Premier jeu majeur du studio brésilien Orbit, Retro Machina joue la carte de la prudence dans le concept : un clone plus ou moins avoué de la formule de jeu d’action en vue isométrique de Supergiant Games (Bastion, Transistor, Hades…). Prudence dans le concept, certes, mais tout en visant l’excellence graphique : avec de superbes décors rétrofuturistes peints à la main et une esthétique post-apo très léchée, Retro Machina impressionne les pupilles… Dommage que j’écrive ces lignes après un des nombreux bugs bloquants m’empêchant de le finir.
Il arrive que des jeux, particulièrement dans leur phase d’early access, nous soient envoyés dans des états pas forcément très glorieux. Il arrive que, quelques jours après avoir sorti nos articles, nous recevions une notification de Steam indiquant que le jeu reçoit une mise à jour day one de plusieurs gigas, transformant parfois une expérience pénible en jeu à peu près jouable. Mais que voulez-vous, il faut bien faire avec ce qu’on nous donne, et hélas, la version presse de Retro Machina, si on peut espérer qu’elle soit promptement mise à jour dans les prochaines semaines, est une expérience désagréable et truffée de bugs. À tel point qu’il m’est difficile de vous livrer un avis sur ce titre : à chaque fois qu’il a fonctionné, je l’ai trouvé plaisant et même ambitieux, mais trop souvent, j’ai dû me battre contre des mécaniques mal huilées, des scripts capricieux, pour être finalement vaincu par un bug ayant définitivement bousillé ma sauvegarde (l’emplacement de sauvegarde automatique ayant été sollicité pile au moment d’un bug majeur). C’est avec l’idée que les développeurs doivent, à l’heure où j’écris ces lignes, être en train de plancher d’arrache-pied sur la réalisation d’une version plus stable que je vais essayer de vous parler de Retro Machina. Une expérience fatalement frustrante et incomplète.
Robot, après tout
Au rang des grandes réussites de Retro Machina qu’aucun vilain retour Windows ne pourra lui enlever, il y a son univers : classique mais extrêmement efficace. Dans un futur lointain où l’Humanité semble avoir disparu depuis longtemps, les villes en ruines ne sont plus peuplées que par des machines ne vivant que pour entretenir les décombres, sans but précis. Sur une chaîne de montagnes dans une ville céleste, un petit robot anonyme prend soudain conscience de son existence, et décide de partir en quête de vérité (et d’électricité), poursuivi par l’intégralité des autres machines. Le petit bonhomme descend donc dans les ruines des cités situées au sol, et va retracer l’histoire ayant mené à la fin du monde. Le tout en essayant d’échapper aux vagues de robots de plus en plus agressifs lancés à ses trousses. L’ensemble baigne dans une esthétique rétrofuturiste que ne renieraient pas les auteurs de Fallout et Wasteland : dans le futur de Retro Machina, les années 50 et l’Age de l’Atome n’ont jamais pris fin.
Concrètement, ce postulat simple et efficace est au service d’une mécanique d’exploration (les villes au sol sont de dangereux labyrinthes de ruines couvertes de rouille et de végétation sauvage), de combats simples et plaisants à prendre en main, et de puzzles pas spécialement difficiles mais souvent très malins. Ces énigmes très variées sont basées sur la capacité de notre robot à prendre possession de n’importe quel robot adverse, un peu à la manière de ce que peut faire le protagoniste d’Oddworld : l’Odyssée d’Abe. Chaque robot adverse a ainsi une capacité spéciale qui peut être utilisée pour progresser : certains peuvent bombarder des obstacles, d’autres porter de lourdes charges, nager, ou encore se faufiler dans d’étroits tunnels. On alterne ainsi exploration, puzzles et arènes de combats dans une boucle de gameplay très transparente, mais qui se laisse vivre tant les décors et les adversaires sont variés, et tant l’exploration est récompensée par des pans de scénarios qui dessinent une histoire très classique mais charmante.
