« Oh non, encore du cyberpunk… » vous êtes-vous sûrement dit à la vue du titre de cette critique. Et vous avez raison. Mais si on ne peut pas faire l’impasse sur les éléments cyberpunk de Ghostrunner, il est intéressant de se focaliser plutôt sur son gameplay. Des idées bien exécutées et un ensemble super convaincant.
Ne cachant pas une certaine attirance pour la synthwave, les futurs dystopiques (devenus parfois moins craignos que notre présent) et les néons qui brûlent les yeux, je ne pouvais pas vraiment manquer de jouer à Ghostrunner. Le titre des Polonais de One More Level est un concentré de ce qui fait le succès du genre, offrant même au transhumanisme du héros une dynamique ninja à faire rougir le Raiden de MGR: Revengeance. Sa sortie, le 27 octobre sur PC, PS4 et Xbox One (courant novembre sur Switch) est l’occasion de dévoiler ce qui se cache derrière la lumière des néons.
Plutôt cyber-apo ou post-apunk ?
Commençons donc par parler de l’histoire du jeu. Comme je l’ai dit, on baigne dans le cyberpunk, ce thème d’anticipation devenu un brin trop omniprésent dans les œuvres de fiction aux côtés de son bro, le post-apo. Parce qu’apparemment quand il s’agit de parler du futur, soit on meurt quasi tous, soit on subit le joug d’IA et autres conglomérats démoniaques. Mais pour Ghostrunner, c’est différent : il y a LES DEUX. L’action se déroule en effet dans la Tour de Dharma, dernier bastion de l’Humanité à la suite d’une catastrophe terrible. Le concepteur de cette tour, l’Architecte (Matrix much ?) est d’ailleurs celui qui nous contacte dès le départ sous la forme d’une IA. Dans quel but ? Tout simplement renverser Mara, la Maîtresse des Clés, qui a mis un sacré merdier partout dans Dharma. Les ressources sont devenues rares, la cité elle-même vire au chaos et elle semble avoir une vision du futur de l’Humanité assez… spéciale. Pour la dénicher, il va vous falloir gravir la tour jusqu’à son sommet ou presque.
Soyons francs, on est pas sur une histoire qui bouleverse le genre. C’est peut-être même un brin trop classico-classique et j’en parlerai un peu plus bas de cette critique. Mais ça a le mérite de coller, et de filer une justification à tout le chemin qu’on va devoir parcourir. Et qu’il est beau ce chemin. Les effets de lumière, la profondeur de champ, le design des niveaux, tout est magnifique. Les environnements sont non seulement bien modélisés mais aussi intelligemment disposés. Par exemple, dans ce qu’on peut considérer comme la première zone, on a une justification industrielle à l’emplacement de parois et d’obstacles divers. On évite le fameux écueil du baril rouge explosif au milieu d’ennemis qui montent la garde.
La claque visuelle apparaît vraiment à l’arrivée dans la ville elle-même. On est dans une cité cyberpunk pur jus, des grandes affiches numériques aux pubs lumineuses, les buildings sombres et immenses, tout est là. Il manque peut-être un peu d’interaction avec les décors pour parfaire le tableau. À noter qu’à plusieurs reprises, Ghostrunner se mue en puzzle-game. On entre alors dans le cybervoid (« la matrice » en quelque sorte), c’est à dire dans les circuits informatiques de la Dharma. Dans cet environnement alternatif où tout est cubique et épuré, il faudra résoudre des petits casse-têtes pas trop difficiles. Ceux-ci offrent un tempo différent au jeu et préparent surtout l’obtention d’une nouvelle capacité.
Yamakasi (ok boomer)
J’ai oublié de le préciser mais, dans le titre de One More Level, on joue un personnage en vue à la première personne. Un choix intéressant pour un jeu de plateforme dans lequel il faudra autant venir à bout des ennemis que de l’environnement. Les ennemis seront plus difficiles à atteindre au fur et à mesure et les découper procurera souvent un plaisir coupable, surtout après avoir enchaîné des sauts dignes des plus grands maîtres Jedi. En effet, une des grandes forces de Ghostrunner se trouve dans la fluidité des déplacements et les mouvements du personnage sur les plateformes et surtout les murs et parois diverses. Ça donne des actions super stylées quand vous enchaînez parfaitement des esquives de lasers avec des sauts rapides. Mais ça peut aussi être assez ridicule d’en manquer un parce que vous étiez trop pris par votre propre orgueil de ninja skillé.
Pour réaliser ces prouesses, vous avez un panel restreint mais efficace de possibilités. Au-delà de l’évident saut, on acquiert rapidement un grappin. Celui-ci s’utilise uniquement sur des endroits précis, mais de façon assez permissive, ce qui fait qu’on ne manque que très rarement un coup de grappin. Autre pouvoir, qui se débloque à l’arrivée de la zone « extérieure » : la possibilité de s’accrocher à des rampes, permettant au personnage d’avancer le long de celles-ci. Un système proche de celui de BioShock Infinite. À cela s’ajoute l’essentiel : le dash. En plus de sa fonction classique, il permet, lorsque le personnage se trouve en l’air, de ralentir le temps. L’intérêt, en plus de mieux gérer ses trajectoires, c’est de pouvoir esquiver les balles des ennemis.
