Il faut croire que 2021 est l’année des roguelites pour moi. Alors même que je ne suis pas très client du genre, j’ai pu jouer au plutôt bon Curious Expedition 2 en début d’année, et un ami m’a « convaincu » de me mettre à Hades. Je m’attendais à pouvoir laisser derrière moi ce genre pour cette année et partir vers d’autres horizons vidéoludiques, mais c’était sans compter sur mon amour tordu des licences Warhammer et le tout récent Warhammer Age of Sigmar : Storm Ground, qui m’a pris par surprise en se révélant être un rogue plutôt bon sur le papier, mais rempli de défauts qui plombent le résultat.
Développé par le studio canadien Gasket Games dont il s’agit du premier titre, et édité par Focus Home Interactive qui sont des habitués des licences de chez Games Workshop (Warhammer, Blood Bowl, etc.), je m’attendais à ce que cette adaptation d’Age of Sigmar ne soit qu’un petit jeu de stratégie un peu à la manière de la série Heroes of Might and Magic, avec ses combats au tour par tour sur un damier hexagonal. Dans les faits, je me suis retrouvé avec un tactical RPG avec quelques éléments de rogue, et un mode multi mou et confus.
Pourquoi qu’on s’tape ?
Avant de commencer à parler du jeu en lui-même, il va falloir que je contextualise un peu la licence qu’il adapte. Warhammer Age of Sigmar est la licence fille de Warhammer Fantasy (ou Warhammer tout court), et est relativement jeune par rapport aux autres licences de Games Workshop puisqu’elle est apparue en 2015. Sans rentrer dans les détails qui n’intéressent que les nerds comme moi, la licence Age of Sigmar est censée se dérouler après les évènements de la licence Warhammer classique. On y retrouve donc des figures communes, des antagonismes partagés et des thématiques proches. En deux mots : les forces du Chaos (les méchants) s’opposent aux forces de l’Ordre (les « gentils ») dans une guerre éternelle, et viennent s’ajouter à ça les forces de la Destruction et de la Mort qui veulent aussi foutre des mandales à leurs voisins ; le tout prenant place dans un univers fragmenté en plusieurs mondes, reliés entre eux via des portails stellaires. Chacune des factions est dirigée par un ou des dieux, ayant une certaine assise dans les différents mondes : Sigmar, qui est le patron des forces de l’Ordre, étant aussi le maître incontesté du monde d’Azyr par exemple. Si je me permets de faire cette introduction rapide, c’est parce que le jeu ne le fera pas, et nous lâche dans son intrigue et son univers sans nous les présenter un minimum au préalable.
Dans sa campagne, Storm Ground nous permet d’incarner trois types de bande de guerre : les Stormcast Eternal, des guerriers semi-divins voués à la cause de Sigmar, les Nighthaunt, des esprits vengeurs et serviteurs du dieu de la mort Nagash, et les Maggotkin, des serviteurs démoniaques et putrides du dieu de la pestilence. Chacune de ces bandes de guerre aura à sa tête un héros avec ses propres motivations, qui se lancera dans la guerre éternelle pour satisfaire une divinité qui ne voit en lui qu’un pion. L’intrigue de la campagne solo n’est pas intéressante en tant que telle, et racontera pour chacun des protagonistes son parcours vers un objectif inatteignable. Néanmoins, au fil de la progression on pourra débloquer des fragments de narration, qui permettront de mieux cerner l’univers dans lequel on évolue ainsi que la personnalité des personnages que nous pourrons croiser. Bien qu’intéressants, ces morceaux de contexte se débloquent de manière aléatoire, ce qui rend pour un non-initié l’entrée dans l’univers d’autant plus chaotique, car en plus de ne pas savoir où il met les pieds, tout lui est dévoilé de manière fragmentaire, dans le désordre, et cela n’a parfois pas de rapport direct avec l’intrigue.
Vous l’aurez compris, si vous êtes vierge de toute connaissance à propos d’Age of Sigmar ou de Warhammer, vous risquez d’atterrir dans un jeu qui ne prendra pas la peine de vous expliquer comment les choses marchent. Le scénario étant très secondaire, je ne pense pas que ce soit particulièrement handicapant pour le jeu, mais ça ajoute une barrière conséquente pour attirer de nouveaux joueurs. En revanche, un élément qui pourrait mettre tout le monde d’accord est le gameplay.
Une stratégie antique…
Je l’ai déjà évoqué plus haut, Warhammer Age of Sigmar : Storm Ground est un jeu de stratégie au tour par tour se déroulant sur un damier, comme peut l’être un Heroes of Might and Magic. Une subtilité vient quand même apporter un peu d’originalité à la formule, car on doit déployer nos unités pendant le combat plutôt que de toutes les avoir sur le terrain au début de la bataille. Ensuite, il s’agit d’un jeu tactique classique : on déplace nos unités, on utilise les pouvoirs à notre disposition, et enfin on laisse l’adversaire jouer son tour. C’est simple, pas très dur à prendre en main, et c’est un système qui a fait ses preuves.
