Les Coréens de Devespresso Games nous avaient laissé en plutôt bonne et horrifique compagnie avec The Coma 2, un jeu de survie qui ne déméritait pas. Scarlet Hood and the Wicked Wood, leur nouveau jeu d’aventure, opère un changement de registre : bienvenue dans un monde de fantasy, de boucles temporelles et de rock and roll.
Bella, une jeune chanteuse au tournant de sa carrière, est confrontée à un choix cornélien. Avant même qu’elle puisse prendre sa décision, une tornade l’emporte dans un monde évoquant les contes de fées européens, fait d’elle une sorcière vêtue d’un chaperon rouge, et voilà qu’à peine quelques heures plus tard et après avoir sympathisé avec une caravane de voyageurs, elle est écrasée par un dodo géant… Qui ne sera que le point de départ d’une boucle temporelle dont elle devra se dépatouiller si elle a l’intention de s’en sortir. Sa seule solution : explorer les alentours du bois maudit où elle se trouve coincée. Bref, Scarlet Hood and the Wicked Wood est une joyeuse ratatouille de tout ce qui se fait en termes de récits classiques (on oscille entre les influences très visibles d’Alice au Pays des Merveilles, du Magicien d’Oz et des univers de Tim Burton), cuisinés à la sauce boucle temporelle, un dispositif toujours prometteur, mais souvent décevant. Ici, la recette fonctionne, mais le jeu colle un peu trop aux précédentes productions du développeur et s’empêtre dans des énigmes pas toujours palpitantes.
Debout les sorcières et haut les cœurs, c’est le jour de la marmotte
La mécanique principale de Scarlet Hood and the Wicked Wood est simple : chaque jour, vous allez devoir vous promener dans les bois pour « améliorer » votre boucle temporelle et lever un à un les obstacles qui vous empêchent de terminer la nuit suivante en vie, et donc d’espérer retourner dans votre Kentucky natal. La bonne idée du jeu est de vous doter d’un pouvoir magique qui va vous permettre de conserver un certain nombre d’éléments entre chaque boucle (objets, relations avec certains personnages clés…) et vous épargner un certain nombre de redites fastidieuses. Vous allez donc chaque jour explorer une partie différente des bois, de mieux en mieux armée face aux multiples dangers qu’ils renferment.
Néanmoins, votre exploration va évidemment être compliquée par des périls de plus en plus grands, incarnés entre autres par un Grand Méchant Loup, sorte de démon invincible qui rappelle les horreurs croisées dans The Coma, ses suites et ses remakes et plus généralement dans nombre de jeux horrifiques. Vous serez également aux prises avec divers sbires de la puissante sorcière LeFaba, pour l’essentiel des singes et des dodos parce que… Je ne sais pas pourquoi, c’est comme ça, c’est tout. Le scénario de Scarlet Hood and the Wicked Wood se laisse ainsi tout à fait suivre, ni trop long ni trop court (comptez 4 à 6 heures pour en voir le bout), et aligne un casting et une tension narrative tout à fait satisfaisants. Certes, il y a un côté un peu étrange à voir ainsi se mélanger des contes, du rock and roll et une esthétique entre les Totally Spies et un webtoon un peu trop coloré. Mais au final, la sauce prend, et on termine le jeu (ou du moins l’une de ses nombreuses fins possibles) avec le sentiment d’avoir vécu une histoire variée, rythmée, et à la courbe de difficulté bien pensée… Si on oublie de gros coups de mou dus à une mauvaise gestion des énigmes.
Exploration sous les verrous
Scarlet Hood and the Wicked Wood fait partie de ces jeux qui aiment varier les gameplays. Parfois jeu d’exploration, parfois jeu d’infiltration ou même d’adresse et d’objets cachés, il y a beaucoup de choses différentes à faire pour le joueur en fonction des phases de jeu. Mais chaque journée de la boucle sera surtout l’occasion de vous noyer sous une dizaine de nouvelles énigmes à remplir dans un ordre semi-contraint. De fait, vous allez passer une bonne partie, si ce n’est l’essentiel du jeu, à vous retrouver bloqué par des verrous fermés, des portes closes, des serrures magiques, des tangrams maudits et autres puzzles insolubles. Circuler librement dans les bois maudits doit nécessiter un trousseau de clés vraiment très volumineux.
