Il est de ces jeux dont on aimerait pouvoir perdre le souvenir pour les découvrir à nouveau : la trilogie originale Ace Attorney (et dans une moindre mesure, ses suites), sortie initialement sur GameBoy Advance mais connue chez nous sur Nintendo DS (et maintenant disponible un peu partout) en fait partie. Mais bon, mon médecin m’a conseillé d’arrêter de me donner des coups sur la tête, que ça ne marchait pas comme ça, alors à la place j’attends (im)patiemment la sortie de nouveaux épisodes. Ça tombe bien, The Great Ace Attorney Chronicles vient de débarquer.
Sortis à l’origine en 2015 et 2017 au Japon sur Nintendo 3DS, les deux jeux qui composent cette série dérivée n’avaient jamais dépassé les frontières nippones (malgré mes courriers et menaces). Mais l’annonce faite par Capcom en début d’année et les présentations qui ont suivi changent enfin la donne. Ne reste plus qu’à savoir si ces nouveaux/anciens épisodes font honneur à la franchise et si leur nouveau cadre constitue une bonne porte d’entrée pour les nouveaux arrivants.
Ryunosuke chez les Rosbifs
Tout va bien pour Ryunosuke Naruhodo, étudiant en anglais et protagoniste principal du diptyque The Great Ace Attorney Chronicles se déroulant à la fin du XIXème siècle. Bon tout va bien, tout va bien… il est tout de même soudainement accusé de meurtre. Coup de chance pour lui, son meilleur ami, Kazuma Asogi, étudiant en droit, a juste le temps avant son départ pour la belle Angleterre, de l’aider à se défendre.
Une première affaire qui, en plus de présenter le fonctionnement d’un des éléments principaux de la série Ace Attorney (mais nous y reviendrons), est l’occasion pour Ryunosuke de se découvrir une passion pour le métier d’avocat et de rejoindre son ami dans son voyage. À lui les joies de la vie londonienne et la découverte de ses habitants caricaturaux et attachants, mais aussi, il faut l’avouer, d’un réel mépris des londoniens (y compris dans les hautes sphères judiciaires) pour le peuple japonais, jugés pas aussi évolués. Un mépris qui apporte une belle satisfaction à chaque fois que l’on a l’occasion de faire preuve d’une plus grande finesse d’esprit (et aussi parce qu’en tant que français c’est toujours un plaisir de battre des anglais, même quand ils sont dans un tribunal fictif et que l’on incarne un japonais).
À noter dès à présent que le jeu bénéficie d’une traduction anglaise de haut vol, mais pas d’une version française. Et c’est justement cette très bonne traduction anglaise qui peut poser parfois problème, le jeu n’hésitant pas à retranscrire le langage et les accents de certains personnages, rendant leurs propos difficiles à comprendre même avec un niveau d’anglais très correct.
Pour les habitués de la série, il n’y a pas de grands bouleversements dans la structure même du jeu. Vous serez amenés à résoudre 5 affaires par jeu (donc 10 en tout), durant lesquelles vous aurez l’occasion à la fois de mener des enquêtes sur le terrain, ce qui vous permettra de trouver des indices, de discuter avec des témoins, mais aussi de défendre vos clients au tribunal pour les faire acquitter lors d’affaires aux nombreux retournements de situation.
Mais parlons un peu des personnages hauts en couleur de The Great Ace Attorney Chronicles. Si Ryunosuke est un protagoniste assez classique (et parfois un peu en retrait en comparaison avec d’autres personnages grandiloquents), Susato son assistante est un parfait mélange entre sérieux et légèreté, la rendant très attachante. Barok Van Zieks, procureur londonien et votre principal adversaire lors des phases de procès aurait lui tout à fait sa place dans un dating-sim dans le rôle du beau ténébreux. Mais c’est le personnage d’Herlock Sholmes, parodie du célèbre détective qui vole la vedette à tout ce beau monde (en plus d’apporter avec lui une nouvelle mécanique très sympa… une nouvelle fois nous y reviendrons).
À noter cependant une évolution sur les personnages secondaires du jeu. En effet, contrairement aux anciens épisodes, nous avons droit à beaucoup de personnages gris. Pas forcément coupables mais jamais complètement innocents, ils apportent une nuance bienvenue dans la série, y compris quand il s’agit de vos clients que vous devez défendre.
À l’Ouest y a du nouveau
Parlons un peu mécaniques de jeu, si vous le voulez bien. Si The Great Ace Attorney Chronicles garde des bases solides connues des amateurs de la série, le diptyque sait aussi apporter de nouvelles mécaniques bienvenues.
Commençons par la partie enquête du titre. Oubliez les éléments mystiques comme les cadenas représentants les secrets des personnages. Ici tout n’est que recherches et déductions. On doit cette nouveauté à notre cher Herlock Sholmes, qui apporte avec lui ce que le jeu appelle la « Dance of Deduction », une mécanique hyper stylisée visuellement (et accompagnée par la meilleure musique du jeu), durant laquelle il découvrira les secrets les plus inavouables de personnages en fonction de leurs regards ou encore de détails cachés sur eux. Manque de pot pour lui, ces déductions visent toujours à côté et c’est à vous de reprendre ces dernières pour y changer certains éléments et faire éclater la vérité. Une mécanique qui donne plus de rythme à la partie enquête du jeu, qui est en plus assez réduite par rapport aux anciens titres de la série.
