Jusque là disponible sur les appareils Apple, notamment à travers l’Apple Arcade, Over the Alps, des développeurs londoniens Stave Studios, débarque dès le 31 mars sur Steam, permettant aux joueurs PC de découvrir son histoire d’espionnage dévoilée au fur et à mesure sur des cartes postales, se passant juste quelques jours avant le début effectif de la Seconde Guerre mondiale.
Vous y incarnez un agent secret britannique, dont le seul nom permettrait à n’importe qui de deviner sa profession en un instant : Smith. Smith donc, envoyé par Contrôle en Suisse le 29 août 1939 pour une mission dont il ne sait rien, pas même la description ou le nom de son contact, et qui se retrouve embarqué dans une histoire abracadabrante à base de jeune fille italienne enlevée, de médecin autrichien naïf, de papa poule encombrant et d’allemande incroyablement déterminée, tout cela quelques jours avant l’invasion de la Pologne par les forces allemandes.
Un décor de carte postale
Mais pour une fois, avant de parler de la narration ou même de système de jeu, parlons de la musique et des graphismes, grands oubliés de la critique de jeu vidéo. Car malgré toutes ses autres qualités, ce qui fait en majorité l’ambiance du titre, c’est sa bande-son et sa direction artistique et ce, dès le menu principal. Le compositeur, Andy Huckvale, décrit ses inspirations principales sur son site personnel comme étant le Swing des années 40, les techniques de compositions musicales des feuilletons ainsi que l’utilisation d’instruments traditionnels suisses. Toutes ces belles inspirations finissent par donner une BO convaincante, nous mettant dès les premières secondes dans une ambiance de film d’espionnage vintage.
Mais il n’y a pas que sa qualité qui sert le jeu, il y a aussi son utilisation, où une musique plus pêchue succédera à des sons d’ambiance pour souligner une scène d’action, ou encore l’utilisation de sons plus traditionnellement suisses, comme le yodel, pour accompagner l’arrivée dans une ville ou l’arrivée en plein festival folklorique. Comme souligné précédemment, la direction artistique, inspirée par The Grand Budapest Hotel et les cartes postales vintages, complète la musique pour poser le ton du jeu, dans le cadre idyllique des Alpes Suisses, aux couleurs contrastantes et saturées et à l’aspect presque cartoon, et permet de donner un ton presque plus léger à un jeu parlant de trahison, d’espionnage et de fascisme.
Cependant, il n’est pas non plus question d’ignorer le reste, puisque Over the Alps se donne le luxe de réaliser un presque sans-faute sur tous les aspects. Il faut dire que pour le côté narratif, Stave Studios a été bien entouré : Jon Ingold, le co-directeur du studio Inkle, connu pour 80 Days et Heaven’s Vault, a participé au projet, ainsi que Katharine Neil, qui a officié comme narratif designer sur Astrologaster. Ajoutez à ça un casting de personnages dignes du sujet, la femme fatale antagoniste, la jeune fille presque innocente qui en sait bien plus qu’elle ne le laisse paraître, l’agent secret dévoué mais un peu perdu sur le sens véritable de sa mission, et deux hommes chacun liés à l’une des deux femmes mais sans utilité aucune à part celui de poids mort et vous avez là le mélange parfait.
Le système de jeu se démarque également, avec un principe de cartes postales envoyées à l’ami du protagoniste, où il s’agira de choisir quoi lui raconter, tout en faisant attention aux timbres utilisés qui correspondent à un trait de caractère qui définira l’attitude de notre personnage et la façon dont les autres le perçoivent. Et attention à qui vous parlez et à ce que vous dites : vous êtes sur le radar de la police suisse et il faut éviter au maximum de vous faire rattraper par celle-ci. Que ce soit dans vos discussions en ville ou dans les moyens de déplacement choisis sur la carte du jeu, vous pouvez aussi bien laisser des distractions qui feront en sorte que la police perde votre trace, que des traces de pas qui les mettront plus facilement sur votre piste. Si s’épancher auprès de la bonne personne sur votre destination et votre vie, inventées, pourra parfois tourner à votre avantage, en faire trop peut, au contraire, mettre beaucoup plus facilement la puce à l’oreille de vos poursuivants. Et selon vos choix et votre caractère, des options s’ouvriront et se fermeront à chaque partie, qui ne durent pas plus de 1h30, ce qui permet une certaine rejouabilité, même si les grands points de l’histoire semblent toujours être les mêmes. Mais comme on dit, l’important c’est le voyage, pas la destination.
La Seconde Guerre mondiale dans les jeux vidéos : le cas Over the Alps
La Seconde Guerre mondiale, depuis quelques années, est un sujet de prédilection dans nos jeux vidéo. Que ce soit de façon cynique, à la façon d’un EA qui essaie de renouer avec ses années de gloire d’une franchise qui dure depuis trop longtemps tout en essayant de ne pas froisser la partie nazillons de son public, ou éducative, comme Attentat 1942, ou encore plus personnelle, comme Brukel, la période a le vent en poupe et pour des raisons évidentes. On ne cesse de ressasser que l’histoire est vouée à se répéter, tout en vivant dans un monde où des idées que l’on pensait éteintes renaissent chaque jour dans chaque coin du globe, aidées par la mondialisation et les bots Twitter. Il n’est pas donc pas étonnant que le jeu vidéo, notamment indépendant, s’empare du sujet et décide de se réapproprier cette période, propice à la critique à peine voilée du monde actuel, tout en gardant une distance respectable.
Over the Alps est un cas particulier, que je ne peux classer dans aucune des catégories précédentes. Il ne se passe d’ailleurs pas vraiment pendant la Seconde Guerre mondiale, juste quelques jours avant, même si l’ambiance est déjà clairement à la guerre. Bien entendu, le titre ne s’empêche pas quelques piques hostiles envers les fascistes, et jouer sur cette corde sensible pour convaincre certaines personnes de vous donner des informations sera essentiel, mais si vous vous attendiez à quelque chose d’incroyablement historique ou d’informatif, ce ne sera pas le cas ici. Est-ce un mal ? Non. Ici, on se sert de la Seconde Guerre mondiale pour placer le titre dans une époque, une ambiance, une esthétique, ainsi qu’un lieu trop peu souvent utilisé. Ca donne une antagoniste évidente, tout en restant intéressante, et un peu de profondeur à notre « jeune fille en détresse », italienne et partagée entre ses idées politiques et un père incroyablement naïf qui semble peu comprendre le mal qui commence à ronger son pays, et qui la conduit dans une situation périlleuse.
Si l’on est loin de l’héroïsme et du désespoir des histoires de résistants ou de l’horreur crue des histoires de survivants, Over the Alps reste très respectueux dans son propos et nous livre ici une histoire d’espionnage saisissante, dans un contexte idéal pour la raconter.
Over the Alps a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Over the Alps est une très bonne surprise que j’avais déjà repéré lors de sa sortie sur Apple Arcade. On ne nous avait pas menti : un bon petit jeu narratif, avec des interactions certes minimales mais suffisante pour dérouler ce récit d’espionnage, de faux-semblant, d’amour et d’amitié. Chaque élément est parfaitement à sa place et que ce soit avec la musique, le décor ou l’écriture, pendant le court moment que dure une partie, nous sommes transportés dans les Alpes Suisses, à manigancer contre les fascistes, sans oublier tout de même de jeter un coup d’oeil à ce décor idyllique.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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