Après un premier épisode globalement bien accueilli par la presse comme le public (chez TPP, Veltar lui avait consacré un papier franchement positif), ainsi qu’un DLC plutôt solide, il semblait assez logique que les Polonais·e·s de One More Level continuent de développer la franchise Ghostrunner. Avec son mélange de die & retry, de parkour et de combats au katana, son emphase sur la vitesse et le speedrun, le tout baignant dans une esthétique cyberpunk particulièrement appuyée, tous les ingrédients étaient réunis pour rassembler une fidèle communauté autour de la licence, qui en avait encore largement sous le pied.
Sauf que moi, je ne l’avais pas tellement aimé, ce premier Ghostrunner. Si la réussite de son level design et la variété de son moveset étaient indéniables, je trouvais le gameplay un poil trop imprécis pour le niveau d’exigence qu’impliquait sa difficulté, je voyais de grosses lacunes dans le confort de jeu et dans certains pans entiers de game design, et j’avais été gêné par tout un tas de séquences superflues qui parasitaient l’expérience principale. Bref, le jeu me promettait d’entrer dans la zone en enchaînant parkour et bain de sang et je n’avais à vrai dire trouvé de plaisir dans aucun des deux. Tout l’inverse de Ghostrunner 2, finalement, qui réussit à rectifier tout ce qui ne marchait pas pour moi dans le premier, tout en proposant de nouvelles briques de gameplay assez surprenantes.
Katana Zero Skill
Dès les premiers niveaux de Ghostrunner 2, le constat est sans appel : il ne manquait vraiment pas grand-chose au premier opus pour être réellement amusant et agréable à manier. La formule reste strictement la même et on alterne, toujours à la première personne, des séquences de plateforme et de combats en arène. Durant les premières heures, on retrouve ainsi grosso modo la même panoplie de mouvements pour la plateforme, avec la course murale, les tremplins, les rails, le grappin ; et la même philosophie de combat, avec ces arènes pensées comme des puzzle games et ces ennemis extrêmement retors, qu’il s’agira d’éliminer dans le bon ordre avec tout l’attirail du ninja cyborg, du katana aux shurikens.
Sauf que cette fois-ci, ça marche. Je suis pourtant toujours aussi mauvais, et le titre est toujours aussi exigeant, mais, entre un gameplay bien plus précis, d'énormes améliorations de confort et un panel d’attaques plus riche dès le début du jeu, on a enfin l’impression d’avoir de quoi se défendre et de moins subir la moindre arène contenant plus de trois ennemis. Cela passe par la disponibilité très tôt dans l'aventure des shurikens, qui permettent d'abattre les mobs les plus faibles à distance et de paralyser les plus gros, nous laissant le temps de les grappiner pour nous en rapprocher, par une utilisation bien plus importante de l'environnement – bidons à exploser, échafaudages à faire tomber, pièges à déclencher – et par une pléthore de pouvoirs et capacités passives à débloquer au fur et à mesure de la progression.
Des skills dont l'attribution a été entièrement revue, et qui s'avère assez représentative d'une autre grosse amélioration de ce Ghostrunner 2. Le premier était truffé d'énigmes et séquences de puzzles assez nazes et assez mal fichues et qui plombaient significativement le rythme de la campagne, jusqu'aux fameuses capacités à assigner via une sorte de mini-jeu nul à base de tétrominos. Pas de prise de tête inutile dans cette suite, ce système un peu pénible a été remplacé par un bête arbre de compétences tout ce qu'il y a de plus classique, et ça fonctionne très bien. Il en est de même pour toutes ces phases dans le Cyberverse (la Matrice), qui étaient souvent l'occasion de subir des puzzles laborieux et autres objectifs chronométrés et qui ont, à une ou deux malheureuses exceptions près, été remplacées par de la plateforme et du combat beaucoup plus convenus, mais tellement plus maîtrisés. En ramassant son gameplay au maximum et en se débarrassant de tout ce qu'on ne souhaitait pas tellement voir dans notre jeu de ninja cyberpunk, One More Level a pu apporter l'énorme coup de polish et d'équilibrage qui manquait à Ghostrunner, faisant de sa suite un titre certes plus convenu et attendu, mais qui répond avec une certaine virtuosité aux attentes que l'on peut plaquer sur un tel titre.