Les trois factions du jeu bénéficient d’un équilibrage simple mais bien rodé : les Nighthaunt sont mobiles mais fragiles, les Stormcast peuvent se déployer à côté d’unités déjà sur le terrain et ont une bonne armure, et les Maggotkins peuvent modifier le terrain pour appliquer des buffs à leurs unités et des débuffs aux adversaires, et se déployer sur des cases précises, mais ils sont hypers lents et n’ont presque pas d’armure. Bien que chaque faction ait globalement les mêmes unités (tank, assaut, scout etc.), ce sont les compétences et équipements propres à la faction, ainsi que les quelques particularités de celles-ci, qui permettent de pouvoir planifier sa stratégie efficacement.
… Appliquée par des troufions
Je n’ai pas de reproche à faire sur l’aspect tactique du jeu, si ce n’est qu’il souffre d’un certain classicisme et que par conséquent il ne surprend jamais. Par contre j’en ai beaucoup à émettre sur son application, et sur le côté rogue du titre. Car si sur le papier l’équilibrage et le combat sont censés bien marcher, dans les faits c’est bancal. La faute déjà à une interface aux fraises, qui n’est pas assez claire et n’indique pas certaines informations qui pourraient être capitales pour la planification. Par exemple : lorsqu’on veut déplacer un personnage, il est indiqué quels sont les personnages ennemis qui seront susceptibles de le toucher, mais il n’y a pas l’information inverse, ce qui peut se révéler problématique lorsqu’on manipule des unités de tir ou qui ont des compétences à distance dont la zone d’effet est particulière. Au chapitre des informations manquantes, pour certaines compétences il est clairement noté qu’elles ne peuvent pas être utilisées après un déplacement ou que le personnage ne peut plus bouger après l’avoir utilisée, ce qui n’est pas le cas de toutes les compétences. J’ai donc appris de la manière forte que : non, une unité de tir ne peut pas tirer et se déplacer dans le même tour.
Je ne m’amuserai pas à faire un étalage de tous les soucis d’interface, mais je tiens à indiquer un détail qui m’a fortement déplu : Storm Ground peut théoriquement être joué en beaucoup de langues, cependant en français les textes sont décalés dans leurs espaces d’affichage, ce qui fait que la plupart sont coupés, rendant de fait le jeu injouable dans cette langue. Je n’ai aucun souci avec l’anglais, mais je trouve incorrect qu’un jeu sorte avec ce genre de problème, d’autant que la traduction n’est pas si mauvaise.
Il y a à mes yeux un dernier problème qui doit être adressé mais qui ne concerne que la campagne solo du titre : le côté rogue pète la progression et le fun. Cet aspect du jeu se manifeste ainsi : dans la campagne, on peut choisir parfois la prochaine mission à effectuer. Celles-ci sont générées aléatoirement et les récompenses sont aussi choisies aléatoirement même si on a une idée de ce que l’on va recevoir avant de commencer un combat. Un premier aspect mal pensé selon moi, est que notre équipe de combat dépend totalement de ce que l’on va gagner à l’issue des batailles. J’ai donc déjà fait des runs sans aucune unité de DPS (j’ai même cru qu’il n’en existait pas pour ma faction), juste parce que le jeu ne voulait pas m’en donner. Aussi il est particulièrement dur de finir une run. Je ne me considère pas comme un excellent joueur de tactical, mais il m’apparaissait extrêmement dur de réussir certaines missions sans posséder une unité de chaque type ayant un équipement complètement craqué. Mais je pense que le pire vient avec la mort : quand on perd une partie, on a la possibilité de recommencer en changeant de faction, ou réessayer avec la même. Si vous choisissez la seconde option vous conserverez toutes les compétences, pièces d’équipement et morceaux d’histoires débloqués. En revanche, vous ne pourrez choisir que deux unités parmi toutes celles débloquées pour constituer votre bande en plus du héros qui est fixe, ce qui veut dire que vous devrez prier les dieux de la chance pour pouvoir constituer une équipe potable au fur et à mesure de votre avancement. La seule bonne nouvelle c’est qu’une fois que vous avez débloqué une unité dans une run, elle reste disponible pour être choisie dans toutes vos tentatives suivantes.
Warhammer Age of Sigmar : Storm Ground a été testé sur PC via une clef fournie par l’éditeur, il est aussi disponible sur PlayStation 4, Xbox One, PlayStation 5, Xbox Series, Nintendo Switch
En définitive, c’est avec amertume que j’ai écrit ce papier. Warhammer Age of Sigmar : Storm Ground, partait sur une bonne base, mais l’accumulation de petits défauts et la mauvaise exploitation des mécaniques de rogue viennent sérieusement gâcher le tableau. Je ne peux vous le recommander que si vous ne voulez jouer qu’en multijoueur (et encore il souffre d’un mauvais matchmaking), esquivant de fait l’aspect rogue du titre, ou bien quand il aura eu droit à quelques mises à jour (par exemple un mode facile). En attendant passez votre chemin, et j’espère que Gasket Games fera mieux pour la prochaine fois.
Un Rieur
J'aime tous les jeux, surtout les jeux un peu nazes ou cassés. C'est pas parce que c'est nul que c'est pas bon, et puis j'aime aussi la bouffe, et le JDR
Articles similaires
Miniatures - La poésie du souvenir
nov. 20, 2024
Rogue Flight - Monte dans le robot, Zali !
nov. 16, 2024
Great God Grove - Queer et élastique
nov. 11, 2024