Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali vous parle d’Agony et Bob de The Piano.
Agony
Développé par une équipe réduite au sein du jeune studio polonais Madmind, Agony a été pensé comme un Walking Simulator dans une version extrême et baroque de l’Enfer de Dante, mais développé comme un FPS à énigmes. Les deux visions du projet sont malheureusement liées par une bouillie visuelle invraisemblable, et l’ensemble est hideux et injouable. Agony, cependant, aurait peut-être pu être moins catastrophique.
Affreux, sale et méchant
Il me semble important de préciser que quand nous avons reçu Agony sur PS4 (a priori la version la plus ratée), le jeu n’avait pas encore reçu les deux gros patchs récemment annoncés par les développeurs pour limiter la casse. Mais soyons lucides : rien ne pourra vraiment réparer un jeu comme Agony. Les premières secondes du jeu sont à l’image de tout ce qui suivra : un écran titre graphiquement instable, un menu de lancement de la partie désespérément caché derrière le logo du jeu, et une pop-up d’erreur apparaissant dans la foulée.
Sans vraiment vous présenter de contexte ou mettre en scène son propos, Agony balance donc votre pauvre carcasse en Enfer (peut-être au Purgatoire, ce n’est jamais très clair). Une version de l’Enfer oscillant entre le train fantôme et un album d’Alice Cooper qui aurait mal tourné : gore jusqu’au ridicule, marron-caca. En terme d’expérience horrifique, on s’approche davantage d’une vieille poubelle pleine oubliée sur un balcon en pleine canicule que de l’effroi d’un tableau de Jérôme Bosch. L’Enfer cracra d’un collégien immature qui pense que coller une tête décomposée sur un corps de bébé constitue le top du top du genre horrifique.
Il vous appartiendra donc de déambuler là-dedans, sans instruction précise (le jeu ne vous expliquant jamais vraiment ce que vous êtes supposés faire sinon par des tutoriels qui ne fonctionnent pas vraiment), pour trouver votre chemin jusqu’à une possible rédemption. Comptez dix à quinze heures sans les bugs, un peu plus s’il vous prend la folie de vouloir débloquer les sept fins du jeu. Le gameplay alterne entre plusieurs propositions (simple promenade, énigmes à résoudre, infiltration…), dont aucune n’est vraiment aboutie. Rien n’est jouable, tout est rigide, le résultat sur PS4 est une catastrophe graphique en retard de dix ans sur la production actuelle. Il semble que le jeu soit moins laid et moins truffé de bugs (tearing, framerate, plantages divers) sur PC, mais cela ne peut sauver l’ensemble : l’exécution d’Agony est médiocre, mais sa direction artistique à la truelle ne laissait de toute façon pas grand espoir.
Idée intéressante, exécution lamentable.
Agony aurait pu être plus intéressant, malgré tout. L’exploration des enfers reste un thème assez rarement exploré par les jeux vidéo, au delà des simples blagues (Earthworm Jim) ou de rares jeux décidant de se plonger dans les affres des représentations infernales (Dante’s Inferno, Doom). C’est un terrain où il reste des choses à écrire et à montrer. Mais la bouillie sanglante ringarde que propose le titre de Madmind ne ressemble à rien d’autre qu’une enfilade d’immondices approximatives, disposition aléatoire d’éléments piochés aux différents clichés de la vie après la mort. Ici, une âme damnée. Là, une statue de Baphomet. Un peu plus loin, quelques horribles créatures tourmentées. Oh, une succube ! Le tout sans vision, sans empathie, sans rien. On est loin d’un Shadow of the Damned qui avait, à titre d’exemple, une proposition bien plus vivante et aboutie.
Mais parfois, à de rares moments, on aperçoit ce qu’Agony aurait pu être : une véritable promenade sur rails dans un tableau gore et Grand-Guignol, une sorte de Firewatch PEGI 18, avec les jumpscare qui vont bien. Le jeu est visuellement assez outrancier pour pouvoir prétendre au titre d’expérience la plus écœurante de l’année, et aurait pu jouer sur cette fibre, en laissant son gameplay dysfonctionnel s’effacer au profit d’une « simple » approche de walking sim choquant pour YouTuber énervé.
Mais voilà qu’outre ses problèmes techniques invraisemblables, Agony ne parvient jamais à se trouver un équilibre. Multipliant les propositions, il se perd à vouloir à tout prix être un jeu, à rebours de la plupart des expériences narratives du même genre. Il y a clairement eu dans le développement d’Agony des problèmes lourds de choix d’orientation, comme si le titre avait été écrit et réécrit jusqu’à ne plus avoir aucune direction cohérente. Dommage au fond, car au détour d’une pile de viscères ou d’une harpie hurlante, sur fond de mécaniques de jeu brisées ou de runes à gribouiller sur un mur, on se prête à rêver d’une version alternative qui aurait eu quelque chose à raconter, et un gameplay suffisant pour le mettre en scène. On en est loin.
Il y avait peut-être quelque chose à récupérer tout au fond de cet immense sac de noeud dysfonctionnel qu’est Agony. Mais en l’état actuel des choses, le studio Madmind livre une copie qui ne parvient qu’à agacer et à écœurer, sans jamais parvenir à faire peur ou à raconter quelque chose. On ne saura sans doute jamais si le studio polonais a manqué de temps, de moyens ou d’une vision cohérente pour en arriver à pondre un des gros jeux les plus ratés de la décennie, mais toujours est-il qu’Agony est une catastrophe intégrale, à fuir à tout prix.
