Faire un 4X, c’est difficile. Plein de mécaniques, des systèmes imbriqués interdépendants, une IA qui doit être intéressante et j’en passe. Et ce n’est pas Distant Worlds 2, le nouveau 4X spatial de Code Force, édité par Slitherine, qui va dire le contraire.
Distant Worlds premier du nom était sorti en 2010, époque sombre où le 4X, et qui plus est le 4X spatial, n’était que l’ombre de lui-même, dominé par un Civilization V sans extensions (donc médiocre) et pléthore de jeux indépendants bancals. Distant Worlds faisait partie de la seconde catégorie. Suivi de nombreuses extensions, le jeu est ressorti en 2014 sous le nom Distant Worlds : Universe, regroupant tous les DLC et une multitude d’améliorations. Annoncé en janvier 2021, Distant Worlds 2 promettait de régler le plus gros point faible de son aîné et passait à la 3D plutôt qu’à une vue 2D du dessus. Ne reniant aucune des mécaniques faisant du premier opus un titre complexe et profond, le second épisode s’annonçait en plus très beau et particulièrement retord, tout en se voulant plus accessible aux nouveaux venus via les systèmes d’automatisation. Bon hé bien, c’est mitigé. Qui l’eût cru. En même temps : faire un 4X, c’est difficile.
Amiral Leroy Jenkins répondez ?
Prenons par exemple un des systèmes phares des 4X spatiaux, la chose qui fait leur spécificité par rapport à un bête 4X historique : la gestion des flottes. Car qui dit empire spatial et space opera dit flottes interstellaires. Dans un Stellaris (je préviens, il va revenir souvent celui-là), ce n’est pas bien compliqué : vous faites un template, vous dites « construis-moi ce template », vous lui mettez un amiral et voilà, vous contrôlez la flotte directement et vous l’envoyez faire ses trucs de flotte : tuer des pirates, envahir des ennemis, bombarder des planètes, la base. Distant Worlds 2, au premier abord, est similaire : sûr, le système de template est moins clair ; sûr, vous ne savez pas trop pourquoi vous avez directement tous les vaisseaux déblocables, quand bien même vous ne les avez pas obtenus. Mais voilà : vous faites votre template, vous le construisez, voilà votre flotte. ERREUR. Car Distant Worlds 2 est un jeu de bonhomme, c’est un jeu RÉALISTE, du coup il y a une gestion du carburant. « Okay et ? ». Eh bien c’est très simple, mon jeune padawan. Tant que vous n’avez qu’une station, ce n’est pas grave, vos vaisseaux sont fabriqués à cette station et rejoignent la flotte, parfait. Mais quand vous avez plusieurs stations séparées par plusieurs années-lumières, vos petites escortes fabriquées à la station B… elles n’ont pas forcément de carburant pour rejoindre la station A où est stationnée la flotte… donc elles restent entre les étoiles dans l’attente d’un vaisseau ravitailleur qui n’arrivera jamais… car lui non plus n’a pas la portée nécessaire, et vous êtes bon pour attendre qu’elles arrivent en vitesse conventionnelle. Ce qui peut prendre des siècles car : RÉALISME.