L’exploration est donc largement conditionnée à votre capacité à décoder et comprendre des énigmes déroulées par le jeu à peu près à chaque tableau. Et si le dispositif est classique, son exécution est pour le coup un peu frustrante : le niveau de difficulté des énigmes est très inégal, la faute à des consignes parfois obscures ou contre-intuitives, et elles ont le défaut majeur d’être assez mal intégrées à la diégèse du jeu. Si on peut comprendre qu’une porte parlante sonde nos connaissances sur la faune et la flore du jeu, on voit beaucoup moins pourquoi une statue multicolore à un bout d’une forêt aurait un lien avec une mystérieuse serrure électronique à l’autre bout du monde : il se dégage de tout ça l’impression que de nombreuses énigmes ont davantage pour but de rallonger artificiellement l’expérience que d’enrichir le propos du jeu. Pire : certaines énigmes et leurs solutions étant parfois un peu éloignées les unes des autres, il m’a souvent fallu sortir du jeu pour faire des screenshots afin de ne pas avoir à tout noter sur un papier à part. On aurait aimé un journal de quête un poil plus explicite et un système in game pour stocker des indices.
On se sent donc parfois frustré par ce jeu qui propose plein de choses à faire, mais nous bloque parfois une heure face à une énigme confuse un peu sortie de nulle part. En jouant à Scarlet Hood and the Wicked Wood, je me suis souvenu que de nombreux jeux du genre offrent désormais des systèmes d’indices ou de résolution assistée ou automatisée de certaines énigmes afin de fluidifier l’expérience de ceux que ce point précis du gameplay (qui, comme je l’ai dit, a bien d’autres aspects) ne soit pas un frein à la découverte de l’aventure. Dommage que ça ne soit pas le cas ici : on en ressort avec l’impression d’un jeu trop axé sur ses seules portes à déverrouiller, ce qui fait un peu passer tout le reste à la trappe.
Passer à autre chose
Mon autre reproche à Scarlet Hood and the Wicked Wood est un peu plus lié à son studio de développement : si on peut saluer le fait que ce jeu marque un changement de ton et d’esthétique par rapport à ses productions précédentes, on ne peut pas vraiment ignorer le côté très « reskin » du jeu : mêmes mécaniques (l’horreur en moins), même mode de déplacement des personnages, mêmes menus, et dans une certaine mesure même façon de mettre en scène l’action et de penser les différentes fins possibles de l’aventure : Scarlet Hood and the Wicked Wood est un peu trop une sorte de The Coma au Pays des Merveilles pour qu’on puisse tout à fait le considérer comme un jeu original à part entière.
Si encore Devespresso capitalisait sur son expérience pour corriger quelques vilains défauts, on pourrait faire comme si de rien n’était. Mais les quelques errements de la série horrifique sont encore là : confrontations contre les monstres adverses pas très satisfaisantes, gameplay imprécis, et quelques facilités narratives dont on aurait pu se passer. Pire, on perd un peu de la tension de The Coma avec des tentatives d’humour omniprésentes… Et rarement drôles. Bref, on passe un peu du « jeu de la maturité » au « jeu de trop », et je me vois mal être ce râleur hypocrite qui invective les jeux AAA copiés les uns sur les autres sans reprocher la même chose aux productions plus modestes quand elles tombent dans l’exact même travers.
Scarlet Hood and the Wicked Wood a été testé sur PC via une clé envoyée par l’éditeur.
Somme toute, difficile de juger Scarlet Hood and the Wicked Wood sans souligner à quel point ce jeu, malgré son ton radicalement différent, est une suite spirituelle, peut-être développée un peu vite, de l’excellente série The Coma. Le décor est différent, mais on y fait sensiblement la même chose : avancer de manière un peu gauche de salle en salle à la recherche d’objets cachés et de portes à déverrouiller, poursuivi par une entité dangereuse et invincible. Devespresso Games doit impérativement revoir sa formule pour son prochain jeu qui ne pourra pas se contenter d’être une nouvelle couche de peinture sur une formule un peu usée. On a néanmoins beaucoup apprécié le voyage, et c’est le principal.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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