Cette fois-ci, dans Partie Rapide, Zali vous parle de Night of the Blood Moon, premier projet d’un jeune développeur indé et Fanny vous parle du premier épisode de Path Out, tiré de l’histoire vraie d’un des créateurs, réfugié syrien.
Night of the Blood Moon
J’ai un affect tout particulier pour les jeux bricolés par un ou deux développeurs. Certains pour mener à bien le projet d’une vie, d’autres pour coucher une idée précise sur un clavier, d’autres parce qu’ils sont obsédés par telle ou telle feature absente des jeux vidéo mainstream, d’autres encore parce qu’ils ont juste envie de créer un petit jeu vidéo.
Night of the Blood Moon, c’est le jeu d’un certain Tyler McDermott, qui voulait avec ce projet « qui lui tenait beaucoup à cœur et dont il est vraiment fier » trouver sa place parmi « la scène des développeurs indépendants ». J’avais repéré ce titre en fouillant dans les abysses de Steam, à la recherche de screenshots rigolos pour ce thread twitter des pires jeux Steam que je tiens et que je vous conseille de placer dans vos favoris. Ce jeu, agrémenté de screenshots plutôt encourageants, avait : une date de sortie, une adresse de contact, une feuille de route à peu près claire, et une note d’intention compréhensible. C’est mieux que la plupart des titres que je suis au quotidien pour ce site. Séduit par autant d’application, j’ai donc décidé de me pencher sur ce Night of the Blood Moon, en ne sachant pas trop à quoi m’attendre.
On dirait qu’on serait les monstres
Le jeu de Tyler McDermott nous a été envoyé très très en avance (là aussi, c’est rare), accompagné d’une note d’intention charmante expliquant que le jeu n’était pas fini, et qu’il était préférable d’attendre encore un peu avant d’y jouer, parce qu’il était tout seul et qu’il restait plein de bugs. Une approche fraîche et agréable, dans un océan de cynisme et de communication verrouillée de partout. Tyler McDermott ne mentait pas : depuis début janvier, Night of the Blood Moon a reçu un nombre conséquent de patchs, ainsi qu’une courte mais intense période d’early access (vous vous souvenez quand l’early access précédait de quelques jours la sortie des jeux ?). A quelques jours de la véritable sortie du jeu, celui-ci a été largement fignolé et stabilisé par son auteur. Une ultime patchnote le 21 janvier, alors que la sortie du jeu est désormais une réalité, est venue compléter encore cette longue liste d’améliorations.
Cependant, je ne vais pas tourner autour du pot plus longtemps, et vous parler du jeu en lui-même. Le postulat est hyper simple, quasiment dans l’esprit d’une borne d’arcade à l’ancienne : c’est le jour de la Lune de Sang, les monstres sont de sortie, et vous incarnez une sorte de gros poulet démoniaque qui va se battre contre d’autres monstres dans des arènes façon bullet hell, avec différentes armes déblocables au fil des parties. Et… Et c’est un peu tout, à quelques fioritures de gameplay près.
Shareware de paquet de céréales
Night of the Blood Moon est un jeu plutôt amusant. On court dans tous les sens, on tire sur des trucs qui sont tous plus ou moins des références de gros forceur (en même temps, le jeu fait directement référence à Zelda : Breath of the Wild dans son concept même), on meurt, on recommence, on passe un niveau, on s’achète des armes ou des familiers, et ainsi de suite. Chaque session de jeu est courte et intense. Il y a du contenu à débloquer pour vous assurer du nouveau pour quelques dizaines de parties mais… Mais c’est tout.
Je n’ai pas de défaut particulier à pointer concernant Night of the Blood Moon. C’est un bon petit jeu. Il n’est même pas cher (comptez 8€), et on sent que le développeur a travaillé d’arrache-pied pour en faire le jeu de ses rêves. C’est même un titre tout à fait recommandable rapporté à son équipe de développement d’une seule personne. Mais voilà, il manque tout de même quelque chose à Night of the Blood Moon pour être un jeu intéressant.
On fait trop vite le tour de ce petit projet sympathique, en se demandant parfois pourquoi il ne s’agit pas simplement d’un jeu téléchargeable gratuitement sur itch.io pour servir de portfolio à son développeur. Dans l’océan titanesque des sorties Steam, il se distingue certes des dizaines de shovelwares déversés chaque jour sur la plate-forme en constituant un jeu fini, débuggé et suivi, mais au regard de la concurrence des autres bons jeux de ce début d’année, il ressemble un peu à ces programmes de démonstration qui étaient livrés dans les années 90 dans les CD-Rom d’accompagnement des magazines multimédia, ou donnés en bonus avec les paquets de gâteaux pour le goûter des gamins. J’ai fini par me demander si un pop-up allait finir par envahir l’écran en me demandant d’écrire à une obscure adresse aux Etats-Unis pour obtenir davantage de niveaux via une disquette envoyée par Chronopost en échange d’un chèque encaissable en dollars. Mais non, Night of the Blood Moon est bien un jeu de 2019, et pas un extrait des « 500 shareware du mois » accompagnant le SVM-Micro-Logiciel d’octobre 1994, disponible pour seulement 27 francs chez tous vos marchands de journaux.
