Véritable renaissance pour la série phare du studio Gust comme nous l'évoquions ici ou là, la série Atelier Ryza avait réussi à transformer une formule ultra vieillotte en un JRPG moderne, axé sur l'aventure et l'exploration et servi par un casting de qualité. Le troisième et dernier épisode de la sous-série, Atelier Ryza 3: Alchemist of the End & the Secret Key vient apporter une juste conclusion à cette longue et belle aventure.
Même si Atelier Sophie 2, l'épisode 2022 de la franchise, n'était pas très réussi, il venait nous rappeler une évidence. Fini les Atelier fadasses et étriqués dans de tout petits hubs, où nous étions résignés à accomplir des quêtes abrutissantes pour faire monter des jauges et des scores. Désormais, un épisode majeur de la série se doit de rimer avec des mondes semi-ouverts, un rythme plus soutenu et - toutes proportions gardées - une aventure un minimum épique. Une formule inaugurée par Atelier Ryza, et largement perfectionnée par Atelier Ryza 2. Au point que l'on pouvait se demander ce qu'il restait à dire de la vie et de l'œuvre de Reisalin et ses petits potes aventuriers : jamais la série n'avait ainsi conservé la même héroïne trois jeux de suite. Et pourtant, une fois de plus, la magie opère. Gust fait lentement basculer Atelier dans un (chouette) monde ouvert, et ses personnages dans le (moins chouette) monde des adultes. Au prix de grosses concessions et de pas mal de recyclage, certes, mais avec un grand respect pour le travail déjà accompli et celles et ceux qui souhaiteraient en voir le bout, manette en main.
Mélancol-île
Les années ont passé depuis Atelier Ryza 2 et l'archipel de Kurken semble avoir retrouvé une vie paisible. Reisalin "Ryza" Stout est désormais une jeune adulte, et une alchimiste aguerrie. De retour sur son île comme tous les étés, elle y retrouve ses amis d'enfance, puis se voit rapidement embringuée dans une ultime aventure. Des îles mystérieuses sont apparues aux quatre coins du pays, perturbant la géopolitique locale, et seuls des aventuriers rompus à des bizarreries de nature magique peuvent enquêter sur la situation. Ryza et ses compagnons décident donc de s'y coller, tout en étant conscients qu'à l'aube de leur vie professionnelle de grandes personnes, cela sera vraisemblablement leur toute dernière aventure.
Après un premier jeu placé sous le signe de l'aventure adolescente estivale et un second sur le thème du passage à l'âge adulte et du voyage, Atelier Ryza 3 emprunte, sur un ton certes toujours léger, le chemin de la mélancolie de la fin de la jeunesse. Très tôt dans le jeu, il est établi que cette quête épique sera la dernière avant de vivre des vies sans doute un peu moins dangereuses, mais certainement aussi un peu moins intéressantes. Un dernier été pour tout faire, pour tout se dire et n'avoir aucun regret. Si le ton du jeu reste globalement amusant et insouciant, l'aventure embrasse pleinement cette légère mélancolie : les personnages revisitent avec des souvenirs attendris les lieux des premiers jeux, terminent certaines histoires entamées lors de leurs débuts (canoniquement quatre ans plus tôt), et font la démonstration de tout ce qui a été appris en chemin.
La dynamique des relations entre les personnages évolue ainsi très naturellement à mesure que l'on visite les étapes d'un récit assez long, composé à la fois de zones déjà traversées lors de la trilogie et d'environnements entièrement inédits. Une dynamique qui est désormais celle de jeunes adultes ayant presque tous choisi leur voie et étant déjà aguerris : Ryza commence ainsi l'aventure déjà bien armée, du haut d'un niveau 20 bien pratique pour tabasser les petits monstres croisés au début du jeu. Si une petite pirouette nous est évidemment livrée pour justifier de devoir "réapprendre" l'alchimie de zéro ("oups, je connais les recettes, mais comme je suis en vacances, j'ai oublié mon matériel"), on incarne désormais une magicienne professionnelle, qui va se reconstituer un inventaire illico presto. C'est d'ailleurs sous le signe du rythme et du professionnalisme que se décline Atelier Ryza 3, et c'est heureux.
