Vous avez toujours rêvé de jouer à un nouveau Sonic plus ou moins en 2D développé par le studio Arzest, absolument pas spécialisé dans ce genre de gameplay ? Non ? Ce n’est pas grave : dans une année décidément chargée en jeux de plateforme surprenants, Sega relève le gant avec ce très étrange Sonic Superstars.
Je pense que quand on évoque ce bon vieux hérisson mutant, il est toujours bon de dire d’où on parle. Personnellement, Sonic, je ne connais pas si bien que ça. J’ai pratiqué quelques jeux de la saga, j’adore les memes qui gravitent autour, et j’aime bien l’idée que cette franchise brasse globalement une quantité égale de petites pépites et d’immenses nanars vidéoludiques. J’ai donc un regard, disons, relativement extérieur au Sonicverse, s’il en existe un. Mais je sais aussi que Sonic, c’est une marque qui a une fanbase extraordinairement solide qui fait que, même nourrie avec des anchois faisandés, elle sera toujours en train de faire la queue devant le restaurant. Sonic, ça se vend. Et ça se vend particulièrement bien quand l’approche choisie par Sega est classique, voire carrément passéiste. Aussi, je pense que ce n’est pas faire offense à Sonic Superstars que de dire que ce grand exercice de ringardise vidéoludique n’est pas destiné au grand public, mais bien, avant tout, aux fans les plus acharnés du hérisson sprinteur et de ses super amis colorés.
Ridiculte
Arzest, donc, accompagné par la bonne vieille Sonic Team. Un studio habituellement cantonné à des fonctions support et à la catastrophe Balan Wonderland, catastrophe qui n’était d’ailleurs pas de leur fait, mais d’un certain repris de justice spécialisé dans ce genre d’arnaques. Arzest en charge de développer un platformer ambitieux à 50€, faisant face sur les étals à un certain Super Mario Bros. Wonder, avec l’idée centrale consistant à se poser comme un des épisodes les plus conservateurs depuis des dizaines d’années. Oubliez Sonic Mania et Sonic Generations qui avaient, eux aussi, les yeux grand tournés vers l’arrière : ici, on veut carrément vous faire revivre un ersatz de vous, enfant, assis avec du chocolat chaud et un plaid devant la Mega Drive familiale un dimanche après-midi pendant les vacances de Noël.
Sonic Superstars n’hésite pas à embrasser tout le ridicule semi-assumé de la mascotte de Sega : un scénario débile avec plein de petits animaux mignons à libérer, le grotesque Docteur Robotnik qui construit des robots hideux, Tails et Knuckles qui font les malins avec des poses de daron rappeur sur le retour, tout est là. C’est flashy, c’est kitsch, c’est toc, et tout, du level design aux bruitages en passant par les musiques, évoque un pastiche de ce que fut la série entre 1991 et 1995.
Tout au long de ses huit actes et de sa vingtaine de niveaux, Sonic Superstars vous crie « Voici exactement ce que vous avez aimé, pour le meilleur et pour le pire ». Je trouve, à titre personnel, cette démarche assez insignifiante, artistiquement stérile même, mais pas illogique. Sega est un éditeur profondément nostalgique, y compris dans ses séries les plus prestigieuses : on sait à quel point sa fortune récente a été assurée par des remasters de vieux épisodes de Like a Dragon embarquant en leur sein en guise de mini-jeux des versions émulées de Virtua Fighter et de Outrun. Le tout dans des scénarios se déroulant dans un passé mythifié du Japon des décennies passées. La nostalgie dans la nostalgie dans la nostalgie, en somme.
Il est donc parfaitement cohérent que Sega réserve une des branches des aventures de sa mascotte à un trip résolument passéiste, flattant allègrement les instincts les plus mélancoliques de sa fanbase. On lui pardonnera d’autant plus cet état de fait que parallèlement, toutes les licences de l’éditeur ont leur versant plus expérimental ou moderne : Judgment, Bayonetta Origins et Sonic Frontiers sont, eux, des marqueurs évidents de modernité. J’y mettrais cependant un bémol : Sonic Superstars n’est pas seulement un jeu passéiste. C’est aussi un jeu, par bien des aspects, médiocre.
