En ce début d'année 2025, la rédaction de The Pixel Post a décidé d'accorder un bref répit à vos backlogs, pour s'attaquer à vos piles à lire. Dans cette série d'articles, nous vous avons concocté quelques recommandations de livres en lien avec le jeu vidéo qui nous ont plu ou marqués. Dans cette deuxième partie, Shift, Koroviev et Rifampicine vous parlent d'ouvrages qui traitent du jeu vidéo de manière plus générale, en tant que média et industrie.
Une histoire du jeu vidéo en France
Les infos utiles :
- Auteurs : Alexis Blanchet et Guillaume Montagnon
- Éditeur : Pix'n Love
- Prix : 30 €
Recommandé par Shift : Avec Une histoire du jeu vidéo en France, Alexis Blanchet (avec qui Seastrom s’était longuement entretenu il y a quelques années) et Guillaume Montagnon retracent une trentaine d’années d’histoire vidéoludique française, de ses balbutiements dans les labos de recherche à l’aube des années 60, jusqu’à sa démocratisation dans les années 90. L’ouvrage est ainsi un document historique précieux, extrêmement bien sourcé et documenté, avec un petit côté enquête très agréable, porté par ses entretiens revenant a posteriori sur des extraits télévisés, articles et anecdotes.
Attention cependant : ce livre est un travail d’enseignant-chercheur, et ça se sent. On évite généralement l’écueil du jargon incompréhensible, le style est fluide, le ton est pédagogue et vulgarise suffisamment bien les notions et concepts, mais on peut facilement se sentir submergé face à cet ouvrage très dense, qui explicite et détaille chaque aspect, chaque évènement et multiplie les protagonistes et technologies. C’est à la fois son point fort et son point faible : tous les chapitres et toutes les périodes abordées sont absolument passionnants, mais demandent une certaine concentration pour assimiler la quantité affolante d’informations et d’histoires contenues dans chaque partie. Pour ma part, Une histoire du jeu vidéo en France a été picoré section par section un peu tous les soirs durant de nombreux mois afin d’éviter l’overdose, et tout s’est très bien passé.
Lire les magazines de jeux vidéo
Les infos utiles :
- Auteur : Selim Ammouche
- Éditeur : Presses Universitaires de Liège
- Prix : 25 €
Recommandé par Shift : Dans Lire les magazines de jeux vidéo, Sélim Ammouche, Alexis Blanchet, Björn-Olav Dozo et Mathieu Triclot posent un postulat assez simple : la presse vidéoludique sert régulièrement de support pour la recherche, mais on manque d’études concernant la presse JV elle-même, du moins en France. C’est ce manque que vient combler l’ouvrage, avec son corpus entièrement francophone (Joystick, Joypad, JeuxVidéo Magazine, Canard PC...) mais surtout la diversité des angles abordés pour analyser la presse vidéoludique. Pertinence des grilles de notes et des tests, traitement du crunch dans l’industrie, légitimité des journalistes JV, gestion de la publicité, importance donnée aux avancées technologiques : le recueil traite d’un grand nombre de problématiques qui traversent (ou devraient traverser) les rédactions de magazines JV.
Construit à la manière d’un magazine, avec ses multiples rubriques et auteurices, il se lit, eh bien, à la manière d’un magazine JV, dans l’ordre souhaité (perso, dans le désordre le plus absolu selon le mood et les centres d’intérêt, mais il n’y a pas de mauvaise manière). Les différents sujets traités donnent de bonnes pistes de réflexion sur la pratique du journalisme JV et permettent de prendre un recul à mon sens nécessaire, si ce n’est indispensable, sur la place et le rôle de cette presse spécialisée et de ses journalistes. Si vous lisez régulièrement la presse JV, je pense que se pencher sur Lire les magazines de jeux vidéo est intéressant. Si vous écrivez dans la presse JV (papier comme en ligne, pro comme associative), je pense que se pencher sur Lire les magazines de jeux vidéo est important. Ça ne donne aucune réponse toute faite sur aucun sujet, ce n’est pas là pour ça, mais ça permet de se décentrer sur ses pratiques et sur l’écosystème dans lequel on évolue, ce qui est toujours une démarche saine et passionnante.
L'1nterview : Spécial Viktor Antonov
Les infos utiles :
- Auteur : Pierre Gaultier & Cécile Pommeron
- Éditeur : L'1nterview
- Prix : 8,50 €
Recommandé par Koroviev : Il est de notoriété publique que Half-Life 2 et Dishonored font partie des meilleurs jeux ayant jamais existé (et si vous affirmez le contraire, je vais devoir vous demander de faire preuve d'un peu plus d’objectivité). L’un des points communs majeurs entre ces deux œuvres, c’est Viktor Antonov, leur directeur artistique et concepteur visuel. C’est chez Xatrix Entertainment, avec notamment Kingpin - Life of Crime, qu’il a développé sa patte, reconnaissable entre mille, indissociable de l’ambiance d’oppression dictatoriale des œuvres sur lesquelles il travaille.
On la retrouve également dans Wolfenstein : The New Order et, si vous commencez à vous demander pourquoi une telle obsession pour le totalitarisme, sachez que le jeune Viktor a grandi en Bulgarie soviétique, élevé par une artiste et un designer ayant refusé de rejoindre le Parti communiste, avant de fuir en France à 17 ans. Si vous voulez en savoir plus, tout est dans ce numéro de l’1nterview : un entretien fleuve dans lequel le designer revient sur son enfance, ses influences artistiques, mais aussi sur son processus de création pendant le développement des plus grandes œuvres sur lesquelles il a travaillé.
