Metroid Dread signe le retour de la licence iconique après plus d’une dizaine d’années d’absence. Un événement marquant, tant le concept de metroidvania a évolué depuis que Super Metroid et Castlevania : Symphony of the Night ont posé les bases de ce genre. Avec le poids d’un tel héritage, comment s’en sort Metroid Dread ?
Metroid Dread c’est, pour la petite histoire, un vieux projet oublié. À l’origine annoncé sur DS au milieu des années 2000 puis semble-t-il prévu pour une sortie en 2008, il disparaît des radars et tombe finalement plus ou moins dans l’oubli. Sûrement enfermé depuis des années dans les sous-sols de Nintendo à côté du cachot où est prisonnier Waluigi, il est alors dépoussiéré à la surprise quasi générale lors du Nintendo Direct de juin 2021. Un coup de maître qui permet à Nintendo de remettre sur le devant de la scène une de ses licences phares, et en même temps de faire oublier qu’on a quasiment aucune nouvelle de Metroid Prime 4 dont l’annonce date quand même de… 2017.
Je parle beaucoup de l’importance de Metroid mais pour celles et ceux qui pourraient craindre un manque d’objectivité sur la critique, sachez que je suis un absolu néophyte de la saga, que ça soit au niveau du lore ou du gameplay. Je n’ai jamais joué à un des titres 2D et mon seul contact avec un Metroid consiste d’ailleurs en un simple après-midi pluvieux à jouer à Metroid Prime sur la GameCube d’un pote. Pour autant, j’ai pas mal fait de metroidvania ces dernières années et notamment deux très marquants : le sublime Ori and the Blind Forest sorti en 2015 et l’évident Hollow Knight sorti quant à lui en 2017. Pas certain que ça va rassurer les plus fanatiques, mais au moins ils ou elles sont prévenu·es.
Premier Contact
Samus Aran, missionnée sur une étrange planète, se trouve prise au piège, sans pouvoirs à la suite d’une altercation étrange dont on ne comprendra la portée qu’à la fin du jeu. Nous voilà armés seulement d’un tir laser, de missiles limités en nombre, et on apprend vite ce qu’on savait déjà : il va falloir récupérer nos capacités perdues. Chacune d’elles permet de débloquer de nouvelles zones, qui elles-mêmes permettent de débloquer de nouveaux pouvoirs, bref, Metroid Dread suit les codes d’un Metroid, pas de surprise ici.
Surprise il y a par contre au niveau graphique. Le jeu nous gratifie d’environnements en 2D avec de superbes effets de profondeur qui rendent certains plans vraiment puissants. L’équipe de MercurySteam, qui s’est occupée du développement, n’a pas chômé et on comprend le choix de Nintendo de leur faire à nouveau confiance. Pour rappel, le studio espagnol avait déjà travaillé pour Nintendo sur Metroid : Samus Returns (remake de Metroid II : Return of Samus) mais aussi pour Konami sur des jeux de la licence… Castlevania. Ces derniers sont assez dispensables, mais c’est intéressant de voir un travail sur les deux noms qui forment le genre du metroidvania. Hors-sujet : MercurySteam a récemment été à l’actu mais pas pour de bonnes raisons, je vous laisse lire ça ici.
Quoi qu’il en soit c’est beau, et accompagné d’une bande-son sympathique avec des thèmes de haute qualité pour certains boss. Évidemment, on retrouve le classique de nombreux jeux : selon les zones, mais aussi les événements qui s’y déroulent, les musiques évoluent. On aura par exemple des variations entre les différentes phases d’un boss, du très commun, mais c’est toujours une bonne chose que les développeurs ne l’oublient pas. Le seul reproche qu’on pourrait faire, c’est peut-être le manque d’une pointe d’épique, quelque chose qui est pourtant bien présent dès le début de Metroid Dread avec le thème de Samus Aran. Justement, parlons un peu de l’héroïne.
La croisière Samus
La guerrière est habile et c’est assez grisant de profiter de la réactivité mise en place dès le début du jeu. Seule la prise en main de la visée demandera un petit temps d’adaptation, car nécessaire pour vaincre efficacement les ennemis qui pullulent dans les niveaux mais surtout les boss. Ceux-ci sont au passage bien équilibrés et visuellement inventifs, ce qui crée des phases de combats souvent marquantes et jouissives. Clairement, ça va vite dans les tirs comme dans les déplacements et on a vraiment une excellente maîtrise du personnage. C’est un des critères essentiels pour faire un bon jeu d’action plateforme à la base. Cette sensation de réponse immédiate aux moindres actions effectuées sur la manette se conserve jusqu’à la fin de l’aventure, pour notre plus grand plaisir.
Mais il y a un souci qu’il faut aborder, et qui est un des points noirs du jeu, c’est le mapping des capacités. Metroid Dread étant un Metroid, on accumule des pouvoirs par le biais des augmentations de l’armure de Samus. Pour ce qui est des contrôles qu’on a dès le départ et qui s’améliorent, pas de souci. Le saut deviendra un double saut, les missiles deviendront plus puissants et gagneront des effets, les tirs, pareils, c’est normal, tout se déroule selon le plan, à un rythme de croisière. Pour ce qui est des capacités qui s’ajoutent, là, je suis moins convaincu. Il y a un moment où certaines paraissent mal attribuées. Je dis bien “attribuées”, car aucun problème avec ce qu’elles permettent de faire. Un boost de vitesse chargée, un dash, un auto-lock de missiles etc, c’est toujours cool. Mais le choix des touches est parfois très… spécial. Deux gâchettes à maintenir pendant qu’on tire avec une troisième touche, le tout dans un combat haletant contre un double boss qu’on affronte pour la 10ème fois, c’est pas des plus intuitifs. Et c’est ça pour d’autres moments, et pas forcément lors de combats de boss. Je veux bien que je ne sois pas un familier de la saga Metroid, mais ça me paraît franchement limite question optimisation.