Night of the Blood Moon a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur
Night of the Blood Moon est un premier projet plutôt réussi d’un jeune développeur qui veut faire ses preuves. Le projet manque encore d’identité et d’intérêt, mais Tyler McDermott prouve avec ce titre qu’il est capable de gérer un projet ambitieux de A à Z, et je me souviendrai longtemps du soin qu’il a mis à nous faire découvrir son jeu dans les meilleures conditions possibles.
Path Out
Vous allez vous dire que j’ai pris mon temps quand vous allez voir que Path Out est sorti gratuitement en novembre 2017. Certes. Peut-être est-ce le sujet, la fuite de Syrie de l’un des créateurs du jeu, dont j’avais peur, n’étant pas ultra fan des jeux qui filent le bourdon. Mais c’est un projet important, racontant une histoire essentielle, et il était temps que je prenne mon courage à deux mains et que je me décide enfin à le lancer. C’est donc chose faite et je ne regrette pas un seul instant.
Le titre raconte l’histoire d’Abdullah Karam, jeune syrien passionné de jeux vidéo (et de catch si on en croit sa chambre virtuelle), obligé de fuir la Syrie en 2014 pour éviter d’être appelé de force dans l’armée. Car, comme nous le savons, ce qui a commencé comme des protestations pacifiques pour l’espoir d’une meilleure vie a fini en guerre civile. Et être appelé dans l’armée voulait dire se retrouver peut-être face à ses amis ou à sa famille et devoir combattre des civils. Sa famille a donc organisé sa fuite et c’est son départ de la Syrie vers la Turquie qui est présenté dans ce premier épisode.
Le jeu vidéo autrement
Est-ce que d’un point de vue purement vidéoludique Path Out est révolutionnaire ? Non. C’est un jeu RPG Maker fait avec un tout petit budget et qui consiste simplement à faire se déplacer son personnage avec les flèches directionnelles, récupérer quelques objets de temps en temps et interagir avec certains éléments de son monde. Mais c’était le meilleur moyen de raconter cette histoire. Faire jouer aux gens la fuite d’un jeune adulte gamer dans lequel ils peuvent donc immédiatement se reconnaître par leur loisir commun, tout ça avec des graphismes un peu mignons qui dénotent par rapport à ce qui est raconté, c’est juste une excellente idée. Rajoutons à cela les commentaires d’Abdullah lui-même, qui apparaîtra parfois en haut à gauche de votre écran façon « YouTuber », pour ironiser sur les clichés à propos de son pays qui apparaissent dans le jeu ou pour vous réprimander lorsque vous prenez une mauvaise décision qui conduit à la mort de votre personnage, en vous rappelant que c’est quand même lui que vous jouez. Il raconte également parfois plus sérieusement les événements en détail, par exemple lorsqu’il parle des passeurs et de leurs promesses vides.
Il n’y a pas beaucoup de choses à dire sur ce premier épisode de Path Out. Il se fait en une quarantaine de minutes en explorant un peu, et il n’y a pas, à ma connaissance et après quelques recherches, encore de suite. Ce qui est fort dommage puisque sa non-violence (du moins, dans le fait qu’il n’y a pas de combat car l’histoire de tous les réfugiés syriens est forcément violente, au moins mentalement) en fait un outil pédagogique extraordinaire, qui permettrait peut-être chez une partie de la population loin d’être exemplaire dans son rapport au racisme, les gamers, une prise de conscience de la situation de ces gens diabolisés quotidiennement. Il est triste d’avoir besoin de ça pour rappeler que partout dans le monde, d’autres personnes sont comme nous, avec des rêves, des loisirs, des intérêts communs chamboulés par des événements qui peuvent vite pousser à un exil jamais joyeux. J’espère en tout cas qu’on verra un jour le reste de ce titre, qui était prévu pour être divisé en cinq épisodes, et qui promet d’être très touchant.
Ce premier épisode de Path Out est gratuit, court et ne peut que vous apporter quelque chose. Ici, je ne fais pas vraiment un test du jeu parce qu’il n’y a rien à tester : on parle de l’histoire réelle d’une personne. Je vous recommande juste de prendre une petite heure un jour, de le télécharger et d’aller voir par vous-mêmes.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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