Cette fois-ci, dans Partie Rapide, Zali vous parle de The Last Remnant Remastered, ressortie inattendue mais très correcte d’un RPG oublié de Square Enix, et Veltar de FAR : Lone Sails, un poignant et original petit jeu indé.
The Last Remnant Remastered
A une époque, qui semble bien lointaine, la Xbox 360 avait le quasi monopole des jeux de rôle japonais (pour les plus jeunes : ce n’est pas une fake news). De nombreux projets japonais ont vu le jour comme des exclusivités Microsoft entre 2006 et 2008, avant qu’un gros retournement de tendance ne s’opère et ne refasse de la PlayStation 3 la console des otakus par excellence. De cette époque, il ne reste pas grand chose, et on ne se souvient que très vaguement de Infinite Undiscovery, Lost Odyssey, Eternal Sonata et autres Blue Dragon, dont certains restent à ce jour inédits sur PlayStation. A cette époque, The Last Remnant semblait déjà voué à un oubli rapide. Projet de Square Enix débuté comme un spin-of de Final Fantasy et développé par une équipe B, le projet était surtout un test de l’éditeur pour développer un RPG sous l’Unreal Engine 3. Bancal, bizarre et criblé de bugs, le jeu sortit dans une indifférence générale en 2008, et Square renonça rapidement à le porter sur PS3, ayant même dispatché une partie des équipes sur d’autres projets au beau milieu du développement. Seule une version PC vit le jour en 2009, devenant un des tous premiers jeux japonais sur Steam. Et puis, surprise, il y a quelques semaines seulement, Square Enix annonçait l’arrivée de ce Remaster que personne ou presque ne semblait attendre, à l’occasion des dix ans du jeu.
Une histoire et un gameplay toujours aussi confus
Même s’il fait tout son possible pour masquer sa nature de Final Fantasy avec une vraie moustache, The Last Remnant crie à chaque bout de décor ou de dialogue qu’il en est un spin-off approximatif. Son univers, ses costumes, ses musiques, ses décors, son architecture, ses menus, tout semble avoir été pris de chutes de Final Fantasy XII mélangées à des brouillons de la série SaGa. Son scénario, assez confus, a manifestement été amputé de nombreuses articulations et développements, et donne l’impression constante que les événements s’enchaînent péniblement, voire pas du tout. Toute tentative de raconter ce qui se passe donne l’impression de pitcher un nanar de troisième partie de soirée : Rush, un jeune garçon qui cherche sa sœur et dont les parents sont de grands scientifiques qui ont disparu pour faire des choses louches, se retrouve on ne sait trop pourquoi à travailler pour David, chef d’une ville opprimée par un empereur qui est un grand méchant, sur fond de monde constellé par les Rémanences, d’anciens artefacts magiques qui, blablabla, etc. Si vous avez déjà joué au moindre RPG japonais générique, tout est hélas là, et pas sous son meilleur jour : trahison, méchant empire, méchante technologie, jeune garçon qui devient le leader de la résistance pour aucune raison, etc.
Si tout cela se laisse suivre sans trop de peine, on sera souvent consterné par une histoire qui semble parfois n’avoir ni queue ni tête, des personnages aux motivations mal dégrossies et un héros insupportable au charisme d’endive moite. Cependant, même en 2008, The Last Remnant ne cherchait pas à se poser comme un standard narratif, et avait axé sa communication autour de ses graphismes supposé époustoufler (plus d’un an avant le superbe FF XIII) et sur son gameplay qui se voulait un mélange entre tour par tour classique et stratégie.
Hélas, autant les innovations que Final Fantasy XIII apportera l’année suivante donnaient aux combats une épatante dimension stratégique (c’était même son principal point fort), celles tentées par The Last Remnant ne fonctionnaient qu’à moitié. Dans ce jeu, vous ne contrôlez pas les personnages un par un mais des « unités » de plusieurs personnages auxquelles vous devez donner des consignes (utiliser la magie, se défendre, aider une autre unité), mais sans maîtriser tout à fait ce que fera chaque membre de l’unité. Le tout sur des maps en 3D où les différentes unités se déplacent de manière un peu confuse, sans que vous puissiez bien diriger qui fait quoi. Des combats nombreux, peu lisibles, entachés par des QTE atroces et heureusement désactivables… Où vous vous retrouvez très vite à ne plus faire QUE les trucs qui marchent à coup sûr et à ne surtout pas expérimenter, d’autant que la difficulté est mal dosée.
