Il faut que je le confesse : j’ai choisi de jouer à Resolutiion pour une bien mauvaise raison. Étant généralement mû par l’espoir d’un bon titre – ou au moins la curiosité envers un jeu éloigné de ma zone de confort – il n’y a eu ici que fascination morbide pour ce qui avait tout l’air d’un pur plagiat, fin prêt que j’étais à en découdre avec cette œuvre qui avait eu l’outrecuidance de copier sur mon très cher Hyper Light Drifter. C’est donc dans les starting blocks de la mauvaise foi et du jeu des 7 erreurs que je me suis lancé dans le titre de Monolith of Minds, 1200 synonymes de plagiat en tête pour ma critique. Bien mal m’en a pris, car la réalité est un peu plus complexe que cela, et Resolutiion, n’étant pas tant que ça une copie carbone de HDL, parvient tant bien que mal à se forger une identité propre au fil des heures. Ce qui, attention, n’en fait pas un bon jeu pour autant.
Car s’il s’éloigne plus ou moins du plagiat qu’il semblait être, reste que Resolutiion se rapproche d’un autre cas d’école du jeu vidéo : celui de l’indé débutant qui enfile les erreurs pour un résultat digne d’un collier de Fête des mères : difforme et plein de bonnes intentions. La toute petite équipe de Monolith of Minds a passé cinq (trop) longues années sur son titre, perdant au fil du temps le recul nécessaire pour identifier les idées et mécaniques nulles ou en trop et a décidé de tout caser dans le même jeu, sans tellement se rendre compte que la mayonnaise ne prenait pas. On pourrait penser que j’extrapole à partir de mon ressenti à chaud et de la durée de son développement, mais quelques minutes passées sur le forum Steam permettent de lire les développeurs répondre à tous les commentaires, se rendant peu à peu compte des dysfonctionnements du jeu et demandant conseil aux joueurs pour améliorer et équilibrer tout ça. Une démarche qui n’est pas tout à fait sans rappeler celle qu’a expérimenté Zali sur Sometimes Always Monsters et qui, si l’équipe décide de tenir compte des critiques adressées, pourrait fondamentalement modifier l’expérience de Resolutiion.
Quelques minutes manette en main maintiennent néanmoins l’illusion : Resolutiion bouge bien et vite, les combats sont instinctifs, fluides et nerveux, les ennemis ont des patterns distincts qui forcent à adopter différentes stratégies selon les zones et arènes. Étonnamment, mes premières heures dessus ont été plutôt agréables. J’ai même failli m’avancer et annoncer être face à un bon jeu. C’était sans compter ce fameux enfilage de perles d’idées nazes, d’erreurs de débutants et de mécaniques flinguées, qui rendent Resolutiion un peu plus pénible à jouer d’heure en heure. Finalement, on va pouvoir se le faire, ce jeu des 7 erreurs.
1 – Quand même, c’est vraiment abusé comment ça ressemble à Hyper Light Drifter
Peut-être avez-vous oublié – ou pas joué à – Hyper Light Drifter, mais pour vous donner une idée, je vous remets le trailer – dont celui de Resolutiion va jusqu’à en reprendre la structure, certes peu originale, mais qui accentue ce terrible sentiment de déjà-vu. Au-delà des deux directions artistiques très très proches, avec ces paysages post-apocalyptiques, parsemés de vestiges de la guerre, d’énigmatiques cadavres de géants et de capsules high-tech contenant de tout aussi énigmatiques silhouettes – l’ensemble baignant allégrement dans une esthétique pixelisée et très colorée – on retrouve des sprites d’ennemis et d’environnements vraiment trop proches pour être tout à fait honnêtes, et des patterns de combat tout de même très similaires.
