Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali nous parle du beat them all à thématique amazonienne Tunche et Shift du sympathique puzzle game Where Cards Fall.
Tunche
Dernière production du studio péruvien LEAP Game Studios, Tunche est un roguelite beat them all coopératif dessiné à la main, dont la principale originalité tourne autour de son univers et de son bestiaire, largement inspiré du folklore des peuples natifs de l’Amazonie. Très bien sur le papier, mais hélas, Tunche est aussi un jeu qui a beaucoup, beaucoup de mal à se renouveler et à trouver son rythme, la faute à un équilibrage pas super optimal entre mode solo et mode multi.
Dans la jungle, terrible jungle
Après avoir choisi un des cinq personnages jouables de Tunche (pour autant de légères variations de gameplay), nous voici plongé au cœur de la jungle où un démon a semé la pagaille, et chacun des héros et héroïnes potentiels a une très bonne raison d’aller en découdre. Problème : le chemin est semé d’embuches et les personnages vaincus sont vite contraints de retourner au point de départ, sauvés par une mystérieuse shamane. Un peu de loot ramassé en chemin leur permet d’acheter quelques améliorations permanentes, et hop, on recommence.
Avec son mélange de bonus partagés entre chaque membre de l’équipe et de récompenses individuelles, Tunche a une approche intéressante, poussant à varier les essais et à découvrir le jeu avec les différents personnages pour découvrir les tenants et aboutissants d’une histoire racontée au fil de leur progression. Sans révolutionner le genre, se révèle un univers assez attachant et bien pensé, au folklore étonnant et réservant quelques surprises (les boss, par exemple, sont superbes). On sent que LEAP Game Studios a réellement pris soin de créer un monde consistant et attrayant, servi par des décors somptueux et un bestiaire séduisant. Le problème, c’est que si Tunche est d’une simplicité élémentaire à prendre en main, c’est aussi un jeu qui installe rapidement son autre mécanique principale : l’ennui.
Une progression hélas déséquilibrée et répétitive
Le principal problème de Tunche, c’est son rythme, qui induit un côté beaucoup trop monotone et répétitif. Pour le dire vite : chaque ennemi de Tunche est un gros sac à PV, et vous allez devoir massacrer beaucoup, beaucoup, beauuucoup de fois les mêmes mobs pour avancer. Il faut parfois compter vingt bonnes minutes pour atteindre un boss, plus d’une heure pour une run, et ce sans possibilité d’effectuer des sauvegardes intermédiaires ou de suspendre un essai sans perdre tout son loot au passage.
Bien entendu, cette dimension est moins vraie en multi (au moins on étale les vagues infinies de monstres un peu plus vite), mais cela ne résout pas le problème : pour arriver au bout de Tunche, il faut excessivement faire progresser les personnages, débloquer leurs coups, des améliorations permanentes, fabriquer des points de récupération de PV entre les biomes etc. Ce qui demande énormément de ressources, donc de runs, et donc… bien trop de retours à la case départ, à retraverser en boucle les mêmes univers farcis jusqu’à la gueule de mobs de base. Le manque de variété prend vite le pas sur le sentiment de découverte et on finit par quitter Tunche avec l’impression que s’il peut faire passer quelques soirées amusantes entre amis, c’est aussi un beat them all plutôt faiblard, misant bien plus sur la quantité de trucs à taper que, mettons, sur l’équilibrage du gameplay entre les personnages, certains d’entre eux étant incroyablement plus forts et efficaces que les autres. Il aurait peut-être fallu commencer par là.
Tunche a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur PC.
Un gameplay mal équilibré, une répétitivité qui épuise rapidement et une progression trop lente : on regrettera que Tunche ne soit pas meilleur, au regard de ses ambitions. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un jeu agréable à parcourir quelques heures en coop locale (une denrée rare !) et que la découverte de son superbe univers amazonien reste un bon moment.
Where Cards Fall
Je dois l’avouer : les histoires de coming of age, les introspections, les souvenirs de jeunesse, les œuvres qui poussent à se remémorer son enfance et adolescence, à faire le point sur sa vie, ça commence à me gaver. J’ai l’impression que le tour de la question a été fait et qu’il n’y a plus des masses de choses à raconter sur ce sujet, particulièrement quand il s’agit des expériences d’hommes blancs américains ou européens. Et je ne parle pas que de jeu vidéo ici, j’avais eu à peu près le même constat devant Mid90s de Jonah Hill, formellement impeccable mais aux thématiques qui ne me touchent plus tellement. C’est exactement le cas de Where Cards Fall et de sa collection de scénettes muettes et poétiques, et c’est très exactement ce qui m’a fait me détourner du propos du titre à la vitesse de la lumière : le titre de Sam Rosenthal et The Game Band est joliment raconté mais c’est une histoire que je ne souhaite plus vraiment suivre. Fort heureusement, Where Cards Fall est, au-delà du côté introspectif, un puzzle game assez redoutable.
