Cette fois-ci dans Partie Rapide, Seastrom ressort gavé de table mais surtout d’Aeterna Noctis, un metroidvania aux yeux plus gros que le ventre, et Shift a sorti sa petite pelle de sa petite poche pour petit creuser dans le petit donjon de Shovel Knight Pocket Dungeon.
Aeterna Noctis
Pensez : un metroidvania, un prince des Ténèbres muni d’une grande cape et de la plateforme à pratiquer fesses serrées. Un programme à faire saliver quiconque se pâme sans discontinuer devant les titres qui ont façonné le sous-genre et ceux qui, depuis quelque temps maintenant, ont repris la relève. Un peu de voltige façon endgame de Hollow Knight dans mon Symphony of the Night, l’équipe d’Aeternum Game Studio nous le fait miroiter. Ça semble trop beau pour être vrai et devinez quoi ? Ça l’est.
Un monde sans mauvais metroidvania, c’est le chaos
Invoquer dès l’introduction les jeux de Konami et Team Cherry, à peu de choses près là où tout a commencé et l’héritier splendide, peut paraître injuste pour un titre qui n’a peut-être pas l’arrogance d’essayer de tutoyer ses pères. Le ton avec lequel se vend Aeterna Noctis aurait tout de même dû nous mettre la puce à l’oreille : flatter le joueur avec ses « 16 zones » et ses « plus de 40 morceaux » rappelle surtout nos sombres heures matinales d’enfance, lorsqu’après avoir zappé sur TF1, la présence du télé-achat en lieu et place des dessins animés était vécue comme une trahison. Mais les premiers temps font toutefois illusion. Après une introduction animée bien fichue qui donne le ton, la chute de notre héros sur une terre déchue, traversée par des figures spectrales géantes au-dessus d’un désert, fait même belle impression. Rien qui ne saurait durer, car si les décors et animations sont garnis d’effets 3D qui rendent assez bien, la succession de donjons gris, de souterrains et de plaines mornes trahit vite le manque de personnalité du monde dépeint, qui navigue entre poncifs, remplissage et inspirations flagrantes. Difficile de se sentir impliqué, malgré une narration plus affirmée qu’ailleurs, au point d’en faire un peu trop. On tombe sans tarder dans le dialogue explicatif qui lasse vite, conjugué à un journal de quête aussi touffu que ridiculement imprécis, et se fait un plaisir de céder aux clins d’œil pop culture qui vont bien, avec autant de finesse que les titres d’articles du plus gros site français consacré au jeu vidéo.
Cette approche grossière impacte tout autant la manière dont on va évoluer au sein des !! 16 ZONES !! d’Aeterna Noctis. Gameplay et progression sont en effet liés de manière à ce que, comme dans beaucoup de titres du genre, on sente une marge d’évolution, un gain de puissance qui appuie notre appropriation de l’espace et du rythme de jeu. Mais ici, comme on a l’air de bien aimer en faire des caisses, en plus des pouvoirs à débloquer et des gemmes/charmes qui ajoutent des pouvoirs, on a droit à un arbre de compétences et le système d’expérience qui lui est collé. Un arbre de compétences qui n’en a que le nom, car on y débloque que des pouvoirs passifs à base de +10% de puissance des coups normaux et autres +5% des chances de critiques. Autant dire un ajout type RPG qui fait mine de plus nous impliquer tout en nous tenant à sa merci, l’expérience étant très longue à accumuler. Un aspect rébarbatif alourdi par une autre brillante idée : si on meurt, plus possible de gagner de l’expérience tant qu’on n’a pas ramassé l’âme restée au lieu de notre décès. Impossible donc, d’aller faire autre chose en attendant de revenir à un passage difficile. Et comme les choses sont bien faites, la difficulté, ou « l’exigence » chez les plus relous, Aeterna Noctis l’embrasse à plein bras. Encore faut-il voir comment.
