Antagonistes est une série de portraits non-exhaustifs de figures du jeu vidéo qui viennent s’opposer au protagoniste que l’on incarne. Mais plus qu’un simple vilain, ces « méchant(e)s » retenu(e)s possèdent à chaque fois une ou plusieurs caractéristiques qui les rendent vraiment uniques. Évidemment, puisqu’il s’agit d’aborder leurs actions et leurs parcours, parfois en profondeur, les portraits contiennent très souvent des spoils majeurs. Vous voilà prévenus !
I’m Part of You
Ca y est, Madeline a atteint le sommet du mont Celeste. Cela n’a pas été simple. Pas seulement à cause des conditions climatiques, des phénomènes étranges et des innombrables obstacles dangereux. Non, la plus grande des difficultés fut sûrement Badeline. Cette dernière a, petit à petit, pris le dessus, jouant pleinement, et de manière très littérale, son rôle d’antagoniste. Avant qu’elle change. Ou plutôt que Madeline change.
Il serait possible ici de revenir sur le jeu lui-même. Sur les valeurs qu’il véhicule : le dépassement de soi, l’assurance, l’entraide, l’amitié, le courage, et bien d’autres. Mais ce qu’il suffit de comprendre au delà de ces éléments et de la trame narrative, c’est qu’il s’agit autant l’aventure de Madeline que de celle de Badeline.
De bien des façons, parler de l’une revient à parler de l’autre. On le comprend dès l’apparition, au chapitre 2, de Badeline. On l’aperçoit dans un miroir : cheveux violets, peau blanchâtre et yeux rouges, elle semble être le reflet corrompu de la protagoniste. Même si cette première rencontre a lieu au travers d’un rêve, on comprend vite que cela n’est qu’un début. Cela devient une certitude lorsque Badeline s’échappe du miroir et acquiert réellement une existence propre.
Elle dévoile alors son caractère insidieux à mesure que Madeline avance dans son ascension. Son objectif semble clair : tout faire pour dissuader Madeline de gravir la montagne. Ainsi elle rendra fou de colère le gérant de l’hôtel miteux, Mr Oshiro, poussant celui-ci à la quasi folie. Elle n’hésitera pas non plus à la déstabiliser du mieux qu’elle peut lors de situations où Madeline se sent fragilisée.
Dans le chapitre 4, Badeline intervient alors que Théo et l’héroïne se trouvent dans un téléphérique. Elle profite des inquiétudes de cette dernière pour lui provoquer une crise de panique. Plus qu’une menace physique, Badeline représente un poids psychologique qui sans cesse hante Madeline. Ce n’est donc pas étonnant que celle-ci cherche alors à s’éloigner de cette partie d’elle. Sauf que, plus Madeline cherche à s’éloigner de Badeline, à la fuir, voire à la nier, plus elle se renforce.
Il faudra attendre l’ultime morceau de l’histoire principale pour que son opposition permanente disparaisse. Ainsi, dans l’avant dernier chapitre, ce n’est plus Madeline qui fuit Badeline mais l’inverse. L’héroïne a compris qu’elle ne pourra jamais atteindre le sommet sans qu’elle ait fait, littéralement, la paix avec elle-même. Badeline l’insidieuse révèle une autre facette, elle devient alors, en quelque sorte, Badeline la craintive. Mais elle n’en devient pas pour autant pacifique. Car s’engage une poursuite complexe qui prend la forme d’un boss fight haletant et dynamique.
Au terme de celui-ci, la surprise est totale. Madeline atteint son objectif : calmer, par une simple étreinte, cette partie d’elle plutôt que de la détruire.
Badeline devient alors une alliée essentielle, l’élément qui empêchait Madeline d’aller au bout de son aventure (une fusion qui se transpose là encore à merveille dans le jeu en offrant à l’héroïne un dash supplémentaire). Toutefois, même avant ce moment, on pouvait comprendre que Badeline n’était pas une simple ennemie.
En effet, parmi les premiers mots qu’elles s’échangent, Badeline lui dira « rentrons à la maison ensemble ». Cette simple phrase permet de tempérer un peu son rôle d’opposante binaire. Elle veut sécuriser Madeline, la protéger contre un environnement qu’elle estime dangereux. Chose que l’on perçoit à d’autres moments.
Je revenais un peu avant sur le moment dans l’hôtel. Si elle intervient aussi violemment, c’est par son côté négatif mais également par volonté de protéger Madeline de cet homme visiblement instable. Elle offre à celle-ci une issue en détruisant le toit de l’hôtel, permettant sa fuite. Un schéma maladroit, mais qu’elle reproduira plusieurs fois, car assurée du danger que représente l’ascension.
On le sait, l’ascension du Mont Céleste est métaphore du long parcours de l’héroïne pour vaincre son manque de confiance en elle et ses différents tourments. Or ceux-ci s’incarnent en la personne de Badeline. Elle force la protagoniste à réellement faire face à ses craintes et ses doutes en s’opposant à elle. Mais ces sentiments, d’apparence négatifs et malveillants, ne sont pas à rejeter en bloc. En étant méfiante, elle fait preuve d’une forme de pragmatisme que Madeline aurait tort de balayer.
C’est pourquoi Badeline, par sa manifestation physique, est une antagoniste si intéressante. Elle a finalement toujours existé, y compris antérieurement à l’aventure. Ce n’est que pour libérer Madeline de cette anxiété qui la freine qu’elle prend forme, grâce au Mont Céleste, et qu’elle lui permet ainsi de faire, littéralement, la paix avec elle-même.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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