Meg's Monster est un court JRPG mettant en scène l'épopée émouvante d'une petite fille perdue adoptée par un monstre bougon. Quelque part entre Undertale et Eastward : un conte initiatique doux-amer qui entend bien vous faire verser un torrent de larmes.
Si j'ai mentionné le Undertale de Toby Fox dès l'introduction de cette chronique, ce n'est pas pour rien : il s'agit d'une influence évidente et explicite du studio japonais Odencat, qui a été jusqu'à embaucher Laura Shigihara (entendue sur le Deltarune du même Toby Fox) pour interpréter une partie de la bande-son. Une influence si explicite qu'elle va jusqu'à citer directement certains de ses thèmes récurrents et autres artifices de mise en scène méta-fictionnelle. Les premières minutes du jeu laissent même craindre que Meg's Monster ne soit qu'une fanfiction un peu facile d'Undertale, faible variation sur le thème de l'enfant perdu chez les monstres. Par chance, il n'en est rien : l'aventure trouve rapidement un ton bien à elle, et délivre une histoire parfois un peu naïve, mais à l'exécution bouleversante.
Meg et le Maximonstre
Tombée un beau jour dans le monde souterrain des monstres, la petite Meg est perdue et voudrait retrouver sa maman. Problème : dans ce royaume loufoque, mais ténébreux, les humains ont tendance à se faire boulotter en moins de deux par les créatures difformes qui constituent la faune locale. Par chance, Meg est tombée pas loin de la mansarde d'un certain Roy, monstre bougon et invincible qui ne se nourrit que de "goudron magique", une substance immonde qui suinte sur les parois de ce royaume lugubre. Le meilleur ami de Roy, l'astucieux monstre Golan, semble mystérieusement bien informé sur l'identité de Meg. Il affirme que si la petite fille se met à pleurer ou à déprimer, les conséquences pourraient être apocalyptiques. Il paraît donc urgent d'aider la pauvre enfant à regagner le monde des humains et à retrouver sa maman.
Meg's Monster va donc vous proposer un récit de voyage assez classique : deux personnages monstrueux qui s'occupent d'une adorable petite fille et qui nouent progressivement des sentiments très forts à mesure que les révélations et les retournements de situation s'enchaînent. Découpé en trois grands arcs scénaristiques, le récit se boucle en cinq ou six heures et va tour à tour vous faire découvrir le fonctionnement du monde des monstres, celui des humains, et livrer une conclusion assez logique et émouvante à l'ensemble.
On ne quitte jamais tout à fait les clichés du genre : monstre au grand cœur, adultes qui s'avèrent jouer un double jeu, méchants qui ne sont pas ceux que l'on croit et autres personnages comiques surgissant toujours pile au bon moment pour livrer une petite scène de comédie qui détend la lourdeur de l'atmosphère. Une trame que l'on retrouve de Shrek au Mandalorien en passant par The Last of Us ou Yakuza Kiwami. Mais Meg's Monster parvient à jouer avec les clichés sans tomber ni dans la bouffonnerie ni dans le misérabilisme. Le résultat est plutôt naïf, parfois facile, mais possède une charge émotionnelle incroyable.
Je pleure pas, je mouille mes joues
Le dispositif narratif de Meg's Monster est ainsi beaucoup plus malin que ce à quoi je m'attendais : plutôt que de dévoiler très progressivement ses révélations, il vous donne très rapidement toutes les cartes pour comprendre la tragédie en train de se jouer. On ne se concentre pas tant sur la question des origines de Meg, de Roy, de Golan ou du monde des monstres que sur la nature du lien très fort et éminemment tragique que sont en train de tisser les trois personnages.
Le jeu s'autorise ainsi un changement de direction radical à mi-parcours, en vous faisant revisiter l'ensemble de la tragédie sous un angle légèrement différent. Là encore, on sent la très forte inspiration d'un Undertale ou de la fin cachée du premier chapitre de Deltarune, sans pour autant verser dans le recopiage éhonté. Le ton est profondément mélodramatique, mais fonctionne à merveille. Difficile de ne pas s'attacher à ce gros monstre naïf amateur de goudron et à son apprentissage foutraque de la parentalité dans un contexte d'urgence extrême. De bons gros sentiments qui ne sortent jamais vraiment de l'attendu, mais qui se combinent admirablement au gameplay proposé par le jeu entre deux séquences narratives.
