Développé depuis quelques années par une petite équipe de cinq personnes, Travelers' Refrain est un jeu d'action aventure axé sur la musique et l'exploration. Ce n'est pas le récit le plus original de l'année, mais bon sang, qu'est-ce que c'est beau.
Keep it simple. Essayez de garder le cœur de votre jeu simple, compréhensible et fonctionnel. C'est sans doute le meilleur conseil que peuvent recevoir les équipes de développeurs indés qui doivent livrer une expérience complète sans pour autant bénéficier des moyens conséquents d'un grand studio. Si des succès de l'année dernière comme Threshold, Fear the Spotlight ou encore Mouthwashing ont réussi à capter l'attention alors que le confus Blade Prince Academy est passé complètement sous le radar, c'est sans doute un peu par chance. Mais c'est aussi, et je pense avant tout, parce que malgré des ambitions modernes, ces titres avaient des propositions claires et un résultat final en adéquation avec les moyens déployés. Là où d'autres se sont éparpillées entre mille mécaniques imparfaites. C'est exactement ce qui fait qu'un titre comme Traveler's Refrain arrive à ses fins : il expose ses quelques idées directrices très rapidement, et il s'y tient pendant une dizaine d'heures.
J'ai la guitare qui me démange
Dans Traveler's Refrain, vous incarnez un barde perdu dans une forêt remplie de mystérieux robots cassés et de ruines étranges. Son objectif : trouver une sorte d'oracle qui, dit-on, peut lui accorder un vœu. En l'occurrence, celui de retrouver son amour perdu. Un voyage que l'on devine très vite sans retour, sans grand espoir et sans grande joie. Mais pas sans beauté.
C'est le premier point particulièrement plaisant de cette aventure : une grosse partie de l'énergie a été visiblement placée dans la direction artistique et la narration, et le résultat est tout simplement superbe. Les environnements mêlant couverts boisés et débris technologiques, les boss ultra-détaillés qui font la taille de l'écran, les mélodies qui s'adaptent doucement à notre style de jeu… Même les cinématiques, assez nombreuses, surprennent en multipliant les styles d'animation et les modes narratifs.

Si ce que raconte Traveler's Refrain n'est pas follement original, il le fait avec cœur et conviction, et sans jamais faire de son gimmick (le fait que le protagoniste soit musicien) un accessoire. La poésie, le chant et les environnements sonores font ici intégralement partie de ce qu'on essaye de nous narrer. L'univers est assez malin, les personnages étonnamment bien écrits, et la structure du voyage métaphorique gérée avec une surprenante finesse. Donc, à défaut de jouer à quelque chose d'extrêmement mémorable, on se laisse guider avec joie dans cette étrange odyssée.
Apprendre à lyre
L'autre côté très malin du titre de Red Essence Games, c'est donc de ne jamais s'éparpiller dans ses mécaniques de jeu. Formellement, il s'agit d'un jeu d'action aventure assez convenu : on avance, on tape sur des monstres, on récolte de l'expérience et on résout des énigmes au passage. Du bon vieux Zelda-like des familles, avec une micro touche de modernité matérialisée par l'existence de feux de camp façon Dark Souls pour upgrader de manière permanente son personnage.

On s'ennuierait sans doute assez vite si les auteurs du jeu n'avaient pas eu l'idée de mélanger à ce hack and slash très classique une petite dimension liée aux compétences musicales du héros. Tout au long de l'aventure, un peu à la manière d'un road trip à Hyrule, le protagoniste va dénicher des partitions qui sont autant de manières de faire varier le gameplay. En jouant les bonnes notes dans le bon ordre, il est ainsi possible de se soigner, de faire exploser les ennemis à distance, ou encore d'ouvrir de nouveaux passages qui changent la structure du level design.
Et là encore, la beauté de Traveler's Refrain est d'explorer cette idée en profondeur, mais sans partir dans tous les sens. Une dizaine de chants différents, assez simples à retenir, qui évoluent un peu au fil des upgrades dénichées dans l'aventure, et c'est tout. La variété des boss, des ennemis et des puzzles fait que l'on a toujours l'impression d'inventer quelque chose, et, pile quand tout commence à devenir répétitif, l'aventure se termine en beauté. C'est une expérience parfaitement équilibrée, et ça fait plaisir.
Et c'est la même chanson
J'ai, c'est évident, adoré mon voyage dans Traveler's Refrain, mais je dois quand même reconnaître qu'il n'est pas absolument parfait. Si je me suis concentré sur la beauté des paysages, la fluidité de la narration et le côté très astucieux de ce système de mélodies, j'ai un peu dû avaler quelques pilules amères en route. Le titre fait ainsi quelques compromis parfois irritants quand on est habitué à des expériences d'action aventure un peu plus ambitieuses.

L'équilibrage de la difficulté, par exemple, est souvent un peu médiocre. Certains mobs de base sont extrêmement agressifs, tandis que des boss se font atomiser en quelques secondes (d'autant plus qu'il est assez simple de les piéger avec certains pouvoirs un peu trop bourrins). Quelques puzzles insolubles, car nécessitant un pouvoir acquis bien plus tard, sont proposés trop tôt dans l'aventure, avec une promesse de devoir se taper du bactracking à gogo pour compléter son inventaire ou renforcer son personnage. Et, par moments, on se retrouve face à des donjons assez peu lisibles, qui contrastent étrangement avec la clarté générale de la promenade dans la forêt.
Ce sont certes des détails, mais qui vont vous placer assez clairement d'un côté ou de l'autre de la réponse à la question "Suis-le la bonne personne pour jouer à Traveler's Refrain ?". Si vous venez pour la poésie de l'odyssée et pour avancer sans trop vous préoccuper des mécaniques de jeu, quitte à foncer tout droit sans explorer, sans doute que oui. Si vous exigez d'un jeu du genre qu'il ait la profondeur de gameplay d'un Hollow Knight et le level design tortueux et dément d'un Bloodborne, vous allez sûrement vous embêter un peu.

Traveler's Refrain a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
De Traveler's Refrain, il me restera sans doute en mémoire quelques séquences émotion, une jolie bande-son et des artworks détaillés et efficaces. Pour son premier jeu, le studio Red Essence Games a su mettre l'accent là où c'était important pour que le voyage laisse une excellente impression. Néanmoins, je crois que le reste (les boss, les détails de l'intrigue, les allers-retours dans les donjons à allumer des torches) ne me marquera pas durablement. À vrai dire, je serais extrêmement curieux de jouer au futur second jeu de cette équipe, qui profitera à coup sûr de toute l'expérience accumulée sur ce premier essai qui est déjà assez charmant.
Les + | Les - |
- C'est si beau ! | - Difficulté mal équilibrée |
- Mécaniques simples mais efficaces | - Quelques énigmes fastidieuses |
- Quelques surprises dans la narration | |
- Le système de mélodies, très attachant |

zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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