Château l’artiste
Cela fait quelques années, désormais, qu’une branche du puzzle game indé brille grâce à des concepts épurés exploités à fond sur une poignée d’heures, évitant de ce fait d’allonger la sauce avec des mécaniques inutiles ou trop complexes. C’est le cas de Draknek (A Monster’s Expedition, A Good Snowman is Hard to Build, Cosmic Express), de ses potes (Bonfire Peaks), ou du récent Dungeon & Puzzles. Et sans tout à fait atteindre le génie de ses petits camarades, il faut tout de même reconnaître que Where Cards Fall reste dans la même lignée de puzzles aux mécaniques simples à comprendre mais compliquées à appréhender, reposant ainsi sur un level design efficace et des combinaisons inventives.
Les niveaux de Where Cards Fall reposent sur des empilements de cartes et châteaux de cartes à agencer de la bonne manière, afin de faire atteindre la sortie – généralement bien en hauteur – à notre personnage. Les decks de cartes finissent par légèrement se diversifier (blocs, tours, maisons) mais le titre séduit par ses niveaux particulièrement resserrés, comportant rarement plus de quatre ou cinq paquets de cartes et autant de plateformes. Where Cards Falls n’augmente jamais sa difficulté par la quantité (de cartes, de surface de jeu) mais par la complexité des agencements de ses niveaux, méthode assez élégante s’il en est.
Ainsi, en se concentrant sur cette philosophie, le titre de The Game Camp se parcourt assez agréablement, dans des tableaux à la DA certes simple mais au design et aux couleurs franchement jolis, et jamais sans encombres, grâce à son système d’indices parfaitement pensé : il est possible de demander au jeu où poser le prochain bloc dans un niveau un peu trop retors et de ce fait ne jamais rester coincé si la logique d’un tableau nous échappe totalement. Un apport bienvenu, qui manque encore dans beaucoup de titres du genre, et qui permet à tous types de publics de se lancer dans l’aventure sans craindre de bloquer avant la conclusion.
La pile tremble, mais ne tombe pas
Dommage, donc, que malgré ses qualités, Where Cards Fall manque du petit éclat de génie qui caractérisait des titres comme A Monster’s Expedition ou Bonfire Peaks, ce petit moment où l’on se rend compte qu’une mécanique en a beaucoup plus sous le capot qu’on l’imaginait et redistribue toutes les cartes sans ajout de gameplay, seulement par la force du level design. Ainsi, sans pour autant devenir rébarbatif ou ennuyeux, le jeu atteint rapidement sa vitesse de croisière et ronronne doucement mais sûrement jusqu’à son final. Rien qui nous empêcherait de le recommander, mais un petit goût de trop peu quant à l’exploitation de la très bonne idée des decks de cartes.
Légèrement plus gênant, la technique du titre toussote une fois de temps en temps. En plus de son aspect puzzle game prédominant, Where Cards Fall propose un gameplay de platformer, et quelques glissades et sauts approximatifs sont parfois à déplorer, forçant parfois à quelques lents allers-retours ou tendant à faire douter de sa solution, pourtant exacte. De même, on râlera parfois devant ces paquets de cartes qui ne se sélectionnent pas correctement, défaisant des piles déjà construites ou déplaçant le mauvais bloc. Rien qui ne rendrait le jeu injouable ni même désagréable, mais c’est une petite ombre sur un tableau autrement largement positif.
Where Cards Fall a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur PC.
Where Cards Fall, bien que mineur dans le paysage du puzzle game indé, reste un très agréable jeu d’énigmes et de plateforme, seulement légèrement plombé par un manque de créativité dans l’utilisation de ses mécaniques et une technique ponctuellement défaillante. Nous lui retiendrons cette bonne idée des piles de cartes, ainsi que son très chouette système d’indices, que nous aimerions voir un peu plus généralisé. Et si l’aspect introspectif du scénario ne m’a que peu touché, c’est plus dû à une lassitude de l’exercice de ma part que d’un sérieux défaut du jeu : si vous êtes sensibles à ce type d’histoires, celle de Where Cards Fall a toutes ses chances de toucher au but.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
Articles similaires
Le backlog de TPP : plancton, démons et apocalypse
nov. 07, 2024
Le backlog musical : un crabe, des robots et du pesto
oct. 20, 2024
Le backlog de TPP : licornes, tapis roulants, disparition
oct. 05, 2024