Cette fois-ci dans Partie Rapide, Veltar nous parle de FAR: Changing Tides, suite du mélancolique FAR: Lone Sails, et Shift nous parle de Young Souls, un mélange de dungeon crawler et de beat’em all certes joli, mais pas très intéressant.
FAR: Changing Tides
FAR: Lone Sails avait été pour moi une découverte inattendue en décembre 2018. Le jeu du studio suisse Okomotive nous laissait à l’époque sur une fin ouverte, mais celle-ci préparait bien le terrain à une suite. Cette dernière fut annoncée en juin 2021 sous le nom de FAR: Changing Tides et prévue pour fin 2021. Après un léger retard, elle est finalement disponible depuis le 1er mars. Alors, quel bilan pour cette suite ?
Similarités évidentes
C’est toujours le problème des suites de jeux qui marchent : que faut-il garder du jeu de base et que faut-il changer ? Trop changer, c’est possiblement perdre ce qui faisait la réussite de l’opus précédent, mais ne pas le faire assez, c’est risquer de se faire taxer de fainéantise. Pour FAR: Changing Tides, une forme d’équilibre semble avoir été mise en place. Ainsi, du précédent titre, on retrouve trois points-clés. Déjà, une narration uniquement environnementale, sans dialogue ni texte, allant même jusqu’à mimer l’entrée en matière très directe de Lone Sails.
On a ensuite le même monde post-apocalyptique que dans Lone Sails. La majorité des bâtiments sont détruits, d’autres au contraire donnent l’impression d’avoir été figés par le temps. Il en ressort un sentiment de mélancolie, bien appuyé par une bande-son de grande qualité. Joel Schoch, déjà derrière l’excellente BO du premier jeu, a à nouveau réussi à retranscrire les sentiments puissants qui accompagnent les grands moments de Changing Tides.
Enfin, on conserve un gameplay très similaire à ce qui avait été fait précédemment. Il s’agit toujours de jouer un petit personnage, en l’occurrence ici le jeune Toe, qui devra manœuvrer seul un véhicule et ses plusieurs postes de commandes. Ces phases de « gestion » seront entrecoupées de phases de puzzle où il faudra remettre en route de vieux mécanismes, afin de débloquer le passage et pouvoir poursuivre l’aventure.
Changing Tides se jette à l’eau
Maintenant qu’on a vu les similarités, passons au principal et inévitable changement : l’eau. En effet, exit la terre et les surfaces arides de Lone Sails, Changing Tides se déroule quasi exclusivement dans l’eau. Cette modification pourrait n’avoir qu’un impact limité mais cela a une conséquence importante : l’esthétique. Graphiquement, le jeu n’est pas une claque mais il garde cette patte artistique intéressante qui, couplée à de vastes étendues d’eau, donne un cachet unique. Avec l’aspect aquatique, le ton change sans pour autant affecter la sensation d’immensité et de monde à l’abandon : les montagnes lointaines paraissent plus imposantes et les infrastructures à explorer plus mystérieuses, même si elles sont souvent moins complexes.
De manière globale, les environnements sont plus diversifiés, que ce soit à proximité immédiate du vaisseau ou au second plan, entraînant une sensation de cohérence et de profondeur accrue. Or, cela est aussi dû en grande partie à la possibilité de choisir la voie sous-marine pour avancer. Cela ouvre une nouvelle perspective là où le premier épisode ne permettait que de gérer le véhicule sur un axe horizontal.
Et c’est là le quasi seul changement. Certain(e)s pourront critiquer ce parti pris, et regretter que le studio n’ait pas pris plus de risques. Mais ne pas trop toucher à la simplicité du gameplay, c’était aussi la garantie de ne pas perdre l’essence du premier FAR. D’ailleurs, on va le voir, mais la possibilité d’aller sous la surface de l’océan modifie également la manière de gérer l’avancée en général.
Commandant (cous)Toe et son vaisseau
Le vaisseau que l’on contrôle se révèle en réalité assez proche de ce qu’on a connu avec celui de Lone Sails dans sa maniabilité générale. Visuellement par contre, on s’en éloigne un peu. Là où celui du premier opus était un mélange de podracer steampunk et de locomotive futuriste, on se retrouve dans Changing Tides à contrôler un appareil alliant morceaux de tôles et planches de bois. Ce côté « junkpunk » est tout de même nuancé par l’intérieur, où la machinerie à vapeur fonctionne de concert avec une technologie avancée de propulsion.
