Cette fois-ci dans Partie Rapide, Murray vous parle de The Almost Gone, un puzzle game qui sent bon la joie de vivre, et Shift de Across The Grooves, un Visual Novel musical très réussi.
The Almost Gone
Il y a des jeux comme ça qui tombent pile au bon moment. Prenez Catherine par exemple, lors de mon premier run sur le jeu, je sortais tout juste d’une relation amoureuse qui s’était finie pour des histoires de manque d’engagement. Et là cette semaine, ça n’allait pas fort…et vlan, The Almost Gone est arrivé pour m’achever.
Maudits ninjas coupeurs d’oignons
« Suis-je réveillée ? Je n’en ai pas l’impression. Mais je n’ai vraiment pas le sentiment d’être endormie ». C’est par ces mots que commence l’aventure The Almost Gone, qui vous met dans la peau d’un personnage féminin, à priori une enfant/adolescente mais rien n’est clairement dit si ce n’est qu’elle vit chez ses parents. Si elle reconnait les décors traversés, elle comprend aussi rapidement que quelque chose cloche, installant un sentiment de malaise. Ce dernier va d’ailleurs être rapidement renforcé par cette substance noire qui fait parfois son apparition et face à laquelle vous ne pouvez rien faire.
Mais The Almost Gone est avant tout un puzzle game, un point and click classique qui trouve son originalité dans sa présentation. En effet, les différentes pièces et zones que vous allez fouiller à la recherche d’indices et d’objets sont présentées sous forme de petits dioramas, renforçant cette impression étrange de lieux figés dans le temps. A vous de faire tourner ces décors sur eux-mêmes pour faire apparaître les différents murs, portes et objets avec lesquels vous allez pouvoir interagir.
Si le jeu se joue très simplement sur PC à la souris (clic gauche pour sélectionner ou interagir et clic droit pour ouvrir son inventaire), on sent tout de même que le jeu est fait avant tout pour le tactile, notamment celui d’un écran de téléphone. Cela ressort aussi dans la structure des pièces visitées, puisque l’on se balade de diorama en diorama, au point qu’il est parfois difficile de s’y retrouver (je pense notamment au chapitre 2 qui se déroule en extérieur). Mais rassurez-vous, rien qui ne bloquera votre découverte de l’histoire de cette héroïne sans nom et de sa famille.
Et autant vous le dire tout de suite, j’espère que vous avez passé une bonne journée parce que rien ne va dans le monde de The Almost Gone, de la famille proche et plus éloignée jusqu’aux voisins du quartier, tout le monde semble avoir connu un drame ou vivre dans la douleur, sans doute même un peu trop de douleur pour un même endroit, de quoi se demander s’ils ne se sont pas installés là où habitaient avant une certaine Edith Finch et sa famille.
Court mais heureusement pas trop long
Vous vous souvenez de cette impression que The Almost Gone est prévu avant tout pour un portable ? Cela se ressent aussi dans sa durée de vie : 2 petites heures. D’autant plus que le jeu n’est pas extrêmement compliqué, ce qui n’est pas en soi un mal, les énigmes étant assez logiques (pas de cintre à utiliser pour faire fonctionner un ordinateur et seulement pendant une minute paire).
Cela dit, ce n’est peut-être pas un mal quand on voit à quel point l’histoire s’enfonce dans des abîmes de noirceur… Pas sûr que mon cœur aurait supporté autant de joie de vivre sur plusieurs chapitres supplémentaires. Ce temps de jeu pourra cela dit faire grincer quelques dents pour un jeu vendu 14,99 € sur Switch et PC (mais 6,99€ sur iOS et Android… je dis ça…).
Finalement le seul problème que j’ai avec la brièveté du jeu vient de sa fin un peu trop abrupte, dans un chapitre 5 très très court et surtout basé sur une énigme déjà vue plus tôt dans l’aventure.
The Almost Gone a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est aussi disponible sur Nintendo Switch, iOS et Android. Un des membres de The Pixel Post, qui ne fait pas partie de l’équipe de rédaction, travaille, à l’heure où est rédigée cette critique, pour Playdigious, société éditrice du jeu The Almost Gone. Cela n’a eu aucune incidence sur le jugement porté sur le jeu.
The Almost Gone est un puzzle game original qui souffre surtout de sa brièveté (mais rassurez-vous, il ne souffre pas autant que son héroïne et sa famille). Il pourra plaire à celles et ceux qui ont peur de la difficulté dans les point and click mais attention tout de même à ne pas être trop sensible.
Across The Grooves
Rares sont les jeux à me faire réfléchir sur moi-même. En général, que je teste un titre pour The Pixel Post ou que je joue dans mon coin et pour moi, mon appréciation se fait en tant que joueur face à un gameplay, spectateur devant un scénario, et je découvre au fil des heures si ses mécanismes sont bien fichus ou non, si c’est mon type de jeu ou s’il s’adresse à un tout autre public, si l’histoire, l’univers, l’esthétique ou la bande-son me plaisent. Je ne pense pas à moi, je décide seulement si le jeu face à moi est bon ou non – selon mes propres critères, bien sûr, l’objectivité face à une œuvre est une douce illusion qu’il serait de bon ton de briser, au regard de certaines attentes de la critique vidéoludique – et si je suis le public auquel il s’adresse. Across The Grooves m’a profondément agacé dans ses premières heures, et, une fois le doigt mis sur la source de ma gêne, j’ai compris que ce n’était pas lui le problème, mais le fait qu’il me renvoie à la figure mes propres défauts et complexes. Et franchement, ça pique un peu.
