Death Trash est sur le radar de beaucoup de monde depuis ses différentes apparitions en vidéo et surtout sa version démo durant le Steam Summer Game Festival. Il faut dire que son univers post-apo est pas mal différent de ce qu’on voit d’habitude. Désormais disponible en early access, j’ai pu constater que cette particularité et ses autres qualités font déjà de Death Trash un titre très intéressant, et cela malgré d’inévitables limites.
Sortir de la masse des jeux Steam estampillés “indés” est une aventure à part entière pour les développeurs, voire parfois un véritable combat. La faute à une surabondance de jeux qui se disent indépendants, au point que le concept même de “jeu indé” renvoie désormais à autre chose que la stricte notion d’indépendance. Je vous renvoie à cette critique de Sun Haven par Zali où il revient justement sur une des conséquences, à savoir des tas de jeux identiques. Or si je parle de tout ça, c’est justement pour dire que Death Trash évite cet écueil. Alors oui, les graphismes en pixel art pour un jeu dit indé ça n’a plus rien d’original depuis la fin des années 2000 et le début des années 2010. Mais justement, la variable désormais, c’est la qualité et l’originalité de ceux-ci. Un exercice sur lequel le jeu du petit studio Crafting Legend, s’en sort donc plutôt bien, grâce à un univers assez peu conventionnel en jeux vidéo.
Junk-punk et pixel sans déchet
Le monde de Death Trash et notamment son marquant Kraken de Chair (oui, c’est son nom) sont clairement à l’origine de l’attention portée sur lui. Dès la cinématique de départ, on a de quoi être accroché : une planète lointaine, Nexus, où les humains errent et surtout survivent entre ruines et civilisation robotique avancée. Tout se déroule des années après le Bleeding, un événement dont on apprendra plus tard la signification mais qui gardera malgré tout une aura de mystère. Le jeu démarre, passé un outil de création de personnage qui provoquera sûrement la colère d’une frange reloue des joueurs et joueuses puisqu’il n’attribue pas de genre précis. Une fois cela effectué, on passe au versant RPG avec la fameuse attribution des points de compétences, rien de bien nouveau sur la forme, mais sur le fond, on note quelques spécificités sur lesquelles on reviendra dans la partie gameplay. Une fois tout cela fait, on est projeté dans l’aventure et des robots nous accueillent. Ou plutôt nous invitent à partir.
Car voilà, notre personnage est expulsé du cyberwomb, soit le… cyber-utérus, une sorte de matrice, à cause d’une maladie bizarre qu’il aurait contracté. Les robots lui enjoignent de sortir après un petit parcours qui a tous les airs d’un tuto qui ne dit pas son nom. Une pratique largement répandue dans quasiment tous les jeux désormais, afin de pallier l’absence du petit manuel papier. Ce passage de prise en main terminé, nous voici à l’extérieur et, très vite, devant le Kraken de Chair et le prêtre qui veille sur lui. Forcément, tout ça amène à déjà jauger graphiquement le jeu. Le pixel art est bien optimisé, avec des effets visuels sympas et qui explicitent bien la sensation d’être sur une planète à part. Les tas de viande ressemblent à des amas grouillants et gluants, mais sont utilisés comme des gisements à ciel ouvert par les habitants de Nexus. Dévorant cette viande dont ils ne connaissent pas la provenance ou la contenance, au point de vomir de temps à autre après en avoir trop ingéré, mais ils ne semblent pas vouloir d’alternatives. Le vomi a tout de même son importance puisqu’il sera même une compétence essentielle à certains moments du jeu. Original.
Mais s’ils ne mangent que ça, c’est peut-être aussi parce qu’il n’y a que ça. Death Trash juxtapose en effet à l’abondance de cette viande inconnue des paysages arides, entre plaines désertiques et pics rocailleux. On découvrira aussi quelques lieux de vie, oasis crasseux où subsiste une poignée d’humains, souvent près de vestiges technologiques. Ce versant techno se retrouve dans les sous-sols et bunkers, qui prennent la forme de donjons à couloirs, et où des décors métalliques partagent l’espace avec des machines futuristes. Visuellement, l’impression de saleté et de rugosité, autant que celle d’outils électroniques complexes mais abandonnés, ressort bien. Une réussite qui passe par d’excellents choix de direction artistique, et qui se confirmera peu importe le lieu visité. Le travail sonore n’est pas en reste avec une bande-son souvent discrète mais bien présente lorsqu’il s’agit de renforcer l’ambiance d’un lieu.
Découpes, roulades, tirs et compétences
Avec ce lore intrigant et sa belle restitution graphique, Death Trash a donc capté l’attention des uns et des autres. Mais ce n’est évidemment pas tout ce qu’il a à offrir. En effet, il s’agit d’un RPG au gameplay intéressant. Comme je le disais plus haut, on décide au départ de ses points à attribuer, d’une part dans les caractéristiques principales, et de l’autre dans les secondaires. Les premières impacteront votre personnage dans ce qu’il est (santé, force, empathie, etc) et les secondes ses capacités (maîtrise des armes de mêlées, des fusils, du camouflage, crochetage, etc). À chaque prise de niveau, on obtient de nouveaux points, qui viendront un peu plus renforcer notre style de jeu préféré. Un choix large même si pas forcément équilibré pour le moment, certains talents secondaires étant très circonstanciels, voir inutiles. Il est difficile au départ de savoir qu’est-ce qui aura une vraie utilité, mais heureusement on peut reset tout ça auprès d’un marchand. Afin de se personnaliser, on peut bien sûr s’équiper d’items mais aussi s’attacher des “souvenirs” liés à ce qu’on a croisé de marquant (dont celui … d’un mec tout nu). Ah et avant que j’oublie, sachez qu’il est possible de jouer au jeu en coopération mais uniquement localement. Je savais pas où le placer donc voilà, vous avez l’info.
