Aujourd’hui dans Partie Rapide, Shift vous parlera de Doll, un visual novel horrifique avec des poupées et Fanny vous parlera de The Battle of Polytopia, un 4X low-poly sur mobile.
Doll
J’avais déjà abordé le sujet dans la dernière partie de mon article sur la coop locale : j’entretiens un rapport plutôt ambivalent avec le genre horrifique, étant à la fois parfaitement fasciné par les techniques et astuces déployées pour provoquer la peur chez son public et extrêmement réceptif auxdites techniques, chouinant de trouille sur mon siège à la moindre occasion. Me placer sur un jeu d’horreur mettant en scène une poupée révèle ainsi un véritable masochisme de ma part, mais que voulez-vous, ma curiosité est toujours plus forte que mon instinct de survie. D’autant que la note d’intention, proposant de placer le joueur dans un récit horrifique dépourvu de jump scares et situations stressantes – préférant user de son écriture et contexte – était suffisamment alléchante pour y abandonner ma dignité.
Pour un meurtre avec toi
Ainsi me suis-je lancé dans Doll, me demandant comment celui-ci allait tenter de me faire flipper et par le biais de quels artifices, ayant annoncé tout de go avoir délaissé les plus courants et évidents. Un élément de réponse ne tarde pas à tomber : Doll compte nous coller les chocottes grâce à son écriture et ses dialogues. Le titre étant un visual novel, tout ce que l’on aura à faire sera marcher de discussion en discussion, lesquelles n’offriront aucun choix de réponse : tout dans Doll est scripté et bloqué. L’intention étant de livrer une expérience bien précise, le minimum syndical est laissé au joueur, de façon à s’assurer qu’il aille bien là où il faut, quand il faut. Comment faire peur avec la seule force de ses dialogues donc ? Braisque, le créateur du jeu, et auteur de plusieurs autres nouvelles et bandes dessinées s’y prend de deux manières.
De façon assez évidente finalement, les manifestations horrifiques les plus frontales seront liées directement aux péripéties du scénario – prédiction d’un meurtre, inspection d’une scène de crime, descriptions d’actes passés et lourds de conséquences – ainsi qu’à Jeudille, son héroïne – sa nature a priori non-humaine, son destin et son passé, apparemment liés et peu reluisants. Hormis deux ou trois séquences assez graphiques – et points culminants du récit en matière de glauque – tous les aspects évoqués précédemment ne le sont qu’à travers les échanges entre Jeudille et les habitants de Lorgna, portés çà et là par quelques fulgurances musicales, astuces de mise en scène et étrangetés d’animations.
Et si tu n’existais pas
Et si certaines de ces discussions font en effet progresser le scénario, la plupart sont axées sur un autre sujet, tout aussi horrifique et bien plus insidieux. Les interlocuteurs et interlocutrices de Jeudille, coincé.es dans le village de Lorgna pour l’éternité (ou jusqu’à leur mort, disons, non-naturelle), n’ont pour seule activité que la réflexion au sujet de leur propre condition. En résultent de nombreux dialogues et monologues métaphysiques, chacun y allant de son avis sur le sens de leur vie, la nature de leur village – purgatoire, enfer, prison ? – l’ennui, la mort et autres sources d’angoisses existentielles. Pourtant assez peu sujet à ce type de préoccupations, l’omniprésence de ces thématiques dans le récit a fini par avoir raison de mon moral. Je ne saurais dire à quel moment précis de l’histoire je m’en suis rendu compte, mais à force de converser avec les personnages de Doll, je me suis petit à petit rendu compte que le jeu me plombait et qu’une pause était largement nécessaire.
Seulement voilà, aussi lourdes soient les thématiques et ambiances de Doll, aussi ambitieuses et nobles soient ses intentions de faire autrement de l’épouvante, quelque chose cloche dans le rendu. De mon point de vue, le jeu est bien trop écrit. Les phrases longues et tournures alambiquées s’empilent sur des termes et concepts complexes, qui, s’ils ne sont définitivement pas dénués d’intérêt, rendent les discussions très peu crédibles. Je ne critique pas là un manque de réalisme, mais plutôt une certaine lourdeur dans le verbe et, je dois dire, une certaine prétention. Bien que touché par les sujets abordés tout au long de l’aventure, je n’ai pas pu m’empêcher de décrocher à maintes reprises, au détour d’une phrase un peu trop ronflante ou d’un monologue un brin trop rédigé. Difficile de s’impliquer quand on trouve que l’ensemble sonne faux, et qu’en plus il se la pète un peu.
Doll a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
J’ai toujours du mal à taper sur un indé, particulièrement quand la taille de l’équipe est aussi modeste et que les intentions derrière sont aussi bonnes. Malheureusement – et Doll est bien sûr très loin d’être seul dans ce cas – de bonnes idées ne suffisent pas forcément à faire un bon jeu, et à titre personnel, c’est un pétard mouillé. La radicalité de son parti pris et de ses thématiques n’a pas suffi à me faire passer outre son style qui m’a semblé pataud et quand la sauce ne prend pas sur un titre comme celui-ci, il ne reste que l’ennui. L’exercice était compliqué, la façon d’aborder l’épouvante intéressante et tout comme je peux flipper devant un film d’horreur tout en le trouvant mauvais, Doll m’a touché de par son sujet tandis que je soupirais devant son écriture.