Admettons maintenant que vous ayez construit votre flotte manuellement en lançant la file d’attente directement depuis la station. Donc vous voyez qu’il est possible d’automatiser la flotte : défense, attaque, raid (voler les ressources de colonies ennemies). Vous pouvez lui attribuer diverses missions qu’elle fera en autonomie. C’est un système en phase avec le reste du jeu où l’on peut automatiser le moindre aspect du gameplay pour correspondre avec votre style. Une personne normale se dirait qu’«automatiser la défense», par exemple, signifie « tu défends ce système ». Non. Vous ne pouvez pas dire à une flotte de défendre un système précis, c’est l’IA qui décide quel système défendre. Donc c’est reparti pour que votre flotte se perde au milieu des étoiles, car pas de carburant pour aller défendre telle planète qui n’a aucune forme d’importance stratégique. Et ne parlons pas du fait que les flottes décident au petit bonheur la chance de se ravitailler lorsqu’elles sont en mode automatique. Idem pour les améliorations de vaisseaux. Et en attaque, parlons-en : lorsque la flotte est en automatisation « attaque », elle se tient en stand-by et une suite de cibles accessibles est disponible dans l’interface. Cool. Sauf que les vaisseaux ne se groupent pas lors du voyage. Les plus rapides, donc les plus faibles, arrivent en premier sur le site de la bataille et se feront éviscérer par l’ennemi en attendant que les vaisseaux lourds débarquent. J’appelle ça la « stratégie Leroy Jenkins ». Ce n’est pas très efficace. Vraiment, il s’avère que faire un 4X, c’est difficile.
L’économie du ruissellement
Bon voilà, nous avons un petit peu observé les systèmes de guerre. Je pourrais m’étendre sur le sujet, relever les autres soucis d’IA (les Pirates absolument surpuissants, les abordages sont totalement déséquilibrés et peuvent facilement retourner votre flotte de 4k contre vous en une seule bataille), mais ça ne serait pas intéressant car les 4X, ce n’est pas que la guerre. Parlons un peu expansion. Je n’ai pas la moindre idée de comment elle fonctionne. Plus sérieusement : dans Stellaris, il faut construire une station dans les systèmes que vous voulez contrôler. Simple, efficace. Ici, vos colonies ont une zone d’influence qui englobe les systèmes voisins, mais vous ne les contrôlez pas pour autant, et l’IA peut coloniser des planètes comme elle veut et vous ne pouvez rien faire contre. Vous n’avez aucun moyen d’empêcher ce genre de colonisation sauvage. Je ne suis même pas sûr que vous puissiez déclarer la guerre, ou ne serait-ce qu’exprimer votre colère diplomatiquement, pour récupérer ce genre de planète. D’ailleurs, la guerre d’expansion n’est absolument pas claire. Dans Stellaris, encore une fois (je vous avais prévenu), vous prenez les systèmes en attaquant la station et vous pouvez demander leur appropriation lors de l’accord de paix. Ici, votre seul moyen d’expansion militaire est d’attaquer les colonies. Donc avec une invasion. La raison pour laquelle je n’ai jamais joué militaire sur mes quatre parties pour ce test, considérant les problèmes évoqués plus haut.
En revanche, Distant Worlds 2 brille par son économie. Point de ressources à gérer, pas d’or (enfin crédits, c’est le futur), mais deux économies : publique et privée. L’économie publique, c’est vos vaisseaux militaires, les frais de colonies, l’entretien de vos troupes et tout ça. Vous pouvez être facilement en déficit, mais contrairement à beaucoup de jeux, ce n’est pas grave, car l’économie privée sera là pour vous. Indirectement. En effet, il y a un système de vaisseaux civils, que vous ne construisez pas et ne gérez pas. Par contre, la sphère privée (pensez corporations) vous paye pour les construire. Si votre économie est saine, les crédits ruisselleront dans vos coffres, peu importe si vous dépensez trop. Plus vous construisez de stations minières ou de tourisme, plus la sphère privée sera prospère et utilisera vos chantiers navals pour que ses petits cargos fassent des allers-retours sur la carte. C’est un système original dans un 4X, qui change pas mal de devoir gérer l’intégralité de votre économie, ce qui, dans un Stellaris par exemple, peut devenir très vite agaçant. Et c’est là que l’automatisation du jeu est salutaire. En effet, pas besoin de guider vos vaisseaux d’exploration et constructeurs, vous vous contentez d’ouvrir de temps en temps l’onglet « minage » et d’ordonner la construction de toutes les stations minières possible.