Passons maintenant à la partie tribunal. Le déroulé reste lui aussi classique, avec des témoignages qu’il faut contredire grâce aux différentes preuves que vous avez sous la main (et toujours en criant objection… même si sans le micro de la Nintendo DS, l’effet est moindre). On notera tout de même la possibilité d’avoir plusieurs témoignages en même temps, l’occasion parfois de mettre en avant certains témoins réagissant aux propos d’autres et ainsi de faire apparaître de nouvelles contradictions.
Mais le vrai changement se fait plus haut. En effet, si le tribunal est toujours présidé par un juge, ce dernier est accompagné de 6 jurés, pris « au hasard » parmi la population londonienne. Ce sont ces derniers qui détiennent réellement le pouvoir, puisqu’ils peuvent soudainement déclarer l’accusé (votre client donc) coupable ou innocent grâce à une flamme qu’ils peuvent jeter sur les plateaux d’une balance de la justice (oui c’est très théâtral, mais on est sur Ace Attorney, donc si vous connaissez la série vous savez où vous mettez les pieds).
Il arrive régulièrement en plein procès que le témoignage d’une personne emporte les avis des jurés qui décident de la culpabilité de votre client. L’occasion pour vous de procéder à une « Summation Examination », acte de la dernière chance durant lequel vous pourrez connaître pour quelle raison chaque juré a fait son choix et ainsi mettre en opposition certaines de leurs justifications (et en profiter le plus souvent pour faire apparaître un nouvel élément retournant complètement la situation).
Cette nouvelle mécanique permet de casser un peu le rythme classique de témoignage/contre-interrogatoire/nouveau témoignage/nouveau contre-interrogatoire, même s’il faut avouer qu’entre vous, le procureur, le juge, les témoins et les jurés, cela fait parfois beaucoup de monde en même temps qui peut intervenir. Au passage, on soulignera aussi la critique faite au sein même du jeu face à ce système, tant il peut être parfois facile de persuader un juré par la simple force de ses mots et pas par des preuves concrètes.
2 jeux en 1… ou 1 jeu en 2 ?
Bon, les mécaniques anciennes marchent aussi bien et les nouvelles apportent un petit vent de fraîcheur bienvenu, mais est-ce qu’on passe un bon moment devant ces affaires ou est-ce qu’on s’ennuie un peu parfois ? En réalité, c’est assez difficile à dire tant la structure de The Great Ace Attorney Chronicles change par rapport à d’habitude, notamment sur le premier épisode.
Je m’explique : habituellement un jeu Ace Attorney est constitué de 4 à 5 affaires avec une première qui sert de tutoriel et une montée en puissance avec des affaires de plus en plus longues, s’échelonnant souvent sur plusieurs jours et permettant d’alterner les phases au tribunal et les phases d’enquêtes avec de nouveaux éléments à trouver.
Dans le premier épisode et en évitant de vous divulgâcher son contenu, la première affaire est toujours un tutoriel (mais bien plus long que d’habitude) se concentrant sur une phase de procès, la seconde, elle, se concentre sur de l’enquête (et sert aussi de tutoriel pour ces phases), la troisième est à nouveau concentrée sur la phase au tribunal (avec un nouveau tutoriel présentant le principe du jury) et ce n’est qu’à la 4ème affaire qu’on retrouve un rythme un peu plus classique.
Alors changer la structure habituelle des jeux Ace Attorney n’est pas une mauvaise chose en soit, mais elle pourra clairement surprendre les habitués. D’autant que le diptyque est très scénarisé concernant l’évolution de Ryunosuke et son désir de devenir avocat, tout en découvrant le système judiciaire anglais (avec ses forces et ses limites) à chaque affaire, cela le rend d’ailleurs assez attachant (même s’il perd un peu le côté comique que pouvait avoir Phoenix Wright sur les premiers épisodes).
La structure scénaristique de The Great Ace Attorney Chronicles va même plus loin, puisque le premier épisode finit de manière très ouverte, avec de nombreuses questions qui ne trouveront des réponses que dans le second… C’est là que l’on se dit qu’on est bien contents de ne pas avoir à attendre plusieurs années pour avoir la suite. Les deux jeux étant assez longs (comptez bien 45/50h pour en voir le bout, scénettes bonus comprises), le manque d’une vraie coupure scénaristique entre les deux titres (à l’inverse de la première trilogie Ace Attorney, qui savait faire un tout cohérent tout en gardant une réelle indépendance entre ses titres) donne à l’ensemble un rythme parfois assez bancal, quand bien même chaque enquête reste une réussite et que l’on retrouve nos chers moments de désespoir suivis de retournements de situation incroyables.
The Great Ace Attorney Chronicles a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est aussi disponible sur Nintendo Switch et PlayStation 4.
The Great Ace Attorney est à la fois une bonne porte d’entrée pour les nouveaux arrivants et un bon gros doudou pour les habitués qui y retrouveront rapidement leurs marques, tout en découvrant des nouveautés bienvenues. On ne lui reprochera vraiment que son rythme particulier dû en grande partie au fait que les deux opus n’en font en réalité qu’un seul. Mais bon, difficile de dire non à un peu plus d’Ace Attorney…
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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