Car si Meg's Monster est formellement un JRPG au tour par tour des plus classiques, ses combats ont la particularité de vous faire incarner un personnage quasiment invincible. Doté de 99999 points de vie, Roy est une sorte d'Obélix indestructible capable de résister à (presque) n'importe quelle arme offensive. Votre objectif ne sera donc pas de survivre aux combats, mais de boucler ces derniers avant que la petite Meg ne se mette à pleurer devant tant de violence. Vous devrez en conséquence alterner entre des actions offensives et défensives, et parfois vous interrompre pour distraire la petite fille, jouer avec elle ou la rassurer. Là encore, c'est une mécanique simple, mais qui crée un attachement particulièrement solide entre le trio de personnages principaux et la personne qui tient la manette. Vous ne vous battez pas pour gagner, mais pour protéger.
La mécanique fonctionne d'autant mieux qu'à mesure que le jeu avance, Meg's Monster va multiplier les situations complexes, rendant les séances de "care" envers Meg plus difficiles, voire impossibles. Rapidement va se poser la question de l'absence de la petite fille : est-ce que Roy arrivera à se contrôler et à contenir sa violence si sa protégée est concrètement en danger immédiat ? Est-ce que l'augmentation progressive de la violence du jeu ne va pas finir par rendre complètement dissonant son propos ? Odencat marche parfaitement sur une ligne très fine, sans apporter de réponse définitive, mais en livrant une réflexion très intéressante sur la place de la douceur et de la bienveillance dans des jeux basés sur l'affrontement physique envers des PNJ.
Monster dommage
Meg's Monster est une franche réussite. Il rate cependant l'excellence totale en tombant dans quelques menus travers qu'il aurait été assez simple d'éviter. On pourrait ainsi chipoter sur son côté parfois horriblement directif, avec ses quêtes annexes dont la résolution est quasiment écrite noire sur blanc et consiste à vous faire suivre des indicateurs sur une carte. Ou encore sur la baisse de rythme relative de la dernière partie de l'aventure, qui peine un peu à reprendre la main narrativement après les pics d'émotion de la scène majeure située au milieu du récit. Mais ce ne sont au fond que de menus détails qui ne parasitent jamais vraiment l'expérience. Même le côté un peu irritant de menus trop minimalistes (il faut par exemple quitter le jeu pour retourner au menu de configuration du son) n'est finalement qu'un minuscule désagrément.
Un point retient cependant davantage mon attention : la décision d'Odencat d'insérer des variations très hasardeuses dans les combats de toute la fin du jeu, sous forme de QTE ou de séquences nécessitant des réflexes. Vous allez passer trois ou quatre heures devant un RPG dont les combats sont finalement un puzzle game déguisé, et les deux suivantes à devoir tapoter des boutons en rythme pour terrasser vos adversaires ou éviter des pièges. Ce n'est pas assez original ou bien fichu pour être amusant, et cela ne se couple d'aucune mécanique d'accessibilité. Impossible de sauter un QTE ou un puzzle nécessitant de la rapidité d'action ou du doigté pour appuyer au bon moment sur une jauge. Certes, ces séquences pas bien difficiles sont anecdotiques pour moi, mais peuvent s'avérer bloquantes pour celleux qui s'intéressent aux JRPG au tour par tour précisément en raison de l'absence d'agilité mécanique demandée.
Cela me frustre légèrement, parce que contrairement à beaucoup de jeux du genre qui utilisent les mécaniques de réflexes et de QTE pour créer des gameplays intéressants, Meg's Monster n'en fait pas grand-chose. Les combats seraient strictement les mêmes s'il était possible d'activer une résolution automatique de ces séquences pour qui le souhaiterait. Le jeu ne serait ni moins beau ni moins intéressant ainsi, à l'image par exemple de la série The Dark Pictures Anthology qui permet de remplacer le tapotage de boutons par une simple pression prolongée. Une mécanique optionnelle qui n'a pas du tout diminué ni l'intérêt ni le succès des jeux Supermassive Games, et dont aurait pu bénéficier un jeu comme Meg's Monster pour fluidifier encore son expérience adorable.
Meg's Monster a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch et les consoles Xbox.
Avec ses problèmes d'interface et son propos prévisible et parfois un peu naïf, Meg's Monster n'est pas un jeu parfait. Mais son pixel art ciselé, sa musique envoûtante et son histoire terriblement attachante en font une des plus grandes réussites de la scène indé japonaise depuis des années. Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas être attendri par le voyage initiatique drôle et tragique à la fois de Meg et Roy. Les années passent et les héritiers toujours plus réussis d'Earthbound et d'Undertale se multiplient. C'est réjouissant.
Les + | Les - |
- Histoire émouvante à souhait | - C'est parfois un peu trop naïf |
- Le retournement de situation est malin | - Arrivée non sollicitée de QTE nuls dans le dernier tiers |
- Bande-son fabuleuse | - l'interface est un peu chaotique |
- Quel extraordinaire pixel art ! | |
- Le système de combat a quelques belles idées |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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