À ce niveau, on est quasiment sur du réflexe pavlovien : je vois des dash, des grappins, des pièges à balancier, des scies circulaires, et je fonce. Alors, forcément, la bande-annonce de Hell of an Office, en secouant tous les ingrédients les plus Shift-core dans un FPS de plateforme et speedrun, ça parlait tout de suite à mes plus bas instincts.
Premier titre de 43 Studios, Hell of an Office sort tout juste en V1.0, après environ un an et demi d’accès anticipé visiblement très bien mené. Principalement porté sur le speedrun, le die & retry et la platforme masocore, le jeu repose également sur une ambiance et un discours parodiques et critiques de la culture d’entreprise et de l’esthétique open space et bureaucratie. Et, comme pour pas mal d’autres titres avant lui, j’avoue avoir toujours du mal à me placer quant à ces choix de rythme et de structure, qui enchaînent fast FPS à zone et séquences narratives verbeuses.
Run like hell
Dans un premier temps, il faut reconnaître que l'attrait principal de Hell of an Office, sa partie plateforme et speedrun, fonctionne incroyablement bien. Chaque monde apporte une nouvelle mécanique (parfois un mouvement, parfois un type de piège) et laisse ainsi tout le temps nécessaire à sa prise en main pour la suite. J’apporterai seulement un bémol quant aux deux derniers mondes, un peu moins bien maîtrisés selon moi, notamment à cause de la mécanique de wallrun, que je trouve moins précise et rigoureuse que le reste du moveset. Cet aspect du jeu ayant bénéficié de moins de temps que le reste durant l’early access, j’ai cependant bon espoir qu’il gagne un petit coup de polish d’ici peu et rattrape son niveau de précision et maniabilité légèrement inférieur.
Car outre cette petite réserve, je dois dire que la proposition de Hell of an Office m’a particulièrement plu. En ligne droite, le titre s’expédie en à peine trois heures (encore moins si on ne meurt pas à répétition sur les trois derniers mondes) et constitue déjà une aventure assez agréable, avec tout un confort de jeu propice à entrer dans la zone et enchaîner les tableaux (l’action, le level design, le code couleur, tout est très lisible et fluide). Je me suis souvent retrouvé à lancer le jeu dans l’optique d’avancer de trois/quatre niveaux et de finalement engloutir plusieurs mondes d’un coup. Mais le principal intérêt du titre réside évidemment dans son aspect speedrun.
Chaque niveau étant chronométré, une médaille est décernée à l’arrivée. Point très positif : la médaille la plus basse pouvant être remportée est celle de bronze, et n’empêche en aucun cas d’accéder à la suite. Vous pouvez faire les scores les plus nuls possibles (et même désactiver la lave qui monte dans les options), à partir du moment où vous atteignez la ligne d’arrivée, le niveau suivant est débloqué. Contrairement à un Neon White, qui repose également sur de courts tableaux chronométrés, Hell of an Office n’impose ainsi rien à personne. Vous voulez tout traverser à la zob et sans vous soucier du scoring ? Pas de souci, le générique de fin apparaîtra au bout de deux petites heures et le jeu n’aura plus grand-chose à vous proposer, mais vous pouvez tout à fait vous autoriser ce ride. En revanche, si vous êtes parti·e pour faire chauffer les médailles de diamant, j’espère que vous avez du temps devant vous.
Retenter en boucle les niveaux pour grappiller quelques dixièmes de secondes, même sur les plus simples de début de jeu, m’a rappelé certes Neon White, mais encore plus des jeux comme Trackmania. Là où Neon White tient plus du puzzle game qui demande de bien comprendre et trouver l’enchaînement parfait selon les armes et ennemis, Hell of an Office tient beaucoup plus du mode Contre la montre de certains jeux de course. Ainsi, la réussite d’un chrono repose finalement plus dans le mouvement et le timing parfaits, où chaque saut, dash, grappin doit être minutieusement calculé pour perdre le moins de temps et de vitesse possible et péter les scores, voire pour trouver un skip qui permettrait de court-circuiter toute une partie du tableau. J’ai bien hâte de voir les speedruns qui ne manqueront pas de fleurir dans la commu, peut-être même à l’AGDQ ou chez Speedons. C’est complètement un créneau de niche, mais c’est une niche qui comporte un public suffisamment acharné pour que ça prenne et donne lieu à des chronos insensés.
