Cette fois-ci dans Partie Rapide, Elitchu vous parle de Hell Architect, pour celles et ceux qui se sentent capables de designer les enfers et torturer des damnés pendant des heures, et Veltar aborde Behind the Frame, expérience visuelle marquante qui ne dénoterait pas dans le catalogue du studio Ghibli.
Hell Architect
Hell Architect est un jeu de gestion et de survie développé par Woodland Games qui vous met dans la peau d’un démon architecte débutant ayant pour rôle de gérer son propre cercle des enfers. Pour cela, vous aurez accès à une équipe de pécheurs et pécheresses qui travaillent eux-mêmes pour construire leurs propres environnements et machines de torture.
Un ATH infernal
Le jeu est divisé en deux aspects : il faut d’abord faire attention à la santé de vos damné.e.s en les nourrissant, en les abreuvant et en leur construisant des “lits” pour qu’ils et elles puissent dormir (sans quoi ils peuvent… mourir en sombrant dans les limbes). La seconde partie du gameplay consiste à récolter des ressources (minées par vos pauvres petits pécheurs tout nus) et à construire des machines de torture qu’on peut ensuite améliorer.
Et c’est là que le jeu se complique : il existe trois types de ressources, les matériaux que les sbires récoltent, la souffrance produite en les torturant et les essences générées en sacrifiant nos unités. J’ai trouvé la prise en main assez difficile, tant l’interface est bourrée d’informations, et il n’est pas toujours évident au début de naviguer dans les menus (surtout quand vos personnages se comportent comme des sims et doivent aller aux WC toutes les 30 secondes). Malgré les explications, j’ai fini par complètement oublier comment récolter une des ressources les plus importantes : les essences, tant le menu est peu clair. Je me suis donc retrouvée bloquée en pleine partie sans savoir comment construire un type de bâtiment spécial en pleine campagne (c’est faux, je n’ai pas ragequit, vous n’avez aucune preuve).
Au-delà de la quantité importante d’informations à l’écran, vous devrez également choisir judicieusement quelles tâches assigner à vos personnages pour optimiser au mieux votre temps. En effet, chacun possède des caractéristiques avec leurs avantages (les compétences majeures) et leurs inconvénients (leurs péchés qui octroient des malus). Certains rapporteront également plus de points selon la méthode de torture utilisée. Sur le papier, c’est une bonne idée, mais dans les faits, on se retrouve à désespérément assigner des tâches à nos unités qui se mettent pourtant à courir comme des poulets sans tête et ne restent pas à leur poste, sans comprendre ce qui leur arrive. Et surprise : au bout du second tuto, notre cher superviseur Frank le démon nous explique que c’est normal et qu’il faut en fait construire un bâtiment spécial pour réellement les assigner POUR DE BON à leur tâche. Fun (c’est faux, je n’ai pas ragequit avant d’obtenir cette information, vous n’avez aucune preuve).
Point traduction : je vous déconseille fortement de jouer avec les textes en français. Certains mots sont si mal traduits dans les objectifs que vous pourrez vous retrouver assez bloqué.e.s si vous ne trouvez pas le bon bâtiment à construire. Pour ma part, je suis bien restée plantée plus d’une heure (et ce, dans le tutoriel) à chercher une machine de torture qui était traduite différemment dans mon menu d’objectifs et dans les menus, avant d’avoir un élan de lucidité et de passer le jeu en anglais (non c’est faux, je n’ai pas ragequit entre-temps, vous […]). D’ailleurs, je suis quasiment certaine que « je l’ai eu ! » n’est pas tout à fait la traduction exacte de « I got it ! » à la fin d’une explication, mais passons.
L’enfer même a ses lois
Malgré une interface assez chaotique, le jeu a le mérite de faire preuve de beaucoup d’humour puisque les enfers fonctionnent comme une sorte de grande entreprise avec un système de hiérarchie. C’est donc un sous-officier qui s’adresse régulièrement à nous, Frank, lui-même supervisé par une responsable des ressources humaines assez sévère du nom de Lilith. Enfin, tout ce beau monde est sous les ordres du grand patron… Jeff Bezos Lucifer. Que ce soit au cours des tutoriels ou des divers scénarios mis en place, le jeu sera parsemé de petits dialogues bourrés d’humour noir et de situations assez cocasses. Ça sera alors à vous, avec votre sens de l’organisation et de l’esthétique, de gravir les échelons pour obtenir un meilleur poste.
Bien entendu, vous aurez mille et une façons de torturer vos pauvres âmes damnées avec un large panel d’outils et machines de tortures originales. Certaines peuvent coûter très cher, et le challenge réside dans les « affinités » de vos pécheurs pour certains types de souffrances. Par exemple, Eve vous rapportera bien plus de points si vous l’affiliez à une machine qui la fait saigner (Encore faut-il qu’elle reste dedans et qu’elle ne s’arrête pas toutes les trois minutes pour aller manger, boire, dormir…).
La cerise sur le gâteau reste le « mur des légendes » : ce bâtiment (assez cher, mais qui vaut le coup) permet de faire venir les plus grandes raclures que la terre a pu porter (oui, le célèbre dictateur autrichien moustachu est dans le jeu). Au-delà du côté humoristique, ces personnalités apportent des bonus considérables pour permettre à vos unités de travailler plus rapidement, ou de produire plus de souffrance lorsqu’elles sont torturées.