Cynique, le Hérisson ?
Il n’est jamais simple de savoir, à la seule lumière du résultat final manette en main, ce qui a foiré dans le développement d’un jeu vidéo. En revanche, il semble assez évident que si Sonic Superstars n’est pas complètement déshonorant, il y a un fossé assez manifeste entre ce que le jeu devrait être et ce qu’il est en réalité. Manque de temps ? D’argent ? De directives ? De contrôle qualité ? Simple calcul médiocre de type « De toute façon, fignolé ou pas, ils vont passer à la caisse » ? C’est vraiment difficile à dire, mais, à mon avis, le développement de ce jeu n’a pas été une rivière de lait et de miel.
Tout ici crie à la fois au manque de vision et au manque de compréhension de ce qui fait un jeu de plateforme correct. La caméra, beaucoup trop proche de l’action, nous conduit à nous planter en permanence dans des décors et des ennemis quasiment invisibles. Un constat aggravé par le côté relativement illisible des masques de collisions : des cailloux en 3D moche cachent la vue, les ennemis ont un comportement erratique, les attaques des boss sont illisibles. On progresse néanmoins sans peine : Sonic Superstars est également un jeu sans challenge, extraordinairement facile, dans lequel on ne meurt, au fond, que parce que le level design comporte parfois des pièges et des chausse-trappes débiles qui nous renvoient quelques mètres plus tôt, au précédent checkpoint.
Jusque dans son mode multijoueur, cabossé de partout, on réalise à quel point Sonic Superstars est un jeu indigne des standards de qualité que l’on est en droit d’attendre d’un jeu vendu plein pot. Un jeu issu d’une des licences majeures du jeu vidéo, par-dessus le marché. Est-ce que des mois de développement supplémentaires, une direction plus ambitieuse, un studio mieux formé à la question auraient arrangé Sonic Superstars ? Je ne sais pas.
Il me semble que le problème est que beaucoup d’amateurs de la série y trouveront sans doute leur compte : il y a des niveaux bonus, des shitty friends, des records de vitesse à dépasser, des émeraudes du chaos, des musiques à la sonorité métallique et foraine comme au bon vieux temps. Peut-être que cela suffit amplement aux fans les plus hardcores du hérisson pour passer un bon moment. Pour ma part, j’en ressors avec l’impression une fois de plus renforcée que plus personne chez Sega n’a la moindre idée de comment faire un platformer 2D. Et je pense sincèrement qu’ils s’en moquent. Après tout, ça se vend.
Sonic Superstars a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur PC, PlayStation 4 et 5 et sur les consoles Xbox.
L’histoire du jeu vidéo a prouvé à plusieurs reprises que produire des épisodes de Sonic axés sur une vision idéalisée du passé était une manière viable de faire vivre sa licence. Dans le cas de Sonic Superstars, nous tenons un cas particulier : au conservatisme assumé s’ajoute un jeu mi-cuit, farci de bugs, souvent désagréable. À court terme, il me semble que ce n’est, au fond, qu’un jeu Sonic médiocre de plus. Une pièce dans la machine à parodies et à détournements, un peu de fuel pour remplir les articles consacrés à l’infamant Sonic Cycle. Pire : un jeu sorti il y a quelques jours, et déjà oublié dans l’océan des sorties d’octobre. Mais à plus long terme, j'ai l'impression, et c’est toujours un peu triste de le constater, que Sega continue d’écorner et d’abîmer une licence qui mérite mieux en la ravalant au simple rang de cash machine médiocre. Sonic pourrait être tellement plus qu’une blague.
Les + | Les - |
- Plaira aux nostalgiques acharnés | - C'est moche et ça rame |
- Quelques idées correctes dans le level design | - Gameplay anachronique et souvent illisible |
- Multijoueur indigent | |
- Même les points forts habituels de la série (les musiques, les boss) semblent à côté de la plaque | |
- Absence totale de challenge une fois qu'on a découvert un niveau une première fois |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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