J’ai relancé une énième fois le jeu de Heart Machine pour en avoir le cœur net et le verdict est sans appel, certains ennemis de Resolutiion bougent de façon quasi-similaire et ne sont qu’un vague re-skin. Les développeurs s’en défendent bien évidemment, ne cachant cependant pas l’inspiration HDL, mais insistent quant aux différences entre les deux titres, ainsi qu’une inspiration lorgnant également du côté de Sword & Sworcery. Tout ceci est vrai, malheureusement j’ai une mauvaise nouvelle : quand Resolutiion s’éloigne de ses inspirations, le résultat est d’assez mauvais goût, entre ses ballons de baudruche avec des dents, ses ennemis jaune pétant à l’apparence dramatiquement phallique, ses tags un peu moches et sa mer de chair répugnante. Et quand bien même Resolutiion est effectivement différent de Hyper Light Drifter, la communication autour s’est bien plus axée autour de leurs similitudes que de ce qui les démarquait, une stratégie marketing plutôt discutable.
2 – Ça suffit les scénarios de cervocosmik
Là où Resolutiion s’éloigne définitivement de son grand frère non-consenti, c’est dans son scénario et sa narration. HDL la bouclait, affichant les rares dialogues et écrits dans un alphabet fictif et – en apparence – indéchiffrable, apportant ainsi très peu de clefs de lecture par ce biais et se basant bien plus sur la sacro-sainte narration environnementale. Et même si c’est une bonne chose que Monolith of Minds cesse de copier sur son voisin, j’aurais drôlement apprécié que Resolutiion la boucle aussi. Étant fortement amateur de productions aux histoires et dialogues opaques, tant cinématographiques – Donnie Darko ou Under the Silver Lake font aisément partie de mes films de chevet – que vidéoludiques – je commence doucement à me prendre d’affection pour les productions FromSoftware – je n’aurais a priori pas été hostile à ce scénario incompréhensible à base de berceaux, de rêveurs, d’assassins, d’internet, de réalité alternative, d’empire unique et de terroristes, où les gentils ne sont pas si gentils et les méchants pas si méchants.
Le souci dans tout ça, c’est que Resolutiion se la pète, mais alors vraiment fort. Les dialogues alternent entre philosophie-pouet-pouet, anti-système 101, cynisme, humour tantôt absurde, tantôt pipi-caca-zizi et semblent à la fois mépriser le joueur et se moquer de lui, en lui faisant constamment remarquer qu’il est le plus malin des deux. Un ton assez détestable et premier degré – même si quelques blagues font mouche, la première fois du moins, car Monolith of Minds sont si fiers de leurs vannes qu’ils ont tendance à les répéter – qui se retrouve jusque dans la note d’intention, expliquant d’avance le fonctionnement de son histoire au cas où nous soyons tous trop bêtes pour comprendre que l’univers n’est pas si manichéen qu’il n’y paraît, et ce jusque dans la description de sa bande-son badassemotional cyberpunk. URG. Vas-y, parle-moi mieux Resolutiion.
3 – Cette carte et ce voyage rapide, c’est une mauvaise blague ?
Une image valant parfois mieux qu’un long discours, mesdames et messieurs, la carte de Resolutiion :
C’est plutôt clair au début, puis apparaissent les étages des bâtiments qui s’empilent sur le même plan, les objets à trouver parfois indiqués, parfois non, absolument aucune indication quant aux passages bloqués : en plus d’être très vite fouillis, la carte induit régulièrement en erreur et rend le backtracking – pourtant assez indispensable et encouragé – franchement laborieux. Heureusement qu’il y a un voyage rapide ! Ah non.
Les développeurs l’ont reconnu – ou du moins, ont soulevé l’idée que peut-êêêêtre -, le fast-travel arrive vraiment très tard dans un jeu à la carte si grande et au besoin d’exploration si fort. Sans backtracking, il est littéralement impossible d’améliorer son personnage (c’est ce que j’ai fait, par flemme de tout refaire à pied, ça a rendu quelques passages un peu tendus, mais honnêtement je n’ai vraiment bloqué à aucun moment), Monolith of Minds avait ainsi en tête qu’après chaque nouvel objet ramassé, le joueur retourne dans les zones précédentes pour explorer. Alors oui, certes, mais le voyage rapide se débloque… à la dernière zone, juste avant le combat final. Ça ne m’a pas tant empêché de progresser que ça, mais à lire les développeurs, la location de cet objet est en opposition totale avec leurs intentions, ce qui fait assez tiquer en termes de game design.