L'enfer c'est les autres séquences
C’est pourtant sur ce point que je m’interroge toujours un peu. Car Hell of an Office n’est pas uniquement un jeu de speedrun masocore. Enfin, si, disons à 90%, plus encore si on considère les niveaux de la commu dans le Steam Workshop. Mais en tout cas, dans la campagne, tous les cinq niveaux, le titre nous force à traverser une petite séquence narrative, qui implique de se promener dans un niveau scripté, de papoter avec des PNJ, de lire les blagues potaches anticapitalistes et critiques du monde de l’entreprise (avec, je dois dire, quelques piques assez bien senties envers les méthodes de management ou le complotisme). Mais, comme dans des titres de type Neon White, Ghostrunner ou I Am Your Beast, j’ai du mal à complètement savoir ce que j’en pense.
Bon, déjà, et on l’en remercie : Hell of an Office n’est jamais cringe ou problématique comme peut l’être Neon White dans ses pires moments (c’est-à-dire presque tous), ce qui rend ses phases narratives beaucoup moins pénibles à traverser. Ensuite, on peut tout à fait passer les dialogues à toute vitesse et suivre le marqueur d’objectif afin de perdre le moins de temps possible dans ces séquences et repartir s’éclater dans des scies circulaires. Mais tout de même, c’est un temps mort dans l’action plus ou moins long qui arrive tous les cinq niveaux, et qu’on ne peut pas passer ou désactiver. Et ça m’interroge toujours comme choix de rythme.
Ça m’interroge car, personnellement, j’apprécie de souffler quelques minutes avant de repartir dans de l’action débridée, j’ai une endurance assez faible, et j’ai tendance à fatiguer assez vite face à autant de stimulations, c’est pour ça que des streams comme Severed Steel ou Ghostrunner ont été aussi éprouvants à faire, et que j’hésite encore assez fort à me lancer dans Doom par exemple. D’autant que ces petites pauses, même si elles ne sont pas très fines ou passionnantes, sont généralement assez drôles et sympathiques. Mais d’un autre côté, ça me fait aussi sortir de la zone et me coupe dans un élan que j’ai souvent du mal à amorcer, car je suis un diesel qui a besoin de temps pour s’élancer à son plein potentiel, et que ces séquences narratives font constamment redescendre. Je n’ai pas de vraie solution ou d’avis arrêté sur la question, si ce n’est que Hell of an Office est tout de même le représentant le moins désagréable du lot sur ce sujet, en n'ayant ni dialogues cringissimes à la Neon White, ni puzzles nuls à la Ghostrunner, et que ses petites blagues de darons s’expédient rapidement et n’empêchent en aucun cas d’apprécier son game feel impeccable et son level design finement conçu.
Hell of an Office a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Hell of an Office est clairement un jeu de niche, destiné aux adeptes du speedrun/contre-la-montre et de la platforme masocore. Il le fait en revanche très très bien, grâce à une maîtrise quasi-exemplaire de son moveset et game feel, à un level design peaufiné au millimètre près, et à un confort de jeu à toute épreuve. Reste cette question du rythme et de la pertinence ou non de la narration dans ce genre de titre au gameplay 100% arcade. Je m’en serais passé sans trop de regrets, mais je dois admettre que quitte à avoir des séquences scriptées dans mon speedrun, je préfère qu’elles soient courtes et drôles comme celles de Hell of an Office. Si vous faites partie de la même niche de masos que moi, il serait dommage de passer à côté de quelques heures de try hard pour faire tomber les scores.
Les + | Les - |
- Une grande attention portée sur le confort de jeu et le game feel | - La mécanique du wallrun un peu en dessous des autres |
- Le level design est impeccable | - Les séquences narratives coupent quand même bizarrement l'action |
- Un humour assez drôle et potache |
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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