L’orientation de notre manière de jouer se décidera vite avec les premiers combats. La maîtrise de la roulade apparaît dès lors vitale afin d’esquiver les ennemis, et une bonne utilisation du camouflage pour éliminer facilement un adversaire dangereux sera toujours bienvenue. Le game feel est très cool, on gère du mieux qu’on peut notre endurance en optimisant les timings de roulade et l’esquive des attaques ennemies. J’ai vraiment aimé foutre des coups de sabre aux ennemis et créatures corrompues, encore plus après une attaque fatale dans le dos. Alors certes c’est un peu rude au départ, surtout si vous avez fait le pari d’une difficulté élevée.
Mais ce côté punitif n’est pas déplaisant car il rajoute un challenge supplémentaire, tout en étant cohérent avec le monde dans lequel on évolue. Ainsi, même en prenant des niveaux et en gagnant en puissance, les groupes d’ennemis représenteront toujours un défi à ne pas négliger. En plus de ça, esquiver à coups de roulades ne vous sauvera pas toujours de ceux qui attaquent à distance, et il faudra substituer au corps à corps l’utilisation d’armes à distance. Sauf que même si ces dernières sont efficaces, elles nécessitent des munitions, rares à trouver, ou chères à acheter.
Heureusement, il existe une alternative : le craft. Celui-ci est facile à comprendre, grâce à une interface simple et lisible. On récupère des objets, on peut les recycler pour obtenir des matières premières (ou les garder et les vendre) et s’en servir pour fabriquer des munitions, des kits de soin, des kits de crochetage, et bien d’autres items essentiels ou optionnels selon le moment. Très souvent rébarbatif, il ajoute ici une touche de gameplay supplémentaire légère mais efficace, tout en augmentant l’intérêt d’aller explorer la carte en dehors des quêtes qui nous sont confiées, histoire de récupérer plein d’objets. Et ce n’est pas plus mal car très vite, on se rend compte de deux choses : la carte est grande et le nombre de quêtes limité.
Quêtes limitées et quelques limites
J’évite d’habitude de trop consacrer une partie aux limites d’un jeu, préférant les étaler au fil de la critique. Mais c’était un exercice difficile ici, d’une part parce que le jeu est en early, et d’autre part parce qu’elles sont presque totalement focalisées sur un sujet précis. C’est ce point que je veux d’ailleurs aborder en premier. Comme je le disais juste avant, la carte du jeu est grande. Ou plutôt disons qu’elle est grande dans le ressenti. On a des zones précises à explorer, elles-mêmes divisées en plusieurs sous-zones. Jusque-là pas de problèmes, au contraire même, ça permet de bien séparer les environnements et la sensation d’exploration et de découverte de la map globale et des maps “locales” s’en trouve améliorée. Le véritable problème se situe dans la manière dont le jeu nous guide dans ces endroits. Pour un RPG, je trouve qu’il y a très peu de quêtes et par conséquent, si on n’est pas un peu curieux, Death Trash ne nous fera pas parcourir beaucoup d’endroits.
À cela s’ajoute un problème fatalement lié : le manque d’un fil conducteur précis. Il y a de la narration en jeu, c’est bien écrit, ça oscille entre ton grave et humoristique sans soucis, mais on se perd un peu sur les raisons qui nous poussent à explorer Nexus. C’est d’une certaine manière voulu parce que notre personnage débarque dans ce monde extérieur hostile, mais ça ne devrait pas vouloir dire des quêtes décousues. Même dans un MMO, et dans les jeux à monde ouvert en général, il y a cette idée d’une histoire à laquelle on peut toujours se raccrocher et qui donne du sens à notre aventure. Ici je n’ai pas trop eu cette sensation, à part autour des quêtes à l’Est de la map, et sans être un minimum curieux, on peut vite perdre en intérêt pour le jeu bien avant. Encore plus parce que certaines quêtes sont clairement indiquées comme « WIP » (work in progress, c’est-à-dire en cours de conception). Heureusement, le gameplay et la DA aident à garder intacte notre curiosité, mais pour un RPG c’est assez frustrant.
Ce qui m’amène à me questionner sur l’autre sujet que j’abordais dans ce début de partie : l’early access. L’équipe de Crafting Legends indique que lors de la version finale, le jeu atteindra une durée de vie de plus de 20h, avec une campagne sur mesure, une meilleure prise en compte du gameplay hors combat, et une meilleure rejouabilité. Ce qui voudra donc dire que les différents points que j’ai notés soit comme gênants, soit vraiment problématiques, devraient disparaître de la version finale. Parfait. Mais alors, pourquoi prendre cette version early access ? Surtout que la démo est disponible gratuitement, et permet de faire pas mal le tour des principales features du jeu. À 20€ l’accès anticipé, je pense que c’est une question qu’il faut vous poser, malgré toutes les qualités déjà présentes du jeu.
Death Trash a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
RPG typé junk-punk qui rappellera à certains les premiers Fallout, Death Trash trouve sa propre voie avec un univers en pixel art qui mêle gore et post-apo avec un gameplay efficace. Un travail soigné pour la petite équipe de Crafting Legends, mais qui souffre un peu de sa narration pour le moment incomplète. Reste à espérer que la construction de celle-ci dans sa globalité n’en sera pas affectée. Encore en accès anticipé, avec une sortie envisagée en 2022, cela laisse toutefois présager d’un excellent jeu, une fois disponible en version finale.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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