Racisme et jeu vidéo
Les infos utiles :
- Auteur : Mehdi Derfoufi
- Éditeur : Maison des Sciences de l’Homme
- Prix : 13 € en physique, 8 € en numérique
Recommandé par Rifampicine : Le jeu vidéo est politique, dans sa création, ce qu'il raconte et par extension, sa consommation. En tant que médium à l'impact grandissant et s'adressant à un public extrêmement hétérogène, il est primordial d'admettre sa capacité à renforcer ou atténuer des clichés et stéréotypes, aussi bien sexistes que racistes. Et c'est pour mettre en lumière ce dernier point avec un regard critique, argumenté et analytique que des livres comme celui de Mehdi Derfoufi sont importants. Loin d'être un pavé universitaire au style pompeux, il réussit à nous parler clairement, mais avec profondeur et expertise, d'un sujet complexe.
Trois œuvres y sont particulièrement analysées : Resident Evil 5, The Witcher 3, et Kingdom Come Deliverance. Sans jamais nous adresser un ton péremptoire ou accusateur si l'on a apprécié notre expérience sur ces jeux, Mehdi Derfoufi nous propose une lecture importante de leurs travers. Déjà sensibilisé ou pas à cette problématique, nous en sortons avec davantage d'outils pour étoffer nos propres analyses, sur des jeux passés ou à venir.
Ainsi parlait Iwata-San
Les infos utiles :
- Auteur : Hobonichi (Auteur), Djamel Rabahi (Traduction)
- Éditeur : Mana Books
- Prix : 18 €
Recommandé par Rifampicine : Le 11 juillet 2015, le monde du jeu vidéo pleurait la perte de Satoru Iwata, alors président de Nintendo depuis 2002. Au cours de son mandat, il avait lancé le concept des Iwata Ask, des séries d'interviews qui offraient un peu de transparence sur l'envers du décor et la philosophie régnant dans les couloirs de ce mastodonte du jeu vidéo. Dans Ainsi parlait Iwata-San, ce sont les échanges les plus intéressants et sincères issus de ces interviews que l'on retrouve, ainsi que quelques informations non publiées, histoire de nous proposer plus qu'un contenu déjà en ligne. Ses jeunes années, la création de HAL Laboratory (Kirby, la trilogie Mother...) dont il a été président, mais aussi sa vision du management et de ce que doit être le jeu vidéo, ce sont autant de sujets passionnants qui nous sont contés au travers des mots de Monsieur Iwata.
Ainsi parlait Iwata-San est un livre qui peut parfois paraitre consensuel de par sa démarche (n'y cherchez aucune info croustillante ou once de polémique), mais il permet de se sentir proche de celui dont la vision du jeu vidéo a mené à la création de la Nintendo DS et de la Wii. On y retrouve aussi des interventions de Shigeru Miyamoto et Shigesato Itoi (créateur de la licence Mother), proches d'Iwata-San, pour avoir un regard extérieur, débordant de respect et de reconnaissance. Fan de Nintendo ou non, il y a quelque chose de doux et de réel à gagner de cette lecture.
Du sang, des larmes et des pixels
Les infos utiles :
- Auteur : Jason Schreier
- Éditeur : Mana Books
- Prix : 19 €
Recommandé par Rifampicine : « Chaque jeu terminé est un miracle en soi. » Cette simple phrase, citation d'un développeur que l'on retrouve dans l'introduction du livre, en est le simple, concis et parfait résumé. Mais par sympathie pour vous, je vais aller un peu plus loin. Du sang, des larmes et des pixels est le premier livre de Jason Schreier, journaliste influent dans le domaine vidéoludique, ancien rédacteur chez Kotaku, bossant désormais pour Bloomberg News. Au fil de chaque chapitre, centré sur un jeu, il nous raconte l'envers du décor de la création des jeux vidéo pour les équipes de développement. Au travers de leurs témoignages, complétés d'une recherche documentaire, nous vivons avec eux différentes phases. L'excitation d'un nouveau projet, l'épuisement physique et psychique, la crainte constante d'un arrêt total après des mois de travail acharné, la quête constante de financement pour des développements de plus en plus longs, etc.
Pillars of Eternity, Shovel Knight, Star Wars 1313, Uncharted 4 ou encore Stardew Valley, ce sont dix chapitres pour dix jeux aux origines et destins hétérogènes qui s’enchaînent. La grosse production au nom ronflant, le jeu kickstarté qui se doit de tenir ses engagements ou la création par une personne seule, peu importe le contexte, chaque genèse de jeu, qu'elle aboutisse ou pas, se fait, comme l'indique le nom du livre, dans le sang, les larmes et les pixels. À une époque où nous sommes heureusement plus informés et critiques sur la réalité du crunch dans les studios de développement, ce livre est un rappel important de la violence psychique qui peut se cacher derrière nos jeux préférés, aussi doux et bienveillants qu'ils puissent être dans leurs propos et morales.
Rifampicine
Je vous dirais bien ce que j'aime comme style de jeux mais ça change toutes les 6 heures. Alors disons que j'aime aussi beaucoup les musiques de jeux vidéo et écrire dessus.
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