Entrer dans la famille SteamWorld, ce n'est pas bien compliqué : prenez un genre vidéoludique qui fonctionne, ajoutez un (petit) twist, collez-lui deux plaques de métal et des boulons, et en avant la vapeur. Après les plateformers SteamWorld Dig 1 et 2 (mais où il faut creuser), le tactical SteamWorld Heist (mais vu de profil), le jeu de cartes SteamWorld Quest : Hand of Gilgamesh (mais où… non en fait c'était juste un jeu de cartes), dites bonjour à la dernière déclinaison de la série : le jeu de gestion.
Le genre du gestion/city builder lui-même reste assez large. Plutôt que prendre le risque de réinventer la roue, le développeur The Station, supervisé par la maison-mère Thunderful, a choisi de reprendre un concept dont on est sûr qu'il fonctionne : la série des Anno. Et par "reprendre", je veux en fait dire "faire une réplique exacte sauf que les bonhommes ont des boulons".
Reproduction certifiée conforme
Franchement, j'ai eu droit à mon content de clones éhontés, et celui-là rejoint facilement le haut du panier. On pose des maisons pour robots-ouvriers le long d'une route menant à la gare centrale. On construit un marché, quelques services, des usines pour produire des biens autour d'une série d'entrepôts, tout cela dans le but de remplir des barres de contentement de nos citoyens-robots, que l'on va bientôt pouvoir faire passer dans la classe supérieure des ingénieurs, qui auront de nouvelles demandes et rempliront de nouvelles usines. Rebelote avec la classe aristobots, etc. La gnôle est à base de silice, les robots ont besoin de pièces détachées plutôt que de vêtements, mais sous cette maigre couche de peinture, c'est le même jeu, avec la même interface.
Remarquez que je ne me plains pas : j'aime bien les Anno. Et si la stratégie des SteamWorld consiste à reprendre un concept déjà fonctionnel, elle le fait toujours correctement. Tout est clair, propre, accessible. En fait, SteamWorld Build est une version allégée et parfois même mieux pensée de la série d'Ubisoft. Plus rapide, aussi, au point que j'ai découvert tardivement l'existence du bouton avance rapide (et que je ne m'en suis jamais servi). La réalisation est nickel, l'information largement suffisante — s'il fallait faire un micro-reproche, ce serait que l'intervalle temporel trop réduit des graphes les rend un peu inutiles, mais l'indicateur de consommation instantanée suffit déjà à repérer les problèmes potentiels.
On croit toujours avoir touché le fond
On l'a dit en introduction : il y a (généralement) un twist dans la copie. Dans SteamWorld Build, les matières premières qui ne se trouvent pas à la surface s'obtiennent en creusant dans une mystérieuse mine. On aurait pu craindre un moment de se retrouver avec le système des colonies de Anno 1800, mais ouf, non : avec le changement de décor, changement de gameplay.
Une fois la mine ouverte, on y dessine des salles dans les sous-sols, tout d'abord pour accueillir les différents types de travailleurs souterrains (ceux qui creusent, ceux qui ramassent, ceux qui construisent, ceux qui attaquent). Ces mineurs ne sont plus organisés dans un système de classes hiérarchiques : on est tous égaux sous terre, ou quelque chose comme ça. Il faudra aussi trouver la place d'installer divers ateliers, dont la surface détermine le nombre de machines que l'on a le droit de poser. Il ne reste plus qu'à ordonner à nos vaillants foreurs de creuser dans la terre, en récoltant tout ce qu'on trouvera, jusqu'à trouver le puits qui permettra de descendre au niveau suivant.
Car oui, la mine va ainsi courir sur plusieurs niveaux, chacun apportant de nouvelles matières premières à destination des raffineries de la surface : de la ferraille, du "ferranium", divers gaz et liquides… et évidemment de nouveaux dangers. Si vous avez déjà joué à un SteamWorld (notamment un des Dig, où l'on explore également une mine abandonnée), vous reconnaîtrez vaguement une intrigue à base d'ancienne menace robotique (électronique) enfouie et que doivent combattre les gentils robots (qui fonctionnent à vapeur, d'où le titre). Le pitch est totalement téléphoné et pas franchement passionnant, mais honnêtement, ce n'est pas très grave.
Ça me prend vapeur
N'en révélons pas trop sur les dernières surprises du late game. Le terme s'applique de toute façon assez mal ici, vu la durée totale relativement courte d'une partie : moins d'une dizaine d'heures pour voir le bout, en y allant tranquillement... ce qui n'est pas un reproche : les SteamWorld ont toujours eu le goût des petits jeux tampon, de ceux qu'on lance entre deux titres plus costauds, et ce rôle leur va très bien comme ça.
L'important, c'est que SteamWorld Build a su capturer le petit plaisir du gestionnaire vidéoludique. On passe son temps à surveiller la jauge de consommation des ressources, ajouter un petit bonus à un bâtiment ou salle souterraine, dessiner le tracé des prochaines excavations en tâchant de ne pas irriter tous les ennemis du niveau en même temps. Il y a toujours un curseur à ajuster, une petite décision à prendre, sans que l'ensemble ne soit jamais frustrant.
Tout cela est beau et bon, mais il reste un point laissé de côté jusqu'ici, et il est temps de crever l'abcès. C'est très personnel : ce concept de robots cartoon à vapeur cowboys du futur, on adhère ou non. À mon humble avis, c'était un cadre rigolo une fois, peut-être deux… mais j'ai du mal à y voir l'intérêt à long terme, d'autant qu'il n'y a (sauf erreur) aucun lien narratif entre les différents titres SteamWorld. Si ce n'est justement qu'il est devenu la marque de jeux sans grande ambition, mais propres et bien réalisés, et c'est déjà pas mal.
SteamWorld Build a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur Nintendo Switch, PlayStation 4 et 5 et Xbox One et Series.
Vous, moi, votre prof de trombone et Thomas Pesquet, nous avons tous ces crises soudaines de "tiens, je me relancerais bien une partie d'Anno 1800" qui s'effondrent généralement en réalisant que vous n'avez pas 70 heures de libre devant vous. Si vous n'êtes pas allergique à la charte graphique du MondeVapeur — et c'est tout de même un gros si — alors SteamWorld Build fournira un ersatz tout à fait honnête, parfois même mieux pensé que l'original, sur une durée raisonnable.
Les + | Les - |
- Anno est un bon jeu | - Rien de bien original |
- Réalisation impeccable | - Pas très profond, ce qui est le comble du jeu de mine |
- Le plaisir de retrouver la direction artistique des SteamWorld... | - ... Ou pas |
glau
Se perd dans des mondes ouverts, dans les rouages de sa propre usine ou dans le fracas des chars, mais trouve toujours un petit chemin de fer pour rentrer.
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