Tout juste regrettera-t-on une structure parfois trop répétitive (concrètement vous allez explorer trois fois des villes pour y récupérer des cartes d’accès et des clefs pour déverrouiller la zone suivante), et un placement des points de sauvegarde et de téléportation assez médiocrement pensé qui forcent, hélas, à faire de longs allers-retours dans des décors vidés de leurs ennemis et de leurs bonus. Le jeu manque souvent cruellement de rythme, la faute à des zones parfois un peu grandes et un peu fouillis où il est difficile de retrouver le bon chemin, ou le bon ordre dans lequel effectuer les différents donjons du jeu. Bref, soyons francs : la progression est parfois un peu bordélique. Et les combats sont à l’avenant, tantôt plaisants et subtils, tantôt ennuyeux faute de variété dans les différentes arènes proposées. Des défauts assez mineurs tant on s’amuse franchement la plupart du temps. Le problème, c’est que comme je le disais, tout ceci n’est pour le moment pas assez stable pour être conseillé.
Nono_le_petit_robot.exe a cessé de fonctionner
Lors de mes deux premières heures dans le jeu, je n’ai eu quasiment aucun problème technique à déplorer, sauf peut-être quelques bizarreries en termes d’ergonomie : des robots contrôlés à distance faisant des embardées brutales, le protagoniste incapable d’envoûter un robot pourtant à proximité ou un mapping des touches relativement baroque. À vrai dire, j’ai davantage pesté sur les baisses de rythme mentionnées plus haut qu’autre chose. J’ai cependant bien noté, dès le départ, quelques retours Windows surprenants et soudains, me forçant à recommencer certaines séquences. Le généreux système de sauvegarde automatique ne rendait pas ces petits pépins très problématiques : sur le premier tiers du jeu, j’ai rarement perdu plus que quelques minutes de jeu.
Cependant, plus j’ai avancé dans le jeu (particulièrement à partir de la deuxième grande zone à explorer) et plus il m’a été difficile de ne pas voir le manque de polish technique de cette version PC : interrupteurs parfois cassés, chargements impromptus, crash du jeu toutes les demi-heures… Jusqu’à l’incident majeur : après une mort pendant un combat d’arène lors de ma neuvième heure de jeu, Retro Machina a redémarré juste au début de l’affrontement, qui devait faire tomber du ciel quatre adversaires de manière scriptée. Le jeu n’était plus capable d’en générer que deux, freezant mon personnage en attente de la fin de l’exécution du script. J’ai alors découvert que le si assidu système de sauvegarde automatique n’était complété d’aucun système de sauvegarde manuelle : en cas de sauvegarde pendant un bug majeur, vous pouvez recommencer votre run depuis le début. Afin de rendre mon article dans les délais impartis, j’ai choisi de m’en tenir à ces dix premières heures de jeu (je n’étais cependant pas bien loin de la fin, je pense).
Difficile alors de rendre un jugement éclairé sur Retro Machina : je ne sais pas exactement dans quel état la version commercialisée le 12 mai se trouve. Il est également possible, et même probable, que les versions consoles soient plus stables. C’est un bon jeu, mais la version qui nous a été envoyée n’était pas digne d’être évaluée, ce qui est un cas assez rare : souvent, les jeux tout cassés sont aussi assez médiocres. Là, ce n’est pas le cas, Retro Machina est un bon jeu qui ne sera appréciable que dans une version débarrassée de ses plus gros bugs bloquants. Avec un peu de chance, c’est déjà le cas au moment où vous lisez ces lignes. Souhaitons-le en tout cas car il mérite d’être découvert.
Retro Machina a été testé sur PC, via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur Xbox One, PS4 et Nintendo Switch
Loin d’être une révolution conceptuelle, Retro Machina propose une expérience jolie et émouvante, et fourmille de petites idées sympathiques. Mieux : il possède une des plus belles directions artistiques 2D de l’année. Néanmoins, vous aurez compris qu’avant d’en faire l’acquisition, je vous recommande très, très fortement de vérifier que la montagne de plus ou moins gros bugs qui l’accompagnent ont bel et bien été corrigés. Quel dommage.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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