On aurait vraiment eu de quoi se réjouir avec la promesse qui était faite ici, à savoir mêler plateforme tendue et action-aventure. Sauf que le choix retenu penche davantage sur la quantité que la qualité, en alignant comme une suite de tableaux rythmés par des checkpoints les salles à l’inspiration variable. C’était sans compter sur une maniabilité un peu engourdie, en particulier dans les airs. On a vite fait de constater que l’air control est d’une imprécision à faire dasher sa manette contre le mur le plus proche, un choix inadapté lorsqu’on veut faire dans la plateforme de précision. Ajoutez à cela une caméra qui a parfois du mal à accompagner le mouvement, des éléments de décors au premier plan et des effets visuels qui gênent la visibilité, et vous obtenez un jeu qui est particulièrement barbant à parcourir. L’échec principal d’Aeterna Noctis se trouve dans cette idée même de mélange entre plateforme hardcore et aventure non-linéaire : quel plaisir prendre lorsque l’exploration nécessite de se fader des passages difficiles à la chaîne ? Il ne suffit pas de relier deux zones entre elles pour faire du bon metroidvania. C’est avant tout une histoire de rythme dans la progression, d’une zone à l’autre, d’un pattern ennemi à l’autre, d’une respiration à l’autre. L’exploration, et derrière elle la complétion, ont alors bonne mine, mais on jurait dans chaque zone traversée de ne plus jamais y retourner pour récupérer les objets cachés, tellement la navigation y est pénible. À chaque moment, on a l’impression de se voir balancer au visage les gros muscles du jeu, plein ras la caisse de contenu, ce qui est vrai. Mais a-t-on vraiment envie de s’infliger ça ? Certains semblent y arriver, arguant que tout commence avec l’obtention d’une capacité de téléportation un peu plus loin. Si c’était tellement agréable, pourquoi ne pas l’avoir introduit plus tôt ? Nous, on aura jeté l’éponge en une dizaine d’heures qui ont paru interminables.
Aeterna Noctis a été testé sur PlayStation 5 via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur consoles Xbox, PC, et est prévu sur Switch.
Si mettre de côté l’univers, la direction artistique et l’homogénéité du game design pour d’abord trouver un challenge certain dans une suite de tableaux moyennement inspirés et un contenu qui n’a pas l’air de manquer ne vous pose pas de soucis, Aeterna Noctis pourrait peut-être rassasier vos envies de morts à répétition et vous occuper un bon moment. Mais reste malgré tout une proposition de metroidvania foutraque et fastidieuse qui ne sait pas s’arrêter. La mise à jour qui vient juste, à cette heure, d’être mise à disposition tente de pallier le souci de fluidité de progression en allégeant certaines phases de plateformes, mais ça ne suffira pas à rattraper le déséquilibre global du projet.
Shovel Knight Pocket Dungeon
Si vous avez suivi assidûment les Mardis Douleur l’année dernière, vous le savez sûrement déjà : ici on aime plutôt pas mal Shovel Knight (même s’il cogne parfois assez fort). Le Mega Man/DuckTales-like ne payait pas tellement de mine à son arrivée en 2014 mais force est de constater, sept ans plus tard, que le titre de Yacht Club Games s’est creusé son petit statut de classique indé, à grands renforts de DLC solides et de bandes-son composées par le formidable Jake Kaufman. Et maintenant que le studio semble avoir fait le tour de la question avec ses quatre extensions – modifiant à chaque fois le gameplay en profondeur -, Yacht Club Games fait profiter les copains, en laissant le soin au développeur Vine de se charger de l’opus Shovel Knight Pocket Dungeon et à Nitrome (développeur de jeux flash et mobiles, présent depuis peu sur le marché PC et consoles) de nous préparer le prometteur Shovel Knight Dig.
Dans un mouroir de poche
La grande réussite de Pocket Dungeon reste indéniablement cette capacité à rester fidèle à tout l’enrobage et l’esprit de la série – pixel art et couleurs sublimes, écriture drôle et légère, auto-reprises de Jake Kaufman – comme à sa richesse et sa variété de contenu, tout en s’éloignant radicalement de son ainé en termes de gameplay et de structure. Exit le platformer à la Mega Man, exit l’aventure semi-linéaire aux niveaux accessibles via une map à la Super Mario Bros. 3 : Pocket Dungeon continue de citer ses classiques, mais dans un tout autre genre. Le titre de Vine et Yacht Club Games s’engouffre ainsi dans une pure structure de roguelite, où les très fréquentes morts nous ramèneront au hub principal, dans lequel il sera possible d’acheter des objets disponibles pour les parties suivantes, le tout mêlé à un aspect puzzle game en apparence très basique.