Un aspect qui pourrait être pardonné, si le fonctionnement du voyage rapide lui-même n’était pas lui aussi complètement pété. Dans, disons, quasiment tous les jeux, le voyage rapide consiste à sélectionner un point sur la carte, puis s’y téléporter après un – plus ou moins court – écran de chargement. Certains, comme Darksiders, font leurs intéressants en créant de courts niveaux modélisant le voyage rapide, l’architecture changeant selon la destination sélectionnée, et dans lesquels les développeurs avaient astucieusement caché des collectibles. Resolutiion utilise un mécanisme assez similaire, en nous faisant parcourir des tunnels reliant plusieurs points de la carte… en rendant la carte inaccessible pendant ce déplacement. On avance ainsi à l’aveugle, en espérant ressortir au bon endroit – ce qui n’est généralement pas le cas, obligeant à se farcir de nouveau l’animation de voyage rapide et un déplacement supplémentaire dans ces tunnels de chie, croisant les doigts pour que celle-ci soit la bonne. Pensez que je pinaille si vous voulez, mais à ce stade, Resolutiion était déjà incroyablement pénible à jouer, j’avais vraiment pas besoin de ça par-dessus.
4 – C’est louable de vouloir faire de l’anti-Dark Souls, mais ça ne marche pas du tout
Pénible car la gestion des ennemis, du respawn et des raccourcis semble, au mieux buguée, au pire complétement stupide et probablement décidée au hasard. Je parle d’anti-Dark Souls, car Resolutiion fonctionne quasiment à l’inverse d’un jeu de FromSoftware. Comme dans un Souls-Like, il faut activer un point de sauvegarde, auquel on retournera à chaque mort. Contrairement à un Souls-Like, réapparaître à ce point ne fera pas revenir les ennemis. Vous pouvez ainsi abattre une partie des adversaires d’une arène, mourir, retraverser toute la carte vidée de ses occupants, buter encore quelques monstres dans l’arène, mourir de nouveau, et répéter ad nauseam jusqu’au nettoyage complet de l’arène. La mort du fun, de la difficulté et du rythme, puisque vous ne bloquerez jamais face à un combat, vous allez seulement faire bien trop de fois le même trajet pour le faire petit à petit s’il s’avère trop difficile pour vous ou les stats de votre personnage.
En revanche, si vous coupez le jeu et le relancez, tous les ennemis – boss exceptés – seront revenus et il vous faudra parfois vous retaper des arènes entières si vous avez eu le malheur de faire une pause en cours de zone. Et vous savez ce qui disparaît quand on relance le jeu ? Les raccourcis ! Encore une fois, contrairement à un Souls-Like, débloquer un raccourci n’est jamais définitif. Vous pouvez faire le grand tour, détruire une barricade afin de débloquer le chemin court – qui sur le coup ne vous sert à rien puisque vous comptez avancer – mais si vous y revenez plus tard dans le jeu, vous aurez la mauvaise surprise de retrouver cette fichue barricade intacte, de devoir refaire tout le tour et vous rebastonner avec tous les ennemis. Dans un jeu encourageant le backtracking donc, brillant. Je n’ai toujours pas trouvé s’il s’agissait de la pire idée de game design jamais eue, d’un bug malheureux ou de l’incapacité du studio à coder cet aspect correctement, mais une chose est certaine : j’ai rapidement été très fatigué par Resolutiion.
5 – Mettre des boss si on a zéro idées, c’est pas obligatoire
Le scénario de Resolutiion exige des boss, son genre extrêmement codifié aussi et l’artiste derrière le jeu avait visiblement des idées de design pour ce genre d’adversaires – après, sont-elles bonnes, euh, bon -, mais les concepteurs n’avaient semblerait-il que peu d’inspiration pour ces combats. Hormis l’affrontement final – qui utilise, je dois l’admettre, les objets ramassés en cours de jeu de façon assez maline – les boss, heureusement peu nombreux, font preuve d’une fainéantise assez légendaire, en présentant beaucoup trop de phases avec vraiment trop peu de patterns, pour des ennemis avec vraiment beaucoup de vie, ce qui donne des combats relativement difficiles, longs et terriblement ennuyeux. Mention spéciale à Dieu, deuxième boss du jeu, qui se résume à l’enchainement de deux patterns particulièrement punitifs (cimer le bullet hell) sur pas moins de SIX PHASES. À ce stade du jeu, j’aurais pu avoir juste un peu plus de vie, ce qui aurait rendu le combat moins tendu, mais son intérêt n’aurait pu être décuplé par aucun artifice du jeu.
