Vous pensez que le monde du jeu vidéo va plutôt mal dans son ensemble ? Ayez tout de même une petite pensée pour Capcom, une entreprise qui arrive à écouler day one huit millions d'exemplaires d'un jeu de chasse aux dinosaures. Une performance d'autant plus remarquable que ce Monster Hunter Wilds arrive avec une proposition assez clivante.
Toutes les rétrospectives sur la série Monster Hunter tendent à se ressembler un peu (sauf exception) : il était une fois une série hardcore, limite injouable, dans laquelle on tuait des monstres géants et des dinos pour looter des bidules et devenir plus fort pour tuer encore plus de monstres. Un gameplay âpre, des mécaniques éprouvantes, un univers assez moche, mais un public fidèle toujours prêt à remettre le couvert. Et puis, en 2018, enfin, l'épisode grand public. Plus simple, plus lisible, mais qui savait ne pas perdre son âme au passage. Un épisode suivi d'un autre, encore plus accessible et tout aussi fun. Et hop, voilà que la série a dépassé les cent millions d'exemplaires écoulés, pavant la voie à cette itération estampillée Wilds qui aurait en toute logique dû suivre la même ligne. Sauf que les équipes de Capcom n'ont pas été exactement là où on les attendait. Car avant d'être un grand jeu en monde ouvert de grind, de loot et de chasse au dahu, Monster Hunter Wilds est un RPG d'action particulièrement directif.
Monster Rail Shooter
Attention, ne fuyez pas si vous êtes un inconditionnel farouche de la saga avec les t-shirts sales et la barbe de cou qui vont avec. Oui, Wilds vous propose l'habituel océan répétitif de traque aux gros trucs quasi invincibles à bousiller en boucle seul ou avec des potes pour arracher des bouts d'organes afin de fabriquer des armes et des armures plus dangereuses. C'est là, avec un gros contenu, et ça ne manquera pas d'absorber vos nuits et votre stock de café froid. Et tout ceci sera enrichi pendant des mois et des années à coups d'événements spéciaux, puis de gros DLC, et enfin de version ultimate 16K 240fps. Mais bien davantage que dans tout ce que la série a proposé jusque-là, ce moment de liberté infinie d'aller tuer des trucs dans des grandes maps sauvages est précédé d'une sorte de JRPG-tutoriel beaucoup plus resserré. Lequel a toujours été plus ou moins présent dans la série. Mais il n'a jamais duré 25 heures, ni ne vous a offert si peu de marge de manœuvre. Si vous avez la phrase "un Monster Hunter ne commence qu'après le générique de fin" tatouée sur la fesse gauche, alors vous n'êtes pas près de commencer cet épisode.
Il faut en effet quand même le savoir avant de s'y lancer : Monster Hunter Wilds, c'est avant tout une très grosse campagne, impossible à zapper, qui ne vous lâchera jamais la grappe et vous imposera de suivre son histoire à la lettre du début à la fin. Et quand je dis suivre, je le dis assez littéralement : pendant l'essentiel des six gros chapitres de l'aventure, on va vous demander de monter sur des genres d'autruches et vous faire suivre des trucs. Des gens. Des traits de lumière par terre. Des odeurs. Des machins à l'horizon. Des monstres en train de s'enfuir. Des troupeaux de bidules enragés. Essayez de vous écarter de la piste, et un de vos compagnons PNJ va immédiatement vous gueuler dessus pour que vous reveniez. Il y a même un bouton "trajet automatique" qui colle directement votre bestiau sur des rails. Les seuls moments de liberté sont consacrés à refaire de manière optionnelle des chasses déjà accomplies pour grappiller un tout petit peu de matériel en rab. Parce que oui, tout de même, au milieu de ces moments de promenade en dada préhistorique, il y a des combats, destinés à vous présenter la grande variété du bestiaire local.

Il en résulte l'impression étrange de se trouver pendant des dizaines d'heures dans une sorte de boss rush mâtiné d'un safari touristique. On tue un truc : retour à la base, et on apprend qu'il faut se rendre ailleurs. En chemin, on découvre de nouvelles plantes, on nous fait regarder (de gré ou de force) de superbes panoramas. Très exceptionnellement, on nous laisse descendre pour ramasser tel ou tel artefact au sol pour accomplir un objectif facultatif. Plus rarement encore, faire une petite fetch quest pour un villageois. Et puis voilà, on arrive à la tanière de la nouvelle bestiole, annoncée par une cinématique spectaculaire, on la tue, et on recommence tout le bazar. Monster Hunter Wilds frise, par moments, le rail shooter. Et je sais que cela lui a été éminemment reproché. En bon avocat de la défense, je voudrais me poser en défenseur de cette approche.
L'épopée de rathalosers magnifiques
Le pari effectué par Capcom pour cet épisode est de faire deux jeux presque à part entière, et ce de manière beaucoup plus nette que dans les volets précédents : le RPG d'action scénarisé, et le sandbox grindy qui débute après les crédits de fin. C'est un sacré pari, qui a pour but assez évident de proposer, enfin, et sans doute pour la première fois, un onboarding correct aux nouveaux venus.