Pour finir un peu sur Samus Aran, et avant de passer à la dernière partie, abordons la question du lore. Samus Aran est une des plus vieilles héroïnes du jeu vidéo (1986 avec Metroid) et elle réussit à l’être encore après 35 ans. Les jeux Metroid ne sont pas réputés pour être des modèles de narration, et ce n’est pas quelque chose qu’on doit leur reprocher. En tout cas, c’est ce que je me suis dit avant la fin de Metroid Dread, qui m’a rappelé pas mal ce qui se passe souvent dans les jeux Halo. D’ailleurs, chronologiquement, on sait qui a dû inspirer qui sur son personnage principal, mais c’est marrant de retrouver aussi des similitudes dans la manière de raconter. Sauf que comme je le disais en début de paragraphe, Samus Aran est une femme. Et c’est quand même pas mal dommage de se contenter de lâcher des informations sur le lore du personnage uniquement via un allié ou un ennemi qu’elle croise (ou un plot twist final, du moins ça m’a semblé important) et pas recevoir l’information par elle directement. On pourrait jouer un robot, une girafe ou une saucisse, ça serait presque pareil tant on a du mal à ressentir une âme à l’intérieur de l’armure. Accorder un peu plus de place à l’héroïne aurait le mérite de créer un lien fort autrement que par un gameplay attractif, et de réinventer la licence par une place accrue de son personnage principal. Cette idée de faire bouger les lignes de la licence a toutefois été un peu tenté sur les E.M.M.I.
E.M.M.I et images
C’est quoi ces E.M.M.I. ? Il s’agit des Explorateurs Mobiles Multiformes Interplanétaires, des robots qui surveillent un endroit dans chaque zone (donc un E.M.M.I. par zone). Ils demandent souvent de la discrétion et de la réactivité pour les esquiver et une bonne analyse du level design. En effet, si l’un de ces robots nous repère, la mort est QUASI assurée. Quasi, car on conserve deux mini-fenêtres de contre, par le biais de QTE au timing serré. Un principe intéressant, dans le sens où ce n’est pas habituel de mettre en place une forme d’infiltration dans un jeu du genre. On peut regretter cependant que les E.M.M.I. aient un côté un peu rébarbatif à mesure qu’on gagne en puissance et que tomber dessus aura seulement un aspect proche des boss « gear check » dans les MMO.
En gros, le schéma très simplifié est le suivant : on arrive dans un niveau, on passe par la zone d’un E.M.M.I. qu’on est forcé de fuir et d’esquiver. On cherche alors un pouvoir. On affronte un boss dont le combat est facilité par l’obtention de ce pouvoir. On récupère un canon spécifique. Ce canon est utilisé sur l’E.M.M.I. On perd le canon mais, débarrassé de l’EMMI, on accède à une nouvelle zone et souvent une nouvelle capacité. Et ainsi de suite. Et là vous allez me dire : “Mais Veltar, évidemment, c’est là tout le principe des Metroid”. Oui. Sauf que deux choses.
La première, c’est que Metroid Dread a fait le choix d’être un jeu “linéaire”. Ce qui dénote à mon sens énormément de l’essence même des Metroid et metroidvanias, à savoir le côté d’exploration. On se retrouve assez peu à errer en véritable découverte, car les zones sont plutôt restreintes, encore plus quand une grande partie est au départ occupée par un E.M.M.I. Quand on obtient un pouvoir, il est très facile de se rappeler là où se rendre et l’optimisation des chemins se fait presque directement. La faute aussi, au passage, à un découpage pas mal cassé par des zones avec temps de chargement. Excusable pour les efforts graphiques sur Switch, moins pour le confort de gameplay.
La seconde, c’est que Metroid Dread ferme les yeux sur la concurrence. Je ne parle pas là de problèmes de coexistence de jeux du même genre, mais d’une forme de déni quant aux apports de ceux-ci. J’ai bien sûr attendu longtemps avant d’y arriver, mais la variable Hollow Knight a changé l’équation. Je ne cherche pas à dire qu’il fallait que Metroid Dread révolutionne la formule à son tour, et surtout pas que MercurySteam devait copier, par exemple, le système de charmes du titre de Team Cherry. L’identité d’un jeu compte et encore plus quand on a dans son nom “Metroid”. Mais le minimum c’était de tirer parti des enseignements des meilleurs en place pour venir au moins questionner ses propres acquis. L’aspect linéaire abordé quelques lignes au-dessus en est un exemple criant et, à ce titre, Hollow Knight est un meilleur Metroid que Metroid Dread.
Metroid Dread a été testé sur Switch via une clé fournie par l’éditeur.
J’espère que ça s’est ressenti dans la critique, mais Metroid Dread est un excellent jeu. C’est sûrement même le meilleur jeu Switch de cette année. Ce fut un plaisir d’y jouer, mais pour autant, il reste un goût d’inachevé. Avec un nom aussi célèbre et une absence aussi longue, je me posais la question en titre : comment on juge Dread ? Hé bien d’après moi, on était en droit d’en attendre plus, d’avoir même, pourquoi pas, quelque chose capable de bouger certains codes que la licence avait elle-même établi. La faute à quelques maladresses, mais aussi peut-être à une forme de timidité et de retenue. Peut-être le GOTY 2021 de la Switch, mais dont on peut imaginer facilement des améliorations rien que par un travail approfondi sur le lore et le sentiment de liberté. Mais tout ça sera peut-être réservé à un Metroid Prime 4 qui continue de se faire attendre.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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