Musical Novel
Across The Grooves est un Visual Novel tout ce qu’il y a de plus courant sur la forme, avec sa pléthore de texte à dérouler, ses quelques choix – pas toujours impactants, mais on a l’habitude – ses différents embranchements et sa quasi-absence de gameplay. Un format de jeu qui, bien que novice en la matière – hormis les formidables Doki Doki Literature Club et The Letter, je n’ai que très peu approché le genre – me convient tout à fait, d’autant que l’histoire du titre de Nova-box est plaisante à suivre, avec ses personnages particulièrement attachants et ses dessins colorés, aux tonalités chaudes et coups de crayons inspirés. Avec un petit twist cependant, si le scénario tourne autour de réalités parallèles, de sectes et d’effet papillon, son véritable centre d’intérêt, c’est la musique.
Un aspect absolument omniprésent, de l’évident vinyle maudit central à l’intrigue, aux séquences musicales – assez malines, même si j’ai personnellement un peu de mal avec l’aspect comédie musicale qui raconte l’histoire en chanson – qui s’adaptent aux choix, en passant par des personnages évoluant en très grande partie dans le milieu de la musique (disquaires, DJ, musicien·nes), tout le monde ou presque s’y connait. Et aime un peu trop le montrer.
Référence Nécessaire
Je passerai sur l’écriture en elle-même, globalement très correcte – même si certaines répliques dénotent et semblent un poil trop écrites pour être totalement crédibles – et qui fait agréablement couler les dialogues. Celle-ci se trouve cependant très très souvent ponctuée de références musicales, citant à tout-va noms de groupes, de labels, d’artistes, de courants musicaux plus ou moins obscurs et de termes techniques, parfois de façon justifiée, souvent un peu gratuitement. Et c’est là, après deux bonnes heures à trouver que, quand même, ça se la raconte un petit peu tout ça, je me suis rendu compte que j’avais l’impression de m’entendre parler, une fois lancé sur le post-rock, math-rock et autres étiquettes insensées, sur la chiptune, sur des groupes comme Mogwai, 65daysofstatic ou ou ou… bref. Tout ça peut durer longtemps, et si personne ne vient me couper, je monopolise la parole durant les repas ou soirées – ou finis par faire des chroniques musicales.
Un aspect qui a doublement cessé de m’agacer une fois le problème identifié – oui bon D’ACCORD, ça se fait de parler musique comme ça en ayant l’air vaguement prétentieux, c’est crédible -, quand j’ai remarqué qu’à chaque mention d’un terme, artiste ou label, celui-ci était intégré dans un large lexique – fort bien documenté, complet et recommandant nombre de morceaux et albums. HUM. Au-delà d’une posture un poil poseuse qu’on pourrait de prime abord attribuer aux auteurs, la présence de ce lexique semble bien plus témoigner d’une volonté de partage et d’initiation de leur part, que d’un vain étalage de culture. Et si j’ai pris plaisir à suivre les péripéties d’Alice et Ulysse, j’ai, je crois, encore plus apprécié feuilleter le lexique et noter les noms de groupes et albums inconnus au bataillon. Sans pour autant arrêter de ronchonner quand un personnage se mettait à trasher le post-rock ou Franz Ferdinand.
Un dernier point franchement plaisant dans le déroulement du scénario – cette-fois sans rapport aucun avec la musique -, et auquel je ne m’attendais absolument pas, c’est la liberté et variété des relations possibles dans Across The Grooves. À de nombreuses reprises, le titre vous laisse le choix de coucher ou de démarrer une relation avec une autre personne, permettant ainsi complètement de façonner la sexualité d’Alice – enfin, presque, puisqu’elle démarre l’histoire en ayant un mec, mais l’on peut au moins choisir si l’on veut un personnage bi ou hétéro, et ce n’est pas si courant. Le titre met également plusieurs couples – hétéros et gays – en scène, toujours avec justesse dans l’écriture. Pour être parfaitement honnête, j’ai couché avec tout le monde, pas par voyeurisme, mais car tous·tes les prétendant·es d’Alice me plaisaient. Et c’est, je crois, le plus important dans une rom-com.
Across The Grooves – et sa bande-son, merci – a été testé – et écouté – sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Mac et Nintendo Switch.
En plus des nombreuses qualités inhérentes au Visual Novel réussi – direction artistique colorée et agréable à l’œil, personnages attachants, scénario accrocheur, bonne rejouabilité et bande-son plaisante – Across The Grooves se démarque par son utilisation constante de la musique dans tous ses aspects, de son scénario aux dialogues en passant par sa narration, sans jamais oublier d’être accessible et pédagogue quand il s’engouffre dans des explications trop techniques ou genres musicaux de niche. Une bienveillance envers son public et une réelle passion pour la musique et son industrie qui parviennent aisément à faire pardonner quelques répliques un poil élitistes et agaçantes – mais j’en sais quelque chose, il est vite fait d’être saoulant quand on se met à parler musique – et les quelques plot holes disséminés çà et là dans l’aventure.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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