Craft-maga
Très centré sur ce qu'il a à raconter, Atelier Ryza fait en quelque sorte passer la confection d'objets via l'alchimie au second plan. Il est moins question que dans les autres jeux de la série d'apprendre de nouvelles recettes : vous connaissez déjà l'essentiel. Très tôt dans le jeu, vous pourrez créer les outils nécessaires à récolter l'essentiel des ressources de la map (marteau, faux, canne à pêche…) et reconstituer en quelques heures une grosse partie de l'arbre de craft proposé par le reste de la trilogie. Presque tous les ingrédients peuvent se ramasser à la volée en explorant les différentes contrées, et en moins de six heures, on a d'ores et déjà l'impression d'être mieux équipé et plus avancé en alchimie que dans Atelier Ryza 2.
Tout ceci est servi par le système le plus instinctif et le mieux présenté de toute la série Atelier : on comprend toujours parfaitement quoi faire pour créer de meilleurs objets ou dénicher de meilleures recettes. Et le tout est optimisé par la possibilité d'accélérer et d'automatiser (voire de faire les deux) toutes les créations d'objets. Chaque retour à la base est ainsi un immense plaisir : on en ressort farci d'objets ultra-efficaces et de nouveaux points de compétence à débloquer dans un arbre particulièrement bien fichu, et le tout sans y avoir passé davantage que quelques minutes.
Une approche un peu différente de la philosophie habituelle de la série, plaçant la création de trucs et de machins au cœur de son système et de son propos, mais pas dans Atelier Ryza 3, qui n'a plus de temps à vous faire perdre et préfère se concentrer sur un certain sentiment d'urgence. Car cette dernière aventure, il faut enfin la vivre !
Une aventure à tombeau (presque) ouvert
On le sentait venir dès le premier épisode en 2019 : Gust était démangé à l'idée de proposer un vrai monde ouvert à explorer pour Ryza. Aux minuscules hubs (voire aux couloirs) des jeux précédents, la série Ryza proposait de grandes plaines, de vastes ruines, des montagnes à escalader… Mais pas encore tout à fait la liberté d'action d'un Zelda : Breath of the Wild ou d'un Xenoblade Chronicles dont elle semblait s'inspirer. Soyons clairs : nous n'y sommes pas encore. Mais on s'en approche de plus en plus.
Après une première zone encore un peu timide sur la question, Atelier Ryza 3 s'ouvre rapidement en proposant quatre grandes cartes à explorer de manière fluide, regorgeant de secrets, de contenus optionnels et de petites choses à faire en marge d'une aventure qui va, de toute façon, vous faire cavaler beaucoup plus et beaucoup plus loin qu'avant. Certes, le résultat fera sans doute ricaner quiconque ne jure que par les grandes maps remplies d'objectifs d'un open world AAA. Mais le chemin parcouru est énorme, Gust a beaucoup appris à mesure que les épisodes de Ryza s'enchaînaient, et l'étape actuelle d'un monde semi-ouvert petit, mais charmant est une belle promesse pour l'avenir.
Certes, les concessions se discernent encore, et elles sont parfois assez lourdes : recyclage éhonté d'assets et de monstres, retour tel quel d'environnements et de donjons des jeux précédents juste pour faire du volume, et performances graphiques parfois un peu faiblardes. Mais la série part de loin, et rattrape la modernité à pas de géant sans tomber dans ses travers les plus irritants, à l'image des quêtes annexes, des collectibles et du contenu optionnel, bien présents, mais jamais envahissants.
