor. Il devient donc très compliqué de pouvoir tout lire alors que la taille de la police des dialogues diminue en fonction du nombre d’interactions présentes. En bref, une erreur de confort qui pèse bien lourd dans une proposition qui, de base, se veut être relaxante et passionnante.
Where the Heart Leads a été testé sur PS4 via une clé fournie par l’éditeur.
Where the Heart Leads nous offre une expérience narrative sympathique à suivre si on enchaîne les courtes sessions de jeu, tout en restant assez peu original dans ce qu’il souhaite nous raconter. Loin de moi l’idée de pourtant vous le conseiller, d’une part à cause de sa longueur, de l’autre par sa paresse thématique assez évidente, ce dernier étant bien trop ambitieux pour ce qu’il a à dire.
Chloé
Gameuse padawan depuis que j'ai découvert Céleste, j'espère un jour avoir le titre de maître Jedi grâce à TPP.
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