Il court, il court le fantôme
Enfin, ça c'était mon avis sur la première moitié du jeu, qui ronronne ainsi tranquillement, recyclant avec brio gameplay, ennemis, esthétique et level design et donnant l'impression d'un reboot du premier titre, où tout fonctionnerait correctement et dont la seule vraie nouveauté serait un sympathique mode rogue-like, accessible depuis le hub principal et menu principal du jeu. Sauf qu'une fois ces bases solidement reconstruites, Ghostrunner 2 passe à la vitesse supérieure, via une brutale et spectaculaire rupture de ton, d'esthétique et de structure.
Le twist amenant à ce changement soudain ne m'a pas tellement chamboulé sur le plan scénaristique : je n'avais que peu d'intérêt pour l'histoire prétexte et pourtant parfois un peu envahissante du premier jeu, et je n'en ai pas eu beaucoup plus pour celle de Ghostrunner 2, qui peut globalement se résumer en "maintenant que la méchante du 1 est morte, il faut se battre contre une nouvelle méchante". En revanche, il faut reconnaître que cette suite multiplie les fulgurances esthétiques et de mise en scène, et, si on pourra sourire devant une certaine exubérance dans l'approche visuelle et musicale du cyberpunk et du post-apo, la multiplication des effets wow, en jeu comme en cinématique, donne au titre un rythme que le premier n'arrivait jamais vraiment à atteindre.
Car cette deuxième moitié de l'aventure prend un énorme risque : celui de nous faire sortir de la Tour de Dharma, dernier bastion de l'humanité dans un monde réduit en cendres suite à une catastrophe mondiale, et dans laquelle se déroulait l'intégralité du premier jeu, et nous catapulte dans un extérieur plus proche de Mad Max que de Blade Runner, avec supplément zombies, motos et niveaux ouverts. Le parti pris est assez radical pour un titre qui se reposait jusqu'alors très confortablement sur ses acquis, et, à vrai dire, assez casse-gueule. Mais, contre toute attente : ça fonctionne. Ça fonctionne même très bien, grâce à une conduite agréable de la moto, un level design très réussi qui alterne petites zones de combat et plateforme à pied et grandes zones à parcourir en deux-roues.
C'est ce qui fait toute la réussite de ce Ghostrunner 2 : en plus de retirer tout ce qui rendait l'expérience pénible dans le premier, de peaufiner le gameplay, d'ajouter une grosse dose de confort (les checkpoints sont bien mieux disposés, et on peut ENFIN sauvegarder et quitter en cours de mission), le titre tient un équilibre risqué, mais réussi, entre la conservation des éléments structurels de l'expérience, tout en expérimentant sur d'autres aspects, quitte à s'éloigner radicalement d'une structure de progression que l'on prenait pour acquise. Un parti pris si payant que quand l'aventure retourne sur ses rails, on est presque déçu. Presque, puisque le titre délivre un final grandiose, à base de boss spectaculaires et d'une ultime mécanique fort bien exploitée.
Ghostrunner 2 a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur PS5 et Xbox Series.
Ghostrunner 2 est un cas d'école de suite réussie. La première moitié de l'aventure repose les bases de la licence avec une vraie virtuosité, faisant oublier en l'espace de quelques heures les douloureux moments passés sur le premier jeu, tout en conservant l'esthétique et la BO qui avaient fortement contribué à son succès. Sa deuxième partie nous prend au dépourvu en cassant brutalement sa structure et son ambiance, tout en ajoutant avec brio de grosses briques de gameplay. On en retiendra un action-platformer fluide et nerveux, ajoutant bonnes idées ou boss mémorables à chaque niveau. Les esprits chagrins diront que Ghostrunner premier du nom a payé les pots cassés, je préfère considérer qu'il était nécessaire à la réussite du second.
Les + | Les - |
- Les bases du premier jeu ont bénéficié d'un immense coup de polish | - Encore quelques séquences de puzzle pas très heureuses |
- Une deuxième moitié très audacieuse | |
- Toutes les nouvelles briques de gameplay fonctionnent à merveille | |
- Une réussite visuelle et musicale |
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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