Tout ça, c’est bien sympa, mais on est un ninja cyborg au top de la technologie du cyberfutur. Peut-on espérer plus ? C’est oui. Ainsi, on obtient assez vite une première capacité, Lame Foudroyante, qui permet de cibler plusieurs ennemis pour ensuite asséner un coup unique qui les élimine. De quoi éviter la galère d’une balle perdue par exemple. D’autres se débloqueront ensuite, comme Tempête, sorte de projection très puissante d’énergie à la Star Wars. Et ce n’est pas tout puisqu’un menu « style Tetris » permet de personnaliser progressivement nos capacités, y compris celles de base : obtenir un dash supplémentaire, cibler plus d’ennemis, avoir des resets après des éliminations, etc. On se retrouve avec un gameplay assez dense sans que l’on s’y perde, et qui rend le tout vraiment fun à jouer.
Une bonne nouvelle tout ce plaisir, car on pourrait vite être frustré suite aux morts à répétitions. Ghostrunner possède en effet la caractéristique d’être aussi un die & retry. C’est à dire que vous allez très souvent mourir puisque au moindre dégât, votre personnage meurt. Ça oblige à préparer ses enchaînements à l’avance et assez régulièrement de foncer un peu au hasard pour tester la voie qui convient le mieux pour réussir à passer au checkpoint suivant. De quoi filer un beau challenge aux speedrunners comme aux perfectionnistes.
Ressemblances et petits soucis
Avec la mécanique de Die & Retry, pas mal de gens ont comparé Ghostrunner à Hotline Miami. Ce qui n’est pas faux, il y a des similitudes. Pourtant, je pense qu’on y retrouve davantage un côté Katana Zero. Déjà assez basiquement, parce qu’il rejoint l’aspect cyberpunk. Ensuite, ils partagent l’utilisation du katana pour l’élimination des ennemis ce qui rend le tout visuellement méga classe. Et enfin on a une proximité pour les musiques, car même si celles de Ghostrunner n’atteignent la qualité de celles Katana Zero, on y retrouve forcément des sonorités identiques, synthwave oblige.
C’est ce qui m’amène à l’un des reproches que je peux faire au jeu : ne pas assez « innover ». C’est pas forcément ce qu’on lui demande, mais après tous les jeux cyberpunk auxquels j’ai joué, certains que j’ai même testé sur TPP, avec Cyberpunk 2077 qui va arriver, il y a parfois une forme de lassitude. Oui, ça plaît toujours à ceux qui aiment le genre, tant esthétiquement que musicalement. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y pas la place de mettre une petite touche personnelle sur l’habillage ou ailleurs. Ne serait-ce que densifier l’aventure ou les personnages. C’est de l’ordre du détail tant le gameplay permet de se régaler mais, pour moi, c’est devenu difficile de pas avoir un regard critique sur ces points-là quand on parle de cyberpunk.
Outre ce point spécifique qui tient plus du constat personnel, j’ai deux ou trois choses qui m’ont un peu ennuyé. La première, c’est qu’il m’est arrivé d’avoir à subir quelques mauvais ajustements dans les phases de “plateforme”. Par exemple, en sautant contre un mur pour courir dessus, le personnage se refuse à le faire et glisse directement le long de celui-ci, (vers sa mort, le plus souvent). L’inverse arrive aussi où le personnage va courir sur une paroi alors que l’on souhaitait simplement l’escalader. Cela dit c’est minime et en général il suffit de bien forcer l’angle de caméra pour faire comprendre au jeu où on souhaite aller.
La seconde, ce sont les checkpoints. C’est important de le remarquer le plus tôt possible dans le jeu : il faut finir un niveau entier avant de quitter. Pourquoi je précise ça ? S’il y a effectivement des checkpoints permettant de ne pas tout se retaper depuis le début d’un niveau, une fois que l’on quitte le jeu, ce checkpoint disparaît. Et donc il faut le reprendre depuis le départ. Pas très agréable et quand on ne le sait, pas c’est plutôt frustrant. Mais là encore, pas non plus de quoi changer l’avis général sur le jeu.
Ghostrunner a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Bien belle surprise que ce Ghostrunner. Si mon œil avait été attiré par les vidéos dynamiques et flashy, j’ai été très convaincu une fois manette à la main (que j’ai préféré au clavier, faute à un racisme envers l’azerty qui a peut-être été corrigé depuis). Les enchaînements réussis sont assez grisants et la possibilité de passer un niveau de diverses façons rend le Die & Retry presque agréable. La fluidité des mouvements, l’ambiance générale, et les perspectives de speedrun, presque tout marche. À 24€ jusqu’au 3 novembre (30€ ensuite) sur PC, ça me semble être un bon investissement. Encore plus avec le reconfinement.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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