Le festin nul
Atelier Ryza 3 est, vous l'aurez compris, une franche réussite qui mérite sa place au rang des RPG les plus satisfaisants de l'année, à condition que vous ayez déjà apprécié et bouclé les deux précédents. Il ne s'agit nullement d'un épisode inclusif désireux de vous vendre la trilogie, et il ne fait globalement pas le moindre début d'effort pour recontextualiser quoi que ce soit ou vous réexpliquer autre chose que ses mécaniques centrales et ses quelques nouveautés de gameplay. Ce n'est pas en soi un défaut, puisqu'après tout il s'agit d'une suite directe dans le sens le plus classique du terme.
Dans le même genre de petite contrariété, on notera que le jeu ne bénéficie cette fois plus d'une traduction française, il faudra donc se contenter de la version anglaise. Regrettable, mais compréhensible au regard des frais de localisation importants pour un JRPG si verbeux. Mais en revanche, il faut bien reconnaître que des défauts un peu plus rédhibitoires, le jeu de Gust n'en manque pas.
Le plus criant est sans conteste le système de combat effroyablement chaotique, dont la seule qualité est qu'il sait se faire rare. Dans Atelier Ryza 3, on peut zapper beaucoup d'affrontements, et les personnages levellent vite. Mais de temps en temps, il faut bien aller se taper avec la faune locale, et commence alors un petit manège graphiquement très brouillon, qui n'a pas du tout su choisir entre temps réel et tour par tour. On attaque en devant bloquer des trucs en rythme, on génère des points d'action, et des points d'objets, on change de personnage à la volée pour faire je ne sais quel combo, des informations clignotent dans tous les sens. Laissez-moi vous dire que rapidement, on se contente juste de refaire la même combinaison de boutons qui marche à tous les coups pour balancer trois pouvoirs et deux objets et qu'on renonce à essayer de comprendre ce qui s'est passé. Heureusement que le niveau de difficulté reste extrêmement faible et qu'on boucle presque toutes les bagarres en quelques dizaines de secondes.
Autre point assez pénible du jeu, et qui était déjà fort agaçant dans le second épisode : sa tendance de plus en plus lourde à faire du fan service déplacé mettant un peu trop en valeur les atouts de son héroïne, dont les tours de poitrine et de cuisse confinent désormais à l'autoparodie. Je ne doute pas que la nourriture de l'île de Kurken aide à bien grandir, mais dans un jeu au propos si dénué de toute intrication romantique ou sexuelle, je ne suis décidément pas très convaincu par la capacité de la caméra à systématiquement se placer dans l'énorme décolleté ou entre les plis du Poom Poom Short de Ryza, en insistant lourdement sur ces moments hors de propos. Et évidemment, non sans vous proposer tout un tas de DLC à un prix prohibitif pour mettre Reisalin en nuisette ou en bikini. Ce n'est pas si grave, et on oublie vite cette tendance du jeu à devenir de plus en plus libidineux à chaque épisode, mais vraiment, on aurait pu faire sans.
Atelier Ryza 3: Alchemist of the End & the Secret Key a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch, PlayStation 4 et 5.
C'est un peu étrange de se dire que "Atelier Ryza, c'est terminé". Sans avoir marqué profondément l'histoire du JRPG, la série a réconcilié le public avec le studio Gust, qui a livré depuis quatre ans certaines de ses meilleures productions. Arrivant parfaitement à mélanger petite et grande aventure, la trilogie a réussi à faire grandir et évoluer ses personnages, son univers et son gameplay. Parfois pour l'emmener dans des endroits un peu douteux, mais souvent pour renouer avec ce qui faisait de la série Atelier une franchise avant-gardiste et audacieuse il y a plus de vingt ans. C'est absolument réjouissant.
Les + | Les - |
- Le monde semi-ouvert assumé et réussi | - Un système de combat franchement bordélique |
- La conclusion que la série méritait | - Adieu la VF, il faut parler anglais |
- Le scénario finalement assez malin et rythmé | - Absolument sans intérêt si vous n'avez pas fait les deux épisodes précédents |
- Probablement le meilleur système d'alchimie jamais proposé dans la série Atelier | - On aurait pu se passer du fan service douteux |
- Casting extrêmement attachant jusqu'au bout | |
- Portage PC exemplaire |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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