Dans Shovel Knight Pocket Dungeon, on assiste au remplissage progressif – dans un mélange de temps réel et de tour par tour un peu déroutant – de pièces vues du dessus, qu’il s’agira de vider en cognant des grappes d’ennemis identiques, à la manière d’un Puyo Puyo, par exemple. Une base de gameplay largement éprouvée, si ce n’est un peu éculée, et qui peut faire craindre une certaine fainéantise lors des premières parties – et un possible manque de contenu en voyant le faible nombre d’objets à acquérir dans le hub de départ. Sauf que la réussite et la variété de Pocket Dungeon ne résident ni dans sa quantité d’objets, ni dans sa structure de roguelite, ni dans sa mécanique de base. Car si, au fil des niveaux, les ennemis – ainsi que les dégâts qu’ils infligent et les techniques pour les occire – varient, c’est la rapide apparition des boss qui va intelligemment pimenter nos parties.
On y retrouve avec plaisir les chevaliers ennemis du premier Shovel Knight : le Plague Knight avec son sceptre et ses fioles de poison, le Specter Knight et sa faux, ou encore le minuscule Tinker Knight qui, une fois vaincu, revient avec son robot géant ; le tout réadapté au gameplay de Pocket Dungeon – et avec quelques nouveaux adversaires, tant qu’à faire. Comme pour son grand frère, ces affrontements sont les points d’orgue du jeu, chaque chevalier ayant son pattern et sa difficulté propres et chaque combat se terminant généralement avec un ou deux pauvres points de vie restant. Et si ces rencontres justifient à elles seules de se pencher sur Pocket Dungeon, c’est également car chaque chevalier vaincu devient par la suite un nouveau personnage jouable, avec lequel il sera possible de refaire toute l’aventure.
Sans arriver au niveau des extensions de Shovel Knight qui, pour le coup, modifiaient entièrement la façon de jouer – on se souvient de King of Cards et son King Knight virevoltant ainsi que ses cartes à collectionner -, les nouveaux personnages jouables apportent suffisamment de changements pour que les parties et la manière de les appréhender soient variées. Plague Knight permettra d’empoisonner les ennemis, Prism Knight pourra se téléporter sur de courtes distances, Specter Knight ne pourra se soigner qu’en tuant des ennemis : les aptitudes de chaque personnage jouable nécessitent d’abandonner à chaque fois ses automatismes et renouvellent bien plus l’expérience que n’importe quel objet à débloquer. Si l’on ajoute à tout cela quelques mystères à collecter au long des runs, un sympathique mini-jeu – légèrement différent selon le chevalier incarné – dans le hub central et les classiques modes versus et défis du jour, on se retrouve face à un jeu bien moins mineur et oubliable que ce que l’on pouvait craindre au premier abord.
Shovel Knight Pocket Dungeon a été testé sur Switch. Il est également disponible sur PC et consoles PlayStation.
À la fois fidèle à l’esprit et à l’esthétique de Shovel Knight et foncièrement différent de son ainé en termes de mécaniques, le Shovel Knight Pocket Dungeon de Vine et Yacht Club Games est une petite réussite. S’il pêche un peu du côté roguelite – faible quantité d’objets, runs courtes, bestiaire un peu léger -, son véritable intérêt réside dans ses mémorables combats de boss et dans le renouvellement constant que proposent les chevaliers ainsi débloqués. Le premier passage de relai de la saga Shovel Knight se fait de bien belle manière, et nous sommes assez impatients de voir ce qu’en fera Nitrome pour le suivant.
Seastrom
C'est la Loire qui coule dans les veines de Seastrom, mélangée aux subtilités de la vaporwave. Possibilité de l'amadouer en lui parlant indés et D&D (Dreyer et Digimon).
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