The Battle of Polytopia
On ne s’est jamais trop intéressé aux jeux mobile ici à The Pixel Post, à part quand il s’agit de parler de la part croissante de revenus qu’ils génèrent. Il faut dire qu’ils possèdent une image peu reluisante : quand on ne vous propose pas une copie russe suspecte d’un jeu connu, c’est les free-to-play pay-to-win qui ont la part belle sur les différents stores. Il est assez dur de trouver quelque chose de correct dans cet océan de n’importe quoi qu’est le Play Store sur Android et il est facile de vite renoncer et de faire des généralités grossières sur les jeux mobile. Mais quand on regarde bien, quasi tous nos jeux indés préférés ont une version mobile maintenant, preuve qu’il y a bien un public sur cette plateforme, et que non, il n’y a pas que des enfants qui jouent à Fortnite ou des parents qui jouent à Candy Crush. Armée d’un portable flambant neuf et bien plus capable que mon ancien, j’ai décidé de me jeter à corps perdu dans ce monde inconnu et ai vaillamment tapé « best android games reddit » sur Google, afin de voir ce que le hivemind d’Internet avait à me conseiller. C’est là où j’ai entendu parler de The Battle of Polytopia, un mini civ-like gratuit qui semblait plaire à la majorité.
Monde de poche
Allez, parlons directement du sujet qui peut fâcher avant que je vous parle concrètement du jeu : oui il est gratuit, oui il y a des micro-transactions, très raisonnables selon moi. Sans payer, vous avez accès à 4 tribus, ce qui sera bien suffisant pour tester le jeu, et il y a 8 autres tribus à débloquer, au prix de 0,99€, et 3 autres avec des capacités, technologies et biomes spéciaux, au prix de 2,99€. Tout débloquer vous reviendra à 16,89€, ce qui est concevable selon moi si vous aimez le jeu. De même, si vous voulez jouer en multijoueur en ligne, le studio, Midjiwan AB, vous demande d’acheter au moins une tribu, histoire de contribuer aux coûts du serveur. Encore une fois, rien de très choquant de mon point de vue.
Tout cela est bien mignon mais il s’agirait de savoir ce que le titre vous propose concrètement. En lançant une nouvelle partie, vous avez le choix entre deux modes : une victoire au score où la partie est limitée à 30 tours ou un mode domination, où il s’agit d’exterminer les tribus ennemies et contrôler l’entièreté de la (petite) carte. Si le mode score est sympa pour se faire la main , ma préférence est très vite allée au mode domination, où vous pouvez choisir votre nombre d’adversaires, qui va grandissant si vous avez acheté d’autres personnages, et votre mode de difficulté. Tous les grands principes des 4X sont là : vous explorez la carte, vous exploitez des ressources, vous agrandissez votre royaume et surtout, vous exterminez vos ennemis. Tout cela de façon beaucoup plus réduite que dans un Civilization, évidemment vu qu’on est sur un jeu gratuit indépendant sur mobile.
On y trouve le fameux arbre des technologies, qui est assez limité et dont certaines dernières technologies semblent peu utiles, en tout cas lorsque l’on a que trois adversaires en face. Ici, nous ne sommes pas dans la finesse d’un Civilization où il faudra faire preuve de diplomatie et de prudence en étendant son royaume : vous pouvez coloniser un lieu ? Faites-le. Vous croisez un ennemi ? Tapez. Il y a peu de place à l’hésitation, puisque vos ennemis pourront rapidement vous submerger sans vous prévenir. C’est un peu la course à celui qui tapera le plus vite et le plus fort. Il n’est cependant pas question de négliger la croissance de vos villes puisque celles-ci vous donneront des bonus en fonction de leur taille, comme par exemple des super unités sacs à PV, très pratiques pour prendre d’assaut la ville d’un adversaire. De même pour les technologies, il vaut mieux bien réfléchir à celles que l’on privilégie, au risque de se retrouver face à des catapultes mortelles sans possibilité de répliquer efficacement ou de ne pas pouvoir aller s’attaquer au royaume de l’autre côté de l’océan alors qu’eux vous submergent par les mers. Si un vétéran des 4X pourrait soupirer d’ennui devant ces lignes, il serait tout de même dommage de passer à côté de Polytopia, qui dévoile parfois un challenge surprenant et qui finit par être super addictif malgré sa simplicité de surface.
Est-ce que ce jeu a révolutionné ma vie ? Non. Est-ce qu’il a un peu changé ma vision des jeux mobile ? Oui, tout de même. J’ai ici trouvé un jeu mobile gratuit qui ne cherche pas à me forcer à payer en me faisant attendre un temps atroce pour pouvoir réaliser une action mais plutôt un titre qui me donne envie de soutenir les développeurs pour l’amour qu’ils ont mis dedans. Les graphismes sont adorables et le gameplay, bien que peu profond, est très satisfaisant pour faire une partie rapidement et il sera parfait pour apprendre les concepts de base du 4X à des gens effrayés à l’idée de se lancer sur un Civ. Pour les plus réfractaires au mobile, sachez qu’une sortie sur PC est prévue au printemps 2020, avec plus de contenu et des cartes plus grandes, et que vous aurez la possibilité de jouer en ligne contre vos amis sur mobile. Pour les autres, téléchargez-le, il est également disponible sur iOS et il fera un parfait compagnon de trajet.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
follow me :
Articles similaires
Le backlog de TPP : plancton, démons et apocalypse
nov. 07, 2024
Le backlog musical : un crabe, des robots et du pesto
oct. 20, 2024
Le backlog de TPP : licornes, tapis roulants, disparition
oct. 05, 2024