Car oui, même si la saga s'est engagée sur la voie d'une grande simplification de ses mécaniques depuis une dizaine d'années, débarquer dans un nouveau Monster Hunter, c'était encore assez rude. Se prendre un mur frontal de trucs à comprendre balancés d'entrée et sans vous laisser le temps de digérer, c'est désormais du passé, bien davantage que dans World et Rise. Wilds va plutôt prendre le parti de vous guider petit à petit, en ne dévoilant les mécaniques qu'une à une, en distillant les monstres avec parcimonie, et surtout, en vous racontant quelque chose. Du moins en essayant de vous raconter quelque chose.
Non pas que la série n'ait jamais proposé de véritable scénario ou d'univers construit et cohérent, mais sans doute jamais à ce point. Dans ce volet, il y a des dizaines de personnages, des peuplades entières à découvrir, des scènes d'action spectaculaires, des retournements de scénario, une véritable progression dans le côté épique de l'intrigue. Bref, c'est un RPG narratif digne de ce nom, et mettant à profit un univers immense, des variations météo, une faune et une flore dynamiques, et un sacré sens de la mise en scène. Pour tout vous dire, c'est sans doute la première fois que j'en ai quoi que ce soit à cirer de ce qui se passe dans un Monster Hunter.
De battre Monster s'est arrêté

Moi, j'aime les jeux qui ont des partis pris extrêmement forts et assumés, quitte à y laisser des plumes au passage. Et ce Monster Hunter Wilds assume complètement de faire précéder son expérience open world d'une sorte de longue cinématique d'intro interactive sous forme d'une campagne entière. Et d'y mettre le paquet pour nous en mettre plein les mirettes. Rien que pour ça, il est sans doute amené à devenir un de mes épisodes préférés de la licence. En revanche, ce n'est pas une raison pour tout lui passer.
Parce que, oui, je peux facilement oublier le côté dirigiste à l'absurde du titre, qui est en fait un guide pratique à l'attention des millions de personnes qui vont découvrir cet univers pour la première fois. Et qui vont avoir la chance de pouvoir digérer tout ce lore et tout ce bestiaire à un rythme humainement assimilable, et sans avoir à y consacrer des centaines d'heures de trial & error et de poussive lecture de wikis. Hélas, cette approche ne s'est pas vraiment accompagnée d'un vrai effort pour rendre l'expérience de jeu aussi agréable et conviviale qu'elle le devrait.

Jouer à Monster Hunter en 2025, c'est encore et toujours se manger le gros mur d'une interface utilisateur particulièrement chargée. Mais aussi de menus particulièrement fastidieux et peu ergonomiques, de préparations d'expéditions laborieuses, de camps de base confus et surchargés, et j'en passe. C'est aussi se confronter à un scénario qui ne sait parfois pas du tout ce qu'il veut vous dire, en essayant à moitié de vous sensibiliser à la protection de la nature tout en vous faisant génocider en boucle des singes rares qui ne vous ont rien fait. "C'est pour leur bien" nous crient même certains personnages.
Et que dire de ces gros problèmes de performances, enfin, même sur PlayStation 5 ? On sent le RE Engine de Capcom bien en peine d'afficher correctement tout à la fois de la distance d'affichage, des monstres grands comme des pâtés de maisons et des textures détaillées. Voilà autant de petites choses auxquelles il faut ajouter une courbe de difficulté pas toujours bien gérée. Laquelle ne sait pas vraiment se décider entre proposer une expérience avant tout fun et récréative ou vous éclater au mur en deux coups de patte mal placés en plein milieu d'une quête secondaire. Pas exactement l'onboarding parfait à destination des nouveaux venus que l'on essaye de nous vendre, en somme.

Monster Hunter Wilds a été testé sur PlayStation 5 via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PC et Xbox Series.
Curieuse expérience que ce Monster Hunter Wilds qui fait le choix de coller un long JRPG épique avant ce qui fait habituellement le sel de l'expérience : la chasse au Godzilla entre potes. Sans doute est-ce là le meilleur épisode pour débuter et découvrir tranquillement un univers d'un foisonnement et d'une richesse presque sans pareil dans le monde du jeu vidéo japonais. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que le titre de Capcom aurait dû être "encore mieux". Mieux équilibré, mieux fini, avec de meilleurs menus, des pages de description des armes et de l'équipement plus clairs, un scénario mieux écrit. J'ai un peu conscience de cracher dans la soupe. Mais écoutez, c'est une soupe préparée pour au moins dix ou vingt millions de personnes, je pense que ça n'altérera pas trop le goût.
Les + | Les - |
- L'univers est fascinant | - Les menus et la préparation des expéditions restent une plaie |
- Parmi les combats les plus réussis de la série | - La campagne principale parfois dirigiste à un point absurde |
- Le scénario est basique, mais fort bien mis en scène | - Énormes problèmes de performances même sur PS5 |
- Un sentiment de progression de puissance extrêmement satisfaisant | - La série n'a toujours pas le moindre recul sur ce qu'elle nous fait incarner |
- Un bestiaire qui se renouvelle à merveille |

zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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