Spearhead Games propose Omensight, un jeu d’aventure et d’enquête rythmé. Il est disponible sur PS4 et Steam depuis le 15 mai. Il s’agit d’incarner la Messagère, un être muet particulier, qui intervient toujours pour empêcher l’apocalypse pile le dernier jour du monde, et revit en boucle ce jour pour trouver une autre issue.
Cette fois-ci, la Messagère arrive en pleine bataille entre l’Empire et les Rebelles, a le temps de récolter une âme qui semble importante dans le déroulé des événements, et voilà le serpent Voden qui sort de sa prison pour dévorer le monde, Uralia. La Messagère est sauvée grâce à la Sorcière, la gardienne de l’Arbre de Vie, qui la tp auprès d’elle. Cette dernière la charge d’enquêter sur la mort de la Prêtresse Sans Dieu, puisque sa vie devait à elle seule garantir l’intégrité de la prison éternelle de Voden. La Messagère n’a que cette journée pour comprendre ce qui s’est passé, en envoyant des souvenirs télépathiques qu’elle obtient au fur et à mesure, aux personnages qui ont joué un rôle dans la disparition de la Prêtresse (d’ailleurs, prenez note : un fragment d’information ne donne jamais qu’un aperçu d’un moment T. La réalité est toujours plus complexe). Cela fait visiter plusieurs fois les mêmes lieux, mais sous des angles différents, les protagonistes étant influencés par les images mentales révélées par la Messagère et ayant leurs propres habitudes dans les lieux visités selon l’urgence du moment. Les décors varient également en fonction de l’heure (jour, nuit, avant la bataille, après la bataille…) mais aussi en fonction de l’avancée de l’enquête (je n’en dis pas plus). C’est pas mal pensé. Mais ce n’est pas le seul argument qui démontre qu’Omensight est pas loin d’être un excellent jeu.
Un jeu de genre qui sait détourner les clichés
Il y a toujours des repères à garder quand on écrit un scénario dans un univers médiéval-fantastique, pour ne pas trop perdre le joueur ou la joueuse. Si on écrit un truc sur les zombies, il faut des zombies et des survivants, par exemple. Après, il y a les zombies rapides, lents, à cause d’un virus, à cause d’un champignon, etc. C’est ce qu’on attend.
En heroic fantasy, c’est pareil. Il y a les empereurs, les rois, les reines, quasiment tous dirigeants héréditaires, et en face, les rebelles, les monstres, et au loin, la fin du monde. Le plus souvent dans les jeux vidéo, on a aussi un héros qui a perdu la mémoire et qui doit sauver le monde. On a tout ça dans Omensight, mais sous un angle différent à chaque fois, et avec beaucoup d’humour. C’est rafraîchissant.
Par exemple, on évolue dans un monde d’héroïc fantasy MAIS les personnages sont des animaux personnifiés. De fait, le sempiternel racisme latent du monde médiéval-fantastique de Blancs est écarté. Ça fait du bien. De même, le héro muet et amnésique existe MAIS c’est un personnage féminin. On évite le problème du sexisme inconscient de 80% RPG, où il faut incarner un homme qui va sauver le monde. Perso, j’en ai ma claque : je ne veux plus devoir m’identifier à un homme et à un corps d’homme quand je joue aux jeux vidéo. Je veux de la femme badass pas à poil qui fasse le taf, et ici, je l’ai. Cool.
Et puis il y a le fameux principe de dirigeants héréditaires… (genre, y a que le sang qui transmet les compétences. Oui, je sais, à l’époque médiévale, c’était comme ça. On peut aussi éviter de toujours ressasser les mêmes imaginaires pourris) CONTREBALANCÉ par cette touchante histoire de liens fraternels forts entre deux êtres de sang différent ! Regardez la pop culture, vous verrez que c’est plutôt rare de voir des histoires où tout ne vient pas du sang (« ton père/ta mère était comme ça, donc tu es comme ça parce que son sang coule dans tes veines » blablabla, ben non ! Ça peut simplement être à cause du bain culturel avant d’être génétique. Ça suffit de croire en la magie du sang).
Enfin, c’est un jeu d’action MAIS avec une intrigue politique à la Game of Thrones, pleine de complots à l’intérieur de complots. On ne fait pas que détruire de la faïence à l’effigie d’un singe pour obtenir de la vie, et dézinguer des pixels pour le zizir. Il faut suivre l’intrigue parce qu’elle a un rôle important.