The Piano
Sur le papier, c’était tentant : incarner John, un jeune homme suspecté d’avoir tué ses trois grands frères, pianistes virtuoses, et partir à la recherche de la vérité. Ça se passe à Paris, dans les années 40. C’était censé faire peur, et, spoiler, ça énerve plus que ça ne fait peur. Pour la petite histoire, j’ai essayé d’y jouer plusieurs fois, j’ai laissé traîner volontairement puis involontairement la rédaction de cet article, parce que, vraiment, je n’aime pas dire du mal. Ça demande du travail, de créer un jeu, et j’ai envie de croire que ça en demande encore plus quand on est indé comme Mistaken Visions. Je respecte ça. Mais mon expérience sur ce jeu m’a tellement mis les nerfs, qu’en même temps, ça va être compliqué. Alors, par avance, pardon si je ne trouve pas les bonnes formules pour euphémiser mes propos.
Au début, ça commence pourtant plutôt bien. On comprend assez vite qu’au lieu de déambuler dans le Paris des années 40, ça se passera dans la tête du jeune homme. Le but est de diriger le personnage à travers un décor, en résolvant une énigme pour pouvoir accéder au chapitre suivant. Chaque chapitre apporte des pièces du puzzle de la vie familiale de John, permettant de comprendre ce qui a pu se passer, de se demander si c’est lui ou non qui a tué ses frères, et si ça n’est pas lui, qui ça pourrait bien être ? Quand je loot ma première seringue de laudanum et mes premières pilules, cela semble de bonne augure pour le jeu : des artistes, de l’opium, des meurtres, une enquête psychologique… tout ce qu’on attend d’un univers de l’entre-deux guerres à Paris !
Diriger un pataud, c’est chiant
Mais il y a un truc qui cloche. Le personnage est trop rigide. Il ne saute pas. Il se dirige difficilement. La vue à la troisième personne aurait pu être mieux pensée aussi. Là, on a l’impression d’être un être un poil plus grand que le personnage incarné, et qui le suit de très près. Trop près. Ça empêche de voir correctement l’environnement. Pour courir, c’est chiant. Pour s’accroupir, c’est chiant. Pour voir les méchants, c’est chiant.
Ça aurait pu ne pas être gênant s’il n’avait pas fallu être un peu agile et vigilant par moment. Notamment quand on tombe sur les méchants, qui ne sont rien d’autres que des cauchemars ambulants qui veillent et te veulent du mal.
L’interaction, quand on est repéré, est bien faite d’ailleurs : tu as vraiment l’impression d’être dans un cauchemar. La musique devient stressante, il y a une icône qui semble te dire « attention, tu es visible, tu vas te faire choper les mollets, cache-toi, cours, ou les deux ! ». Et tu cours/avances au ralenti, comme dans les pires rêves. Si tu n’arrives pas à leur échapper, ces horribles jojos aspirent ta santé mentale, et tu meurs (ou tu deviens fou, c’est assez flou). Alors, rajoute un personnage pataud et une mauvaise vue d’ensemble, et t’as juste envie de hurler sur ton écran, de balancer ta manette ou ta souris, et de ne plus jouer à ce jeu.
Les bugs ont foutu le bordel dans ma tête
Et puis les bugs… Parfois, mon personnage ne m’obéissait plus : je lui demandais de s’arrêter, et il continuait de courir (sur les méchants, bien sûr). J’ai même cru que ça venait de ma manette, alors j’ai tout bien vérifié les paramètres sur mon PC, et tout et tout. Tout était nickel de mon côté.
Mais arrivée à plusieurs minutes de jeu, il a fallu se rendre à l’évidence : c’était la manette dans le jeu qui déconnait. Impossible d’accéder correctement à l’inventaire, impossible d’avancer correctement… A un moment donné, je me suis retrouvée bloquée. J’ai eu beau spammer « A », impossible de passer le portail et d’accéder à la suite de l’histoire. J’ai dû relancer une partie au clavier.
Ça a mieux marché. J’ai dépassé ce moment fatidique du plantage, mais les bugs ont perduré, me gâchant définitivement les points positifs : une bonne ambiance, des énigmes pas toujours faciles, une histoire intéressante…
A un moment, je me suis retrouvée coincée dans un jardin, les bras en l’air comme si j’avais sauté, et impossible de bouger. J’ai dû relancer la partie. Une autre fois, je suis restée coincée derrière une petite balustrade : impossible de m’échapper alors qu’un méchant me courait dessus. Ou encore : une énigme demande de jouer une mélodie au piano pour changer de chapitre, et impossible de le faire…
Au final, j’ai arrêté pour calmer mes nerfs. Le postulat de départ semblait pourtant intéressant, mais le gameplay et les bugs en ont fait une horreur. Je n’ai pas vraiment pu profiter de l’ambiance du jeu, ni de l’histoire. Et je ne saurai jamais qui a tué les frères (je mise sur le psy). Un tel niveau de frustration est très mauvais pour le cœur.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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