Sur la propulsion d’ailleurs, à la surface, ce vaisseau avance comme celui de Lone Sails. C’est-à-dire qu’on peut profiter des moments de vent puissant pour mettre la voilure ou utiliser des objets et autres caisses en bois ramassés pour alimenter le moteur à vapeur. Ou même les deux en même temps, si on le souhaite. Sous l’eau par contre, vous vous doutez bien, il faudra uniquement compter sur la consommation de ressources.
Pour s’enfoncer dans les profondeurs ou pour émerger à la surface, c’est-à-dire la nouveauté de Changing Tides, il suffit d’activer un levier à gauche ou à droite selon son orientation politique si l’on veut monter ou descendre et le tour est joué. La manœuvre n’est pas compliquée et a le mérite de ne pas demander la consommation de ressources pour être utilisée.
Tout cela ajoute une dimension nouvelle à la narration environnementale, et crée un sentiment de solitude peut-être encore plus fort que dans le premier jeu, car renforcé par l’immensité aquatique. Au fur et à mesure de l’avancée, l’irrémédiable sensation d’abandon ne cessera de croître. Un monde où, malgré les avancées technologiques et tentatives scientifiques diverses, la montée des eaux a entraîné un effondrement total. Ainsi, à l’instar du jeu précédent, certain(e)s y verront même un triste écho aux changements climatiques qui nous frappent et leurs conséquences actuelles et à venir.
FAR: Changing Tides a été testé sur PC. Il est également disponible sur PlayStation, Xbox et Switch.
FAR: Changing Tides parvient donc à conserver le petit truc qui rendait l’expérience de Lone Sails si spéciale tout en y ajoutant du neuf. Une aventure un peu plus longue et la découverte d’un environnement sous-marin dans un monde qu’on savait déjà post-apocalyptique. La finalité ? Un jeu mélancolique qui sait être à la fois une balade contemplative à l’intensité variable, petit jeu aux énigmes simples mais efficaces et enfin clin d’œil écologiste. Une excellente suite, dont la fin fera plaisir aux joueurs et joueuses du premier opus, et qui appelle, peut-être, à un troisième épisode plus… coopératif ?
Young Souls
À l’opposé des supposées objectivité et impartialité attendues de la critique vidéoludique, je pense que l’on sous-estime l’importance du contexte – global et personnel – et des conditions de test des jeux dans la formulation de notre avis. On pourra toujours avoir du recul sur l’industrie et sur le titre auquel on vient de jouer ; le contexte de jeu, ou juste la présence ou l’absence de détails précis, peuvent faire basculer l’avis de manière positive ou négative. Et c’est totalement ce qui m’est arrivé avec Young Souls. Zali le disait en 2017 en sortant du CRPG Elex (autrement plus mauvais que Young Souls, fort heureusement) : la grande quantité de très bons jeux à sortir par an, cumulée au fait d’écrire à leur sujet, nous rend exigeants. Cinq ans plus tard, le constat reste assez similaire, largement amplifié par une surproduction vidéoludique qui ne cesse de croître et dépassant le phénomène déjà préoccupant de l’Indiepocalypse. Dans une période ayant vu sortir Horizon Forbidden West, Elden Ring, Tunic, Kirby et le monde oublié ou Ghostwire Tokyo, je ne sais pas très bien comment j’étais censé m’enthousiasmer pour un beat’em all aussi générique que Young Souls.
Jeunes âmes, mais vieilles mécaniques
J’en ai bien conscience, c’est plutôt injuste. Injuste, car Young Souls n’est pas un mauvais jeu : le titre est parfaitement fonctionnel, sa DA est plutôt jolie, la structure de ses donjons est claire et efficace, la carte permet d’atteindre le 100% sans trop se prendre la tête, les options d’accessibilité et de réglages de la difficulté sont assez complètes et le gameplay, sans être particulièrement intéressant, fait au moins le café. Beaucoup de points qui jouent pas mal en sa faveur, et pourtant, j’aurais plutôt du mal à le recommander.