6 – Plein d’objets non plus
Alors, attention, par « plein », je veux dire neuf objets à récupérer dans le jeu, et qui permettent d’ouvrir de nouvelles zones et de débloquer les améliorations cachées dans les anciennes. Sauf que ces armes ou pièces d’équipement n’ont pour la plupart qu’une utilité vraiment très limitée, voire inexistante pour l’une d’entre elles, et l’on se retrouve à n’utiliser que le fusil et le sprint durant quasiment tout le jeu, changeant très occasionnellement d’équipement pour ouvrir une porte ou faire péter une barricade. Et puisque tout Resolutiion n’est qu’un empilement sans fin de contrariétés, cet aspect réussi également à être un peu bancal, en assignant tous les objets à la même touche-mais-pas-tout-à-fait-des-fois-on-fait-des-blagues. Je me suis donc retrouvé à me jeter une mine dessus ou au contraire ne pas tirer avec mon fusil, car parfois il faut appuyer sur X en plus de la gâchette, parfois non, sans vraiment trop de logique, mais écoutez, au point où on en est. Et puisqu’il fallait une dernière cerise sur le gâteau au caca : toutes les compétences utilisent la même minuscule barre d’endurance, que ce soit pour tirer, courir ou se protéger. Car je crois que ce jeu n’est qu’un gros amas d’idées balancées en brainstorming sans jamais avoir été testées.
7 – Le post-game, c’est pas censé être une punition
Au bout d’une dizaine d’heures, j’ai enfin buté le boss final, ouf, j’allais pouvoir passer à autre chose. Par acquit de conscience, je suis quand même vaguement parti à la recherche des quelques améliorations qui semblaient me manquer, quand soudain, grands dieux, un post-game. Passé le boss final, vous accédez au dernier objet, qui globalement va vous faire reparcourir toute la carte, à la recherche de nouveaux trucs, fera apparaître de nouveaux ennemis relous et vous fera vous battre de nouveau contre les boss nuls qui vous avaient déjà ennuyé la première fois, mais cette fois-ci avec des énigmes cryptiques avant. Le tout s’empilant bien sûr par-dessus toutes les mécaniques flinguées décrites plus haut, du fast-travel nul aux raccourcis disparus, en passant par l’impossibilité de courir en continu – et donc de devoir se traîner de zone en zone. Je vais devoir me confesser une seconde fois : ma déontologie n’est pas à toute épreuve et cette ultime pirouette pathétique de la part de Resolutiion en a eu raison. Offrir de la rejouabilité à son titre, ainsi qu’une durée de vie – entre gros guillemets – acceptable est souvent un défi – peu pertinent et généralement artificiel, si l’on demande mon avis – sur lequel bien des titres se cassent les dents, et de la collectionnite aigüe au new game + inutile, les exemples sont légions. Monolith of Minds n’a pas fait beaucoup mieux sur ce point. Mais à ce stade, qui en est vraiment surpris ?
Resolutiion a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Malgré le ton résolument prétentieux et globalement détestable de Resolutiion, je ne peux m’empêcher d’éprouver de la pitié et un zeste de sympathie pour Monolith of Minds, qui – s’ils ne se prennent pas pour n’importe qui -, semblent au moins sincères dans leur volonté de proposer la fable cyberpunk sombre, politique et complexe qu’ils décrivent, bien au-delà du simple plagiat d’Hyper Light Drifter auquel on aurait pu s’arrêter. Reste que les différentes idées et mécaniques sur lesquelles il repose sont toutes plus ratées les unes que les autres, éclipsant sans pitié les maigres qualités dont il est pourvu. Pour un aspect réussi, Resolutiion en empile quatre ratés par-dessus, tout en étant persuadé non seulement de bien faire, mais d’être beaucoup plus malin que vous. Et j’ai suffisamment joué à Patatras avec ma vaisselle pour avoir appris une chose : quand on empile trop de trucs, ça s’écroule.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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