Hell Architect a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur
Hell Architect semble au début assez difficile à prendre en main et un début de partie peut être relativement lent, mais les fans du genre sauront apprécier le challenge. Malgré tout, n’étant pas une grande consommatrice de ce type de jeu (gestion/survie), l’expérience m’a tout de même plu grâce à divers modes. Le titre propose en effet neuf campagnes avec trois niveaux de difficulté, et un mode bac à sable pour laisser parler votre créativité. Hell Architect n’est donc pas un mauvais jeu, si on passe outre quelques défauts agaçants et quelques points assez flous qu’il faut prendre en main.
Behind the Frame
« Il ne s’agit pas de peindre la vie, mais de rendre vivante la peinture ». Une citation du peintre Pierre Bonnard qui illustre assez bien (même si elle peut rappeler la memesque “fume la vie avant qu’elle ne te fume”) toute l’histoire du très touchant Behind the Frame. Une expérience visuelle et sonore sublime réalisée par le studio taïwanais Silver Lining Studio et qui n’a qu’un gros défaut : celui d’être beaucoup trop courte.
Une oeuvre ghibli-esque…
Behind the Frame s’ouvre sur un cosy appartement aux allures de comble d’un Paris bohème fantasmé. Son occupante est une jeune femme qui cherche à finir le tableau qui lui permettra normalement d’être retenue par une galerie d’art new-yorkaise. Cette introduction aurait tout d’un début plutôt classique si elle n’était pas sublimée par une magnifique direction artistique. Pour être clair, il y a 50% de chance que vous tombiez sous le charme à la simple vue d’un screenshot. Un pourcentage qui frôle les 100% si vous êtes un tant soit peu client(e) des films d’animation du Studio Ghibli. En effet, que ce soit dans les détails des environnements, les traits des personnages ou les couleurs, le parallèle est immanquable et les développeurs ne s’en cachent pas. Difficile, ainsi, de ne pas être attiré par le travail effectué sur les décors et pas seulement ceux de l’appartement. Un fait d’ailleurs renforcé par le gameplay du jeu : un point and click statique mais où l’on peut quand même regarder autour de soit à 360°, un moyen d’apprécier pleinement chaque rendu.
Le jeu se divise en 6 chapitres qui se concluent et débutent par des petites cinématiques, scénettes pleines de vie, toujours dans la droite lignée du travail de Hayao Miyazaki. On se laisse donc vite porter par l’histoire qui évolue sous nos yeux et dont l’aspect mignon et léger évolue vers quelque chose de plus en plus mature et inattendu. L’héroïne tente de mieux comprendre ce qui l’entoure, observe avec interrogation ce vieux peintre bourru qui fait face à sa fenêtre, et découvre peu à peu que chacun des tableaux qui ornent son appartement est lié à un souvenir bien particulier. C’est aussi le cas de certains objets disséminés ici et là. À tel point qu’une question apparaît vite : pourquoi semble-t-elle les découvrir ? Hé bien en résolvant les quelques énigmes présentes à chaque chapitre, en recollant les morceaux (au sens littéral comme au figuré) et en avançant sur notre fil conducteur, le tableau à terminer par la récupération de tubes de peinture, on comprendra tout ça.
… dans un trop petit cadre
Si la comparaison avec le studio Ghibli était évidente, trouver l’équivalence en jeu vidéo à Behind the Frame se révèle plus complexe. Catégorisé comme point and click, avec un aspect résolution d’énigmes (très simplistes mais c’est dans le ton du jeu), il est en fait plus proche de l’expérience narrative. On pourrait alors penser à une situation qui rappelle celle de Gris. Le titre de Nomada Studio avait fait de sa DA sublime un argument marketing, profitait d’une bande-son de grande qualité et déployait un beau message sur les sentiments humains et la poésie vidéoludique. Des points que l’on retrouve ici pour Behind the Frame.
Sauf que Gris avait un gameplay bien différent et beaucoup plus interactif. Il m’a donc davantage rappelé le trait d’un Look Inside, mais la portée émotionnelle n’est pas la même. Ça pourrait ne pas être trop un problème si le jeu de Silver Lining Studio n’était pas si court. En effet, il ne faut qu’une petite heure pour arriver à la fin du dernier chapitre et son épilogue doux-amer. C’est très peu. Certes, cette frustration n’existe qu’à cause de la qualité globale du jeu (ou plutôt “grâce à”) car elle nous pousse à en vouloir plus, à continuer à suivre l’histoire des différents personnages ou même à en découvrir une autre.
Behind the Frame réussit pleinement son pari d’être une œuvre vidéoludique dans le plus pur sens artistique. Disponible sur PC, iOS et Android, il frôle l’expérience narrative mais garde un petit gameplay point and click agréable. Une aventure très jolie, touchante, et hélas beaucoup trop courte compte tenu de notre faible implication. Malgré ça, je le conseille, surtout si vous êtes déjà conquis par son esthétique !
Elitchu
Après un passé trop sombre composé de MMORPG et de MOBAs, je me repens désormais en essayant plein de types de jeux, et en chassant leurs trophées/succès.
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