L’Elcor intermédiaire
Un 4X, c’est également pléthore d’autre systèmes qui doivent fonctionner en tandem si le jeu espère marquer le genre. Prenons par exemple la recherche. Généralement, il s’agit du système le moins peaufiné dans les 4X : on te file un arbre et tu fais ton truc. Stellaris a un petit peu innové en proposant des recherches aléatoires (également organisées selon un arbre technologique, ce qui ne change que l’ordre de recherche et empêche la planification). Distant Worlds 2 ne réinvente pas le fil à couper l’eau chaude, puisqu’on a de nouveau un arbre, avec l’option de ne pas le dévoiler en entier. Mais ça reste un arbre technologique, organisé en catégories (armes, développement, économie, colonie, diplomatie). Comme le reste du jeu, vous pouvez automatiser les recherches, vos scientifiques décideront sur quoi se concentrer et vous pouvez penser à des choses plus importantes, comme empêcher cette flotte de se jeter dans un trou noir. Petite innovation : vous pouvez avoir plusieurs recherches simultanées et attribuer un surplus de budget pour accélérer la recherche. Rien de bien fou, mais c’est une bonne idée.
Comme dit plus haut : taper sur ses voisins, c’est frustrant à cause de l’IA aux fraises de vos flottes et le fait qu’elles se précipitent dans la gueule du loup sans réfléchir. Mais du coup, la diplomatie est-elle une alternative ? Non. Votre principal gameplay diplomatique consistera à arroser d’argent vos voisins jusqu’à ce qu’ils vous aiment assez pour signer de multiples traités (commerciaux, non-agression, recherche, ce genre de choses). Vous pouvez bien mettre un diplomate chez eux et rechercher les technologies relatives à la race en question pour améliorer vos relations, mais nous sommes loin du jeu d’alliance d’un Stellaris avec le DLC Federations, ou même simplement d’un Civilization VI et son système d’objectif secret. Qui plus est, vos adversaires ne semblent pas avoir de buts et vous déclareront la guerre un peu comme ils veulent. Pas de réelle visualisation de la tension ou de simple possibilité de leur donner ce qu’ils veulent pour éviter la guerre. Il y a également de l’espionnage, que je vous conseille de gérer manuellement sous peine de voir l’IA espionner à l’arrache vos alliés et baisser votre réputation lorsqu’ils se feront chopper. Bref, comme la plupart des systèmes de Distant Worlds 2, c’est à parfaire, bancal et ça prouve une chose : faire un 4X, c’est difficile.
Distant Worlds 2 a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Oui, c’est un test relativement court pour un 4X qui se veut dense et complexe. Mais Distant Worlds 2 ne me paraît pas si complexe. Bien sûr, il y a de nombreux systèmes imbriqués et interdépendants. Mais j’ai l’impression que ceci n’a aucune importance. Il n’y a pas de choix stratégiques d’alliance, de construction, de colonisation, pas de dilemmes « Dois-je m’allier avec cet empire idéologiquement opposé au mien pour me défendre contre ce voisin génocidaire ? ». J’ai l’impression d’avoir passé mes heures de jeux à cliquer sur des boutons pour faire des choses et c’est tout. La diplomatie est simpliste (arroser les empires d’argent jusqu’à ce qu’ils soient vos amis), l’exploration vide (peu d’évènements), la recherche classique (un arbre technologique tout ce qu’il y a de plus banal) et la guerre frustrante. Le jeu ne brille que par son économie, qui a quand même comme effet secondaire de ne même pas rendre nécessaire de gérer son budget tant le secteur privé remplit vos coffres. Ce n’est pas un mauvais jeu, mais ce n’est pas non plus un bon jeu. Tout au plus, c’est une plateforme relativement solide pour que les développeurs puissent l’étendre par la suite, mais avant ça il y a beaucoup de travail à faire, en particulier d’optimisation, le jeu étant TRÈS lent sur les plus grandes cartes. J’y reviendrai probablement, mais ce n’est clairement pas le tueur de Stellaris que j’attendais.
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
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