Mais un remaster vraiment sérieux et appliqué.
Le remaster de The Last Remnant prend pour base la version PC, qui corrigeait énormément de défauts et de bugs quasi-bloquants de la version Xbox 360. Sont ainsi ajoutés la possibilité d’accélérer les combats, d’aménager (un peu) les menus surchargés, un système de sauvegarde moins punitif, des équipes plus simples à configurer, etc.
Mais The Last Remnant Remastered ne se contente pas d’un simple lissage des textures et d’une mise à jour du contenu : le jeu a été entièrement porté sur l’Unreal Engine 4, proposant désormais des graphismes entièrement mis à jour, en 4K, plus détaillés, sans scintillements, aux couleurs plus vives et animés de manière plus harmonieuse et moins hachée. On sent que depuis dix ans, les équipes de Square Enix se sont enfin formées à une utilisation efficace des moteurs de jeu occidentaux. En résulte quelque chose de bien plus beau et bien plus jouable qu’à l’époque. Le jeu étant jusque là inédit sur PlayStation, il est donc désormais possible de le découvrir dans les meilleurs conditions, et ce pour seulement une vingtaine d’euros.
Difficile de savoir ce qui a poussé Square Enix à remasteriser un jeu si mineur, si oublié et si perclus de défauts. Mais force est de constater que The Last Remnant Remastered prend le meilleur de la version PC d’il y a 9 ans et l’améliore encore, notamment graphiquement. De ce point de vue, au moins, c’est un excellent boulot.
The Last Remnant Remastered a été testé sur PS4, via une clé fournie par l’éditeur
FAR : Lone Sails
Cherchant à me faire une playlist cool à partir d’OST de jeux vidéo, je suis tombé sur FAR : Lone Sails. Je connaissais un tas de moyens de découvrir un jeu : par un pote, par un stream, par un article dans la presse spécialisée, ou même une pub. J’en ai découvert un nouveau : par sa musique. Accroché par les sonorités légèrement mélancoliques, j’ai décidé de m’intéresser au jeu lui-même. Un petit indé de haute qualité, produit par les suisses d’Okomotive.
Not another post-apo
FAR : Lone Sails se situe dans un univers post-apocalyptique. Sur le papier, ça sent le jeu pas du tout original. Et en fait, original, il l’est un peu. Le monde en ruines n’essaye pas de se la raconter. On ne nous vend pas de la complexité inutile ou des quêtes vides, juste pour justifier une toile de fond post-apo. On le constate dès le début du jeu : un petit personnage, seul, se tenant devant la tombe de son père au fond d’un jardin délabré. En arrière-plan, des plaines à l’abandon. Pas d’avant-propos, pas d’introduction larmoyante.
Une fois le tableau posé, on file ensuite vers la maison, située juste à côté, le temps de comprendre les contrôles de base. On fait là aussi dans le simpliste : les déplacements sont linéaires façon 2D, avancer à gauche ou à droite, sauter, et choper des objets. On continue un peu plus loin, jusqu’à rejoindre notre meilleur allié : le véhicule. Mi-locomotive, mi-bateau, il renferme à l’intérieur des gros boutons rouges pour nous indiquer des trucs à actionner, un réservoir qui se remplit quand on met des machins dedans, et un petit ascenseur qui permet d’accéder à une lance à eau en cas d’incendie.
D’autres fonctionnalités viendront s’ajouter au cours de l’aventure, complexifiant parfois l’avancée dans les immensités désertes. Voiles, outils de réparation (parce que les postes de contrôle peuvent s’abîmer après des chocs et problèmes météo) et récupérateur automatique d’objets. Il faudra gérer tout ça au mieux pour avancer. Quand ce ne sont pas des obstacles extérieurs qui se dresseront sur notre chemin, obligeant à explorer des bâtiments abandonnés.
Ça marche et ça roule
Si le véhicule permet d’avancer à une vitesse soutenue, son fonctionnement dépend de notre capacité à gérer le moteur. Il faut régulièrement alimenter le réservoir grâce à des déchets ou du carburant, récoltés au sol sur notre trajet. Mais la faible capacité de celui-ci oblige à gérer ça de façon réfléchie. Pas question donc de bourrer avec tous les objets qui passent pour avancer continuellement.
De toute façon, le jonglage entre alimentation du moteur et son activation, ainsi que le besoin de s’arrêter pour récupérer les caisses et autres bidons d’essence, empêcheront d’avancer trop vite. Parce que la machine a tendance à surchauffer si on reste à fond sur l’accélérateur. Il faudra alors libérer de la vapeur, boostant la vitesse puis la réduisant drastiquement. Et nécessitant alors de reconsommer du carburant.
Et pour soutenir cette alimentation continue, on aura besoin d’un bon stock de trucs à cramer. Pour les chopper, il faudra, jusqu’à la moitié de l’aventure à peu près, arrêter le véhicule et descendre récupérer des objets. Caisses en bois, chaises, mais aussi bidons de carburant, voire bidons explosifs (avec les dangers que ça comporte pour le matériel du véhicule). Ces phases à pieds se retrouvent aussi lorsque l’on se retrouve face à un obstacle.
Il arrivera en effet que notre progression soit stoppée par des structures. Pour les passer, on aura affaire à des petites énigmes. Pas très difficiles, elles auront le mérite de nous faire découvrir un peu les bâtiments encore debout. Et donc d’en apprendre un peu plus sur l’état du monde avant que tout soit à l’abandon. Ces passages rappelleront à certains Limbo ou le plus récent Inside. Quant à moi, j’y ai aussi vu des inspirations Half-Life 2, dans le côté industriel sombre et délabré. Mais c’est surtout le jeu indé The Final Station qui m’a paru le plus proche. Le côté partage de gameplay entre une gestion d’un véhicule (un machin hybride complexe pour FAR : Lone Sails, et un train pour The Final Station) et des phases à pieds typées exploration. Même dans le propos de solitude, on a des similarités. A la différence que le monde de The Final Station est squatté par des zombies et possède un ton pessimiste. Alors bien sûr, dans The Final Station, la phase de train est bidon, et la phase à pieds c’est de l’action, mais la comparaison reste très légitime.
Aller de l’avant
Que ce soit par ses couleurs toujours froides ou ses environnements en friches industrielles, FAR : Lone Sails nous offre une ambiance prenante de solitude. La petitesse du véhicule, et plus encore, du personnage, viennent rajouter un décalage, entre nous et le gigantisme des infrastructures délabrées.
Un sentiment d’abandon accentué par une musique qui oscille entre tristesse et optimisme et qui constitue l’un des plus gros points forts du jeu. A côté de ça, c’est la direction artistique minimaliste qui suffit à nous faire prendre conscience de l’état du monde dans lequel on évolue. Des couleurs froides comme je le disais, avec comme seul point de repère notre personnage vêtu d’un manteau rouge. Là encore, un petit point de couleur vive dans une immensité qui oscille entre blanc, gris, et noir. Un quasi vide dont on cherche les raisons.
Et pas de chance, FAR : Lone Sails ne s’embarrasse pas d’une histoire développée. Si des éléments du décor donnent pas mal d’indices sur ce qui a pu se passer, on ne sait pas où on va, ni ce qu’il s’est passé. Et autant le dire tout de suite, la fin n’apporte qu’une vague réponse à tout ça. Mais c’est parce que l’essentiel n’est pas dans la finalité de l’aventure, mais dans l’expérience globale de celle-ci. Une fuite en avant, avec l’abandon des souvenirs dans la petite maison de départ et le deuil d’un proche. La volonté de surmonter ça par un voyage dangereux, affronter la réalité d’un monde décharné. Continuer tout droit, le plus loin possible, et trouver un sens à tout ça. En espérant ne pas rester seul(e).
Quel bonheur de tomber sur un jeu un peu au hasard et qu’il se révèle si cool. A force d’être renseignés sur tout à l’avance et de pouvoir accéder à certains titres dès la phase d’alpha, on en oublie parfois l’aspect découverte innocente. FAR : Lone Sails est donc un petit jeu d’aventure aux accents contemplatifs parfaitement construit. Avec pour seuls reproches de ne durer que quelques heures, et peut être aussi de n’offrir que peu de réponses.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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