Il y a d’autres clichés détournés, mais j’ai décidé de ne pas trop spoiler.
Une symbolique réfléchie
Plusieurs lectures du monde d’Omensight sont possibles. Il y a d’abord la mythologie, visible autant dans le scénario que dans les jolis décors. C’est un mélange de mythes scandinaves (Voden = Odin chez les Celtes, l’Arbre de Vie = Yggdrasil, le serpent destructeur = Jörmungand), asiatiques (Yarbog = le Roi des Singes ou les Singes du Jingoro, j’ai pas trop réussi à trancher), et slaves. Cette dernière influence se situe principalement dans les noms des personnages : Indrik veut dire Licorne en russe, Ludomir signifierait « personne de paix, glorieuse »… D’autres références ont dû m’échapper.
Et puis, il y a aussi la symbolique des animaux : un aigle impérial, un serpent apocalyptique, un phénix, une chouette, une féline, un sanglier, une rate, un ours… Hormis le serpent et la rate, tous les autres renvoient à une certaine noblesse. Il est d’ailleurs intéressant de constater *spoiler* la similitude du sort des deux indésirables symboliques.
Tout ça mis bout à bout, il ressort d’Omensight une vision, un message : il faut tendre vers la paix (et pour cela « Parfois, seule la violence peut aider à acquérir la confiance de quelqu’un » parait-il), parce que le ver est dans le fruit. Évitons de nous entre-tuer tout le temps.
Yarbog l’avait compris, et avait prévu le coup en mettant dans le monde le joker Messagère. Le Chaos, Voden, étant immortel, il finit toujours par réapparaitre et menacer la Vie, Yarbog. Bien entendu, sans le Chaos, la Vie n’est pas, et inversement. Le Yin est dans le Yang, et vice versa. Interdépendants, ils ne peuvent pas s’anéantir, au risque de se suicider. Toute la sagesse des êtres vivants réside dans la recherche de l’équilibre.
Omensight a des qualités, mais aussi des défauts
Omensight bénéficie d’un excellent doublage avec des voix connues : Julian Casey pour Indrik (narrateur dans le premier jeu de Spearhead Games, Stories : The Hidden Path, et acteur dans le film Premier contact), Lateef Martin pour Ludomir, Leda Davis pour Ratika (qui n’est personne d’autre que la voix anglaise de Bulma), et Patricia Summersett pour la Sorcière et Draga (notamment la voix anglaise de Zelda dans le dernier opus, et dans d’autres jeux Ubisoft). Leurs performances aspirent direct le joueur ou la joueuse dans l’univers, de même que les musiques qui soutiennent bien l’action et le déroulé de l’histoire.
Mais il y a deux pierres d’achoppements, quand même, qui empêchent que ça soit un jeu génial : la traduction française et la caméra. La première devient vraiment dommageable pour l’immersion quand on commence à récolter assez de souvenirs. Le style n’est pas bon, il crée une dissonance avec la beauté et le soin apporté au jeu. C’est dommage.
La seconde… énerve prodigieusement par moment. Elle ne permet pas de bien évaluer la distance, et elle finit par provoquer des morts pénibles, que ce soit en sautant à côté des plate-formes, ou quand les combats se situent sur des zones assez rétrécies. Mais le défaut n’est pas insurmontable, malgré tout. C’est simplement perfectible. Les combats restent faciles et dynamiques (peut-être un peu brouillons) jusqu’aux boss, à part à ces quelques rares moments chiants. On hurle un ou deux bons coups, et ça finit par passer crème.
Omensight se termine en une bonne dizaine d’heures : c’est juste ce qu’il faut. Pour moi, la qualité et la quantité d’heures de jeu justifient le prix entre 15 et 25 euros, même si 25, c’est limite. Les graphisme sont beaux, les combats dynamiques, le scénario se tient (merci Nadim Boukhira et Genese David, Chris Avellone et Elise Trinh), avec cette capacité à éviter les écueils classiques de la fantasy. L’enquête ajoute une dimension vraiment intéressante dans l’exploration des lieux. Elle limite aussi le caractère ennuyeux de la répétition de la boucle temporelle et du hack-and-slash. Donc, si vous aimez les jeux d’action et d’aventure de qualité pas trop longs, bah, vous pouvez foncer.
bob thebob
Mes parents ont trouvé ça drôle de m’appeler Bob, notre nom de famille étant Thebob. Ça vous en bouche un coin ? Moi pas. Pour une raison simple : je n'en ai pas, de coin. Du coup, même si je
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