La raison principale est que tout de même, on s’ennuie assez vite. Certes, le gameplay est un peu plus poussé que sa base d’attaque, parade, roulade – au demeurant parfaitement rodée et répondant au doigt et à l’œil – mais on en fait tout de même assez vite le tour. Les plus motivé·es pourront aller chercher dans les menus le détail des quelques combos possibles, mais même là, ça n’ira pas beaucoup plus loin que les classiques attaques tournoyantes, sautées, etc. Quelques builds sont tout de même possibles grâce au petit aspect RPG et le jeu permettant d’incarner et d’alterner entre deux personnages, simplifie l’expérimentation de diverses armes, armures et objets spéciaux.
Comme je le disais, Young Souls n’est pas mauvais et son contenu n’est ni honteux ni maigrelet, il est seulement désespérément générique et attendu. Ça fonctionne bien, mais ça fonctionne comme tellement d’autres avant lui sans apporter quoi que ce soit de nouveau ou d’intéressant que j’ai réellement traîné les pieds pour aller jusqu’au bout – c’est heureusement plutôt court, j’ai atteint le 100% en une douzaine d’heures. Et ce n’est malheureusement ni le bestiaire assez limité et convenu, ni la petite quantité d’environnements – tout aussi convenus, pensez donjons, catacombes, niveaux de glace et niveaux de lave – ni le scénario et les dialogues – l’écriture m’a fait décrocher dès le chapitre 2 – qui auraient pu me donner envie de voir la suite.
D’autant qu’en plus d’être assez générique, le titre s’avère plutôt pénible, la faute à une accumulation de détails nuisant au confort de jeu et au rythme. Je passerai en soufflant sur le fait que le studio 1P2P recommande de jouer à Young Souls en mode difficile – arrêtez de faire ça, mettez la difficulté souhaitée sur normal, et déclinez autour si besoin, mais arrêtez de faire vos élitistes dès l’écran d’accueil bon sang – et décrit son jeu comme « taillé pour les gamers », car aussi agaçant que cela puisse être, on peut au moins jouer en facile, normal, et adapter le tout à sa sauce en réglant les paramètres d’accessibilité.
Ce qui est plus pénible, en revanche, c’est la structure et le rythme du titre, forçant tout du long à faire de très, très nombreux allers-retours entre les différents donjons du sous-sol et la ville humaine de la surface. Vous voulez acheter des potions, armes et armures ? Un aller-retour. Vous voulez ensuite vous acheter des fringues pour trainer en ville – c’est rigolo, mais ça ne sert à rien, et ça bug si vous souhaitez porter un couvre-chef – ? Encore un aller-retour. Vous voulez monter de niveau ? Oui, oui, même pour ça, un aller-retour. C’est très agaçant, ça nuit profondément au rythme du jeu, et surtout, c’est systématiquement ponctué d’une cinématique que l’on ne peut pas passer, mais seulement accélérer. Et si l’on ajoute à ça ses menus redondants et plutôt mal foutus, quelques idées de gameplay affreuses – cette moitié de donjon et ce boss dans lequel nos personnages n’ont qu’un seul PV chacun – ainsi que la coop rapidement bordélique – le Steam Remote Play fonctionne très bien dessus cela dit -, j’ai fini par vraiment me demander pourquoi je persistais à aller jusqu’au bout. L’amour du loot et du complétionnisme, sûrement.
Young Souls a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est disponible sur Stadia depuis août 2021 et sur PC, PlayStation, Xbox et Switch depuis mars 2022.
Young Souls n’est pas un mauvais jeu. Il est cependant beaucoup trop générique et pétri de petits défauts agaçants pour que je puisse le recommander. Malgré une direction artistique sympathique et colorée, un mélange fonctionnel et solide de dungeon crawler et de beat’em all et quelques bonnes idées de structure et de gameplay, son rythme un peu mou, sa répétitivité, son équilibrage étrange, sa vision élitiste de la difficulté et son absence d’inventivité en font un titre franchement moyen et oubliable. Encore plus en cette période où fusent des expériences autrement plus marquantes toutes les deux semaines, que ce soit chez les indés ou les AAA.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
follow me :
Articles similaires
Le backlog de TPP : plancton, démons et apocalypse
nov. 07, 2024
Le backlog musical : un crabe, des robots et du pesto
oct. 20, 2024
Le backlog de TPP : licornes, tapis roulants, disparition
oct. 05, 2024