Cette fois-ci dans Partie Rapide, Murray fait face à Recursive Ruin, un jeu où les énigmes ne sont pas la chose la plus difficile à comprendre, et Zali nous parle de Gibbon : Beyond the Trees, courte expérience narrative sur le thème de la déforestation.
Recursive Ruin
Je me souviens de la première fois que j’ai vu Insterstellar fin 2014. Je sortais du cinéma avec l’impression de ne pas avoir bien tout compris au film et aux messages qu’il voulait faire passer. Pourtant, j’en sortais aussi avec le sentiment d’avoir passé un moment agréable, ne serait-ce que visuellement. Un peu moins de 8 ans plus tard, je fais un bilan (presque) similaire de Recursive Ruin.
Vers l’infini et au-delà
Recursive Ruin vous met dans la peau d’un homme vivant seul avec son chat Béhémoth (qui lui parle façon Salem dans la série Sabrina, l’apprentie sorcière). On comprend rapidement que ce jeune homme ne va pas très bien dans sa vie, toujours enfermé dans son appartement à ne plus travailler alors qu’il semble être un artiste assez doué. Mais il préfère jouer au jeu qu’il vient de recevoir, appelé « Recursive Ruin », et surtout un jeu auquel vous allez jouer pour lui tout au long de l’aventure.
Je ne vais pas aller plus loin pour le moment concernant l’histoire pour me concentrer sur le gameplay du jeu. Recursive Ruin est un puzzle game à la première personne dans la lignée de Manifold Garden. Vous explorez ainsi un monde où chaque objet, plateforme, chemin se répète à l’infini autour de vous ; votre but étant le plus souvent d’ouvrir une porte permettant de vous retrouver ailleurs, de désactiver un mécanisme ou d’amener un objet précis quelque part, le tout en jouant avec cette perspective parfois vertigineuse.
Mais là où Manifold Garden ne laissait que la possibilité de se déplacer, Recursive Ruin va plus loin. Ainsi, vous pouvez d’un simple clic modifier la physionomie d’une partie du monde (qui en général monte ou descend), vous permettant d’atteindre par exemple le plafond de la structure où vous vous trouvez en sortant de celle-ci, pour sauter sur sa réplique située maintenant en contrebas. Vous pouvez aussi vous rétrécir et ainsi atteindre des endroits inatteignables à taille humaine normale.
Recursive Ruin est malin dans son design et il arrive en plus à ne pas être répétitif un seul instant, chaque monde que vous traversez apportant une nouvelle mécanique d’énigmes que vous allez découvrir, apprivoiser avant de la voir poussée dans ces derniers retranchements. En effet, les premiers visuels d’infini, qui il faut l’avouer font toujours leur petit effet, laissent parfois place à des niveaux plus étroits où le haut et le bas se mélangent, ou à des puzzles basés sur des lasers ou de la lumière, qui sont juste assez longs pour ne pas lasser durant les 4/5 heures qu’il vous faudra pour voir la fin du jeu. On remerciera au passage les développeurs de chez Bit Rot d’avoir ajouté pour chaque énigme un petit indice au sol (que vous n’êtes donc pas obligé de consulter… mais qui est parfois bien utile).
Alors voilà pour la partie « moment agréable » du titre. Reste maintenant l’histoire même et… comment vous dire… j’ai fini par comprendre Interstellar (enfin je crois) après un autre visionnage, mais je suis à peu près persuadé que certains éléments de Recursive Ruin resteront opaques à mes yeux après un 10ᵉ passage dessus. Si l’histoire du personnage principal (et des raisons de son état dépressif) devient assez claire, quoique pas forcément très intéressante parce qu’assez mal racontée, l’histoire dans le jeu qui lui fait écho (enfin j’imagine, une nouvelle fois je n’ai pas l’impression d’avoir complètement compris) est bien trop obscure pour être appréciée pleinement.
Recursive Ruin a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Recursive Ruin est un bon puzzle game, visuellement très réussi et assez varié dans ses mécaniques pour ne pas lasser. Reste qu’il est accompagné d’une histoire bien trop obscure et mal racontée pour en profiter pleinement. Certains passeront outre pour profiter uniquement de la partie puzzle game et ils passeront un bon moment, pour d’autres cela risque de grandement freiner leur plaisir de jouer à ce titre original.
Gibbon : Beyond the Trees
Quelques semaines après avoir surgi sur Apple Arcade, Gibbon : Beyond the Trees, le nouveau jeu du collectif Broken Rules, déboule sur Switch, Mac et PC. Une occasion de redécouvrir ce (très) court jeu au croisement du platformer et du endless runner, nous faisant incarner un gibbon devant faire face aux ravages de la déforestation.
Le Singe d’une nuit d’été
Un gibbon anonyme se balance de branches en branches à travers la jungle asiatique, accompagné de sa petite famille. Il est relativement tranquille : les gibbons sont plutôt haut placés dans la chaîne alimentaire locale. Mais le clan doit bientôt se rendre à l’évidence, ils ne sont plus seuls. Des bûcherons, des bulldozers, des braconniers et des incendies criminels ravagent les lisières de la forêt, et vont plonger nos héros dans une descente aux enfers : la découverte du monde des humains.
Comme annoncé clairement par les développeurs du jeu, Gibbon : Beyond the Trees est une aventure dont l’intrigue est ramassée en environ une heure, à plus ou moins quelques minutes près selon votre capacité à dompter les commandes. Son propos est donc nécessairement très succinct et compact, et va plutôt droit au but, en nous présentant de manière assez frontale les conséquences de l’urbanisation des zones sauvages et de la surexploitation forestière sur fond de changement climatique. C’est brutal, pas très feelgood, parfois un poil trop démonstratif pour son propre bien, mais l’impact est bien réel, et tout ça sans un mot prononcé à l’écran.
Prenant le parti de la fresque muette, Gibbon : Beyond the Trees mise donc énormément sur sa très belle réalisation, avec ses tableaux se déroulant de manière parfaitement fluide et enchaînant de sublimes décors peints à la main, dont les teintes chaudes et tropicales n’adoucissent vraiment jamais la nature terrible du drame se nouant sous nos yeux. C’est donc bien joli, avec un message fort… Mais attention, ce n’est pas forcément un jeu à vocation universelle.
Gibbon : Beyond the Trees n’est pas tout à fait un jeu de plateformes classique, même s’il y est formellement question d’aller de gauche à droite en sautant sur des choses (arbres, toits, grues…) : votre personnage avance toujours automatiquement, avec une physique et une démarche avoisinant celle d’un véritable gibbon, avec ses grands bras et sa capacité à se suspendre un peu à n’importe quoi.
Comme vous ne pouvez raisonnablement pas juste laisser votre primate arboricole se trainer au sol, vous pouvez (et souvent devez) accélérer la course et utiliser vos compétences motrices pour virevolter dans le décor. Tout est assez simple, vous avez une touche pour courir et une touche pour vous balancer. L’essentiel du jeu consiste à alterner entre les deux manières de bouger (courir quand la pente descend, se suspendre pour franchir des obstacles ou survoler un danger) et à aller le plus vite possible jusqu’à votre prochain objectif… Et à quelques variations près (glissages, saltos…), c’est à peu près tout ce qu’on fait. L’ajout d’un mode libre, où vous pouvez cavaler dans une jungle générée aléatoirement ne prolongera, hélas, pas beaucoup une aventure limitée par les frontières très étroites de son gameplay.
Ce n’est pas forcément un défaut : Gibbon : Beyond the Trees raconte avec un dispositif extrêmement simple une histoire très impactante, il aurait probablement perdu à se disperser dans tous les sens et à multiplier les modes de jeu. Mais il faut garder à l’esprit qu’il est vendu pour une quinzaine d’euros et que vous le désinstallerez probablement moins de deux heures après l’avoir acheté. À vous de voir si la démarche vous touche assez pour tenter l’expérience.
Gibbon : Beyond the Trees a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est aussi disponible sur Nintendo Switch.
Tout ce que Gibbon : Beyond the Trees tente, il le réussit sans trop de difficulté : le message écologique passe bien, l’aventure est forte en émotion et les déplacements de notre singe sont assez agréables et instinctifs. On ne peut qu’encourager ce genre de courtes expériences ludiques concentrées sur un point scénaristique ou émotionnel précis qui, à mon sens, font avancer le média dans la bonne direction. Attention simplement à la grande brièveté de l’expérience qui, combinée au minimalisme de la proposition, ne vous plaira pas à coup sûr.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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