Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift s'émerveille face à la mythologie pré-romaine de Pyrene et Zali dégomme tout ce qui passe dans I Am Your Beast.
Pyrene
C’est la rentrée, on reprend les bonnes habitudes : les manifs contre les dénis de démocratie répétés et les sorties de roguelites et/ou deckbuilders à la pelle. Pyrene appartient fort heureusement à la seconde catégorie, avec cependant pas mal d’arguments en sa faveur pour se démarquer du reste de la production. Univers, mythologie et bestiaire originaux, difficulté et durée à la carte, utilisation judicieuse de ses briques de gameplay : bien qu’il soit une sortie mineure de ce mois de septembre surchargé, Pyrene mérite qu’on y jette un coup d’œil et quelques heures.
La montagne, ça se gagne
La grosse originalité du titre, c’est son univers et bestiaire basés sur la mythologie pré-romaine des Pyrénées, avec tout ce que ça comporte de divinités, créatures et légendes assez inconnues du grand public. C’est un rappel de plus qu’une infinité de folklores existe rien qu’en France, à travers les âges et les régions, et qu’il n’y a qu’à se pencher pour trouver des contes, légendes ou panthéons oubliés à adapter. Hasard du calendrier, c’est peu ou prou un des angles de cette récente vidéo de Bolchegeek.
L’autre bon point, c’est que cette mythologie est au service d’un scénario, qui, s’il n’est pas renversant en termes de péripéties, fait office de liant particulièrement fluide et efficace à l’aventure. Encore une fois, on voit qu’Hades est passé par là, et qu’il a ouvert des portes en termes de narration dans le roguelite. Dans Pyrene, chaque run s’articule autour d’un nouvel objectif à atteindre pour faire progresser l’histoire, en incarnant le personnage adéquat et en allant dans des biomes précis. C’est une très bonne idée, à la fois en termes de variété (si on veut compléter l’aventure, il va falloir jouer tous les personnages du jeu, qui ont chacun leur style très différent, et leur faire gagner des runs dans des endroits différents) et de rythme et durée : on peut tracer dans l'histoire si on le souhaite en remplissant un nouvel objectif à chaque partie (à condition de la gagner, tout de même), ou faire durer le plaisir en incarnant d’autres personnages et en grindant pour améliorer le village et sa méta-progression.
D’autant que le titre permet également de régler sa difficulté comme on l’entend. Loin de se contenter de modes facile/normal/difficile, Pyrene se base sur un principe beaucoup plus modulable, à base de reliques à activer ou désactiver, permettant de s’attribuer des bonus et malus selon l’expérience souhaitée, et ce, sans aucune conséquence sur l’histoire ou les récompenses récoltées. On ne m’enlèvera pas de l’idée qu’il s’agit actuellement de la meilleure façon d’aborder la difficulté et l'accessibilité dans le jeu vidéo, et que le reste est parfaitement ringard.
Reste enfin le gameplay à proprement parler. Pyrene se base sur un système assez instinctif de deckbuilding, avec des synergies, combos, notions de placement et de gestion des ressources. On a déjà vu ça un peu partout, autant du côté des classiques de l’action et du deckbuilding que de titres plus expérimentaux comme Foretales, mais force est de constater que ça marche très bien. Le rythme est impeccable, avec ses runs très courtes et affrontements qui ne dépassent pas les quelques minutes ; l’équilibre risque/récompense est fort bien maîtrisé, grâce à son système d’autel et d’éclats et une interface qui ne prend jamais en traître en affichant toujours toutes les informations nécessaires ; et surtout, Pyrene gère parfaitement ce qui fait le sel d’un roguelite : les synergies, qui peuvent être nombreuses, surprenantes et surtout surpuissantes, pour peu que l’on choisisse ses cartes et ses stats judicieusement et que l’on ait une bonne compréhension des mécaniques de son personnage. Pyrene est ainsi tout ce que l’on peut attendre d’un "petit" roguelite indé : immédiatement amusant, respectueux de notre temps tout en étant rejouable et incroyablement modulable.
Pyrene a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Bien qu’assez modeste, et surtout coincé entre les poids lourds de la rentrée, Pyrene mérite tout votre intérêt, que ce soit pour son cadre original, son rythme et sa durée parfaits, sa difficulté modulable, sa variété de personnages ou la satisfaction des runs grisantes aux builds flinguées (et tant pis pour l’équilibrage, tant qu’on a le power trip). Pour de nombreuses parties en difficulté max et endless mode ou quelques heures en ligne droite pour clôturer son scénario, le titre de Two Tiny Dice est un modèle d'efficacité, auquel nous n'avons finalement pas tellement de reproches à adresser.
I Am Your Beast
Si le fabuleux El Paso, Elsewhere a définitivement placé le studio Strange Scaffold sur la carte, il ne faut pas oublier l'essence profonde de la boîte de Xalavier Nelson Jr. : proposer des expériences de jeu courtes, ramassées et ultra-conceptuelles. C'est ce qu'ils ont proposé plus tôt dans l'année avec l'extraordinairement bizarre Clickolding, où quelques années plus tôt avec des curiosités comme SkateBIRD ou An Airport for Aliens Currently Run by Dogs. Quelque part entre ces deux extrêmes (les "vrais jeux" et les "jeux shitpost", disons), se tient I Am Your Beast, un fast FPS au gameplay pas spécialement ambitieux, mais au scénario mine de rien assez travaillé dans son aspect radical et jusqu'au-boutiste.
Metal Gear Sordide
Dans I Am Your Beast, vous incarnez une sorte de super tueur à la solde des États-Unis. Le genre capable d'arrêter une armée à lui tout seul, envoyé commettre les barbouzeries les plus sinistres. Et pour cause, vous êtes plus rapide, plus nerveux, plus réactif que les simples soldats. Vous êtes une légende. Tout ceci cache néanmoins une certaine fébrilité d'esprit. Un beau jour, en voyant deux de vos camarades commettre un acte de cruauté gratuit envers un animal, vous basculez dans une forme de rejet extrêmement violent de votre emploi de tueur sanguinaire.
Tout le jeu, découpé en courtes missions d'une brutalité remarquable, vous place dans la peau d'un homme quasiment indestructible, mais lancé dans une mission suicidaire : se barricader dans une forêt du nord de l'Amérique et repousser encore et encore toutes les vagues de malheureux troufions venus vous ramener à la raison. Il s'agit peut-être là du script le plus sinistre et le plus désespéré signé par Strange Scaffold. Il n'y a aussi aucun autre espoir que celui de survivre un jour de plus, en emmenant un maximum d'ex-collègues dans la tombe. C'est un dispositif minimaliste, mais extrêmement efficace.
S'il fallait reprocher quelque chose à I Am Your Beast, c'est que l'enrobage situé autour de ce conte macabre est thématiquement un peu chiche. Le jeu accuse un développement très rapide qui le contraint forcément à ne proposer qu'une série d'arènes et de challenges un peu limitée. C'est un FPS rapide plutôt fonctionnel, mais pas très ambitieux. De fait, on fait, d'un niveau à l'autre, souvent strictement la même chose, avec des variations pour le moins minimes, et on fait le tour du sujet en moins de trois heures.
Il faut tout de même concéder la bonne idée d'avoir collé des objectifs annexes à chacune des missions, permettant de la reparcourir avec un niveau de difficulté supérieur : on doit par exemple parcourir tel environnement en n'utilisant aucune arme à feu, ou sans commettre d'attaque létale. Des challenges qui font basculer I Am Your Beast aux frontières du puzzle game, tant certains de ces objectifs annexes ne sont réalisables qu'en connaissant la logique et l'agencement d'un niveau absolument par cœur.
I Am Your Beast a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
On accroche ou pas à la narration extrêmement brutale et au propos radical de I Am Your Beast. Mais il faut remarquer l'audace du studio Strange Scaffold, qui n'hésite jamais à nous emmener dans des sphères narratives rarement effleurées par d'autres studios indépendants. On aurait, sans doute, aimé un peu plus de viande autour de cet os et parcourir une aventure un peu moins étriquée, mais la proposition demeure